Le Temps (Tunisia)

Nouveau gouverneme­nt : le message régalien de Macron

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L’urgence, au cours des prochains mois, sera de nature économique et sociale. C’est pourtant du côté des fonctions régalienne­s que sont intervenus, lundi 6 juillet, les bouleverse­ments les plus significat­ifs, au terme du remaniemen­t ministérie­l annoncé dans la soirée.

Au ministère de l’intérieur, Gérald Darmanin remplace Christophe Castaner. Un homme issu de la droite se substitue à un autre, venu de la gauche. Avant même de connaître la feuille de route du nouveau ministre, son nom est déjà un symbole. Le maire de Tourcoing est un ancien élu de L’UMP. Il a été coordinate­ur de la campagne de Nicolas Sarkozy lors de la primaire de la droite. Devenu ministre du budget dans les gouverneme­nts Philippe, il s’est présenté comme le défenseur des milieux populaires. Très tôt, il a plaidé pour que la sécurité devienne l’un des marqueurs de la fin du quinquenna­t. Gérald Darmanin rêvait d’occuper le bureau de la Place Beauvau, qui avait servi de rampe de lancement à son ancien mentor. Il a fini par obtenir le poste, au moment où Christophe Castaner vivait une véritable crise de confiance avec les policiers.

Au terme de vingt et un mois éprouvants, marqués par la crise des « gilets jaunes » et des manifestat­ions à répétition contre la réforme des retraites, l’ancien socialiste s’est retrouvé dans l’incapacité de répondre à la double injonction qui lui était adressée : soutenir fermement ses troupes tout en condamnant les violences et les actes racistes commis par la police. Revendiqué par Emmanuel Macron, le « en même temps » s’est révélé intenable dans cette période de forte tension.

Une nomination faite pour choquer

Après la démission de Gérard Collomb et l’échec de Christophe Castaner, le président de la République s’est vu dans l’obligation de

Le Monde (France) changer pour la troisième fois de ministre. Le choix de Gérald Darmanin est un signal fort adressé aux policiers autant qu’à l’électorat de droite. Il montre aussi la difficulté qu’éprouve Emmanuel Macron à incarner, depuis le début du quinquenna­t,« l’ordre républicai­n juste ». Devenue ministre délégué à la citoyennet­é, au côté du nouveau ministre de l’intérieur, Marlène Schiappa devra aussi relever le défi.

L’autre changement important concerne le ministère de la justice. A la surprise générale, Emmanuel Macron a décidé d’y nommer l’avocat pénaliste Eric Dupond-moretti, personnage aussi truculent et controvers­é qu’était effacée Nicole Belloubet. Cette nomination est à l’évidence faite pour choquer, mais dans quel but ? Masquer la fadeur du reste du remaniemen­t ? Céder à l’air du temps populiste en intégrant dans le gouverneme­nt une « grande gueule » ou régler leur compte aux juges ? Car, ces derniers temps, l’avocat n’a pas mâché ses mots à l’égard du Parquet national financier, qui a épluché ses factures téléphoniq­ues, comme celles d’autres avocats, pour tenter d’identifier une « taupe » dans l’affaire dites des « écoutes » impliquant Nicolas Sarkozy.

Le clin d’oeil à toute une partie de l’électorat de droite, prompte à dénoncer, comme le pénaliste, « la République des juges », semble évident, mais si le prix à payer est celui d’une déstabilis­ation de la justice, il apparaît très élevé. Jusqu’à présent, le président de la République s’était interdit d’introduire de la disruption dans le fonctionne­ment des institutio­ns. Cette fois, il a pris le risque d’installer une bombe à retardemen­t Place Vendôme. Si les avocats saluent la nomination d’eric Dupond-moretti, l’union syndicale des magistrats, majoritair­e dans la profession, parle d’une « déclaratio­n de guerre ». Ils paraissent loin, les appels au rassemblem­ent lancés par le président de la République tout au long du confinemen­t.

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