Le Temps (Tunisia)

La métamorpho­se du mouton

- LE TEMPS Salah BEN HAMADI

Heureuseme­nt que c’est un mouton que la coutume nous a habitués à sacrifier, mais ça aurait pu être une civette ou un trident (chauve-souris du désert), les deux espèces animales à l’origine des contaminat­ions humaines par le coronaviru­s, et c’aurait été alors ou l’anathème ou l’hécatombe.

Heureuseme­nt que c’est un mouton que la coutume nous a habitués à sacrifier, mais ça aurait pu être une civette ou un trident (chauvesour­is du désert), les deux espèces animales à l’origine des contaminat­ions humaines par le coronaviru­s, et c’aurait été alors ou l’anathème ou l’hécatombe.

La remarque, d’un commentate­ur à l’esprit plutôt critique, s’applique aux centaines de marchés libres de moutons vivants qui ont commencé à s’installer un peu partout dans notre pays pour la vente du mouton de l’aïd el Idha ou fête du sacrifice, attendu dans quatre semaines.

Quand on pense aux exigences excessives que doivent remplir les bêtes de sacrifices religieux et magiques, la remarque de notre commentate­ur est très pertinente.

Des conditions aléatoires

Toutefois, que le mouton soit, par chance, la bête à sacrifier ne diminue en rien les risques encourus, au vu des conditions dans lesquelles se déroule la vente de ces moutons vivants.

Certaines places dédiées à ces marchés libres de moutons vivants accueillen­t des milliers de bêtes en même temps, proposés au grand public des acheteurs en l’absence de toute règle d’hygiène publique, comme la place d’el Mourouj, dans la périphérie de Tunis, au voisinage des locaux de la Société Ellouhoum.

Les conditions de vente dans la Société Ellouhoum, pourtant une entreprise publique spécialisé­e opérant depuis longtemps dans le secteur, ne répondent pas non plus aux normes, quoique les bêtes y soient contrôlées sur le plan sanitaire, contrairem­ent à celles vendues dans les marchés libres tenues n’importe comment dans les places et les rues.

La qualité des moutons laisse aussi à désirer et rapportée aux prix qui ne cessent de flamber d’une année à l’autre sans le moindre motif, elle frôle la fraude. D’autant que la vente pratiquée est la vente à vue d’oeil par tête et non pas à la pesée.

Que l’année soit pluvieuse et favorable à la poussée des herbes dans les champs et pâturages, ou moins arrosée, les prix augmentent chaque année de façon excessive, tandis que le motif est toujours le même, la cherté des aliments pour bétail et des intrants agricoles.

D’ailleurs, selon certains, l’élevage extensif dans les pâturages naturels a reculé énormément, et a été remplacé par un élevage intensif bâclé, ce qui explique la mauvaise qualité de la viande.

Abattage

Reste que l’attachemen­t à la coutume de sacrifier des bêtes vivantes, et au principe du sacrifice même ne fait plus l’unanimité.

La tradition dans ce domaine se nourrit de l’idée qu’il s’agit d’une grande faveur « divine » en ce que le sacrifice du mouton ou des bêtes en général aurait été institué en remplaceme­nt d’un ancien sacrifice rituel des enfants. Mais comme l’a noté notre commentate­ur, ça reste toujours un sacrifice donnant lieu à l’abattage de quelques huit cent mille bêtes, en une seule journée, dans une ambiance festive où le sang coule à flot dans les cours des maisons devant ces mêmes enfants qu’on cherchait à épargner.

Pourtant, intimement lié à la fête du sacrifice, et plus essentiel sur le plan religieux, étant l’un des cinq fondements de l’islam, le pèlerinage annuel à la Mecque et au sanctuaire sacré de la Kaaba qui s’y trouve, a fait souvent l’objet de réglementa­tions appropriée­s en fonction des circonstan­ces, comme c’est le cas cette année en raison de la pandémie du coronaviru­s. Nécessité fait loi, et celle-ci dit que rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme.

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