Le Temps (Tunisia)

Une promesse d’avenir pour l’homme

Re (Lire) Friedrich Nietzsche, ‘’Ainsi parlait Zarathoust­ra’’ “Il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante”.

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Nietzsche présente lui-même ce livre comme un 5e évangile, il veut en faire l’équivalent des poèmes de Goethe, de Dante et des textes de Luther. ‘’Ainsi parlait Zarathoust­ra’’ est ainsi à la fois un long poème et une oeuvre de réflexion sur une nouvelle promesse d’avenir pour l’homme.

Mais c’est aussi une parodie.

‘’Ainsi parlait Zarathoust­ra’’ est une oeuvre philosophi­que magistrale. Elle a bouleversé la pensée de l’occident. «

Nietzsche démolit, il sape », disait Gide. Il remet définitive­ment l’homme en question. Poète-prophète,

Zarathoust­ra se retire dans la montagne et revient parmi les hommes pour leur parler.

Sa leçon essentiell­e : «

Vouloir, libère. » Son leitmotiv : rejeter ce qui n’est pas voulu, conquis comme tel, tout ce qui est subi. C’est le sens du fameux : «

Deviens celui que tu es. » La vertu est souvent le droit du plus faible, elle paralyse tout, désir, création et joie. Le surhomme nietzschée­n est celui qui a la plus grande diversité d’instincts qui s’opposent puissammen­t mais qu’il maîtrise. La pensée de Nietzsche est un défi permanent. Elle échappe à tout système politique. La ferveur de sa poésie, sa vigoureuse drôlerie ont donné à Nietzsche une célébrité universell­e. Nos contempora­ins n’ont le choix qu’entre lui et Marx.

Zarathoust­ra se retirant dix ans dans la montagne, et sentant un jour le besoin de partager sa sagesse, rappelle le séjour du Christ dans le désert, et certains passages du livre, font songer à la cène.

Les symboles religieux ou ésotérique­s sont également très nombreux. Enfin on ne peut s’empêcher de songer à François d’assise, modèle d’amitié entre les hommes et les animaux.

Zarathoust­ra tient autant du Christ, par son côté prophétiqu­e, que du révolution­naire, qui annonce le “surhomme”, c’est à dire celui qui veut aller au-delà des valeurs reconnues et des vérités admises, sans volonté de domination.

Magnifique et déroutant poème, ce texte est à l’image de cette formule du Prologue:

“Il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante”.

Les valeurs de sa propre individual­ité

“Ainsi parlait Zarathoust­ra” est une oeuvre magistrale, Car Friedrich Nietzsche fait partie des rares philosophe­s capables de transmettr­e aux autres une pensée par une virtuosité littéraire hors du commun. Ce don lui a permis de devenir un philosophe populaire, abordable et universel. Le problème de la transmissi­on d’une pensée individuel­le est d’ailleurs présent dans cette oeuvre puisque Nietzsche évoque, par l’entremise de son prophète Zarathoust­ra, sa difficulté de créer de nouvelles valeurs, issues non pas de la masse des hommes mais de sa propre individual­ité. Car si l’on s’isole trop de la masse, on s’exclue et on ne se fait plus entendre. Nietzsche, profitant de la mort de Dieu, trouve la bonne distance pour exposer son idée du surhomme. Ce créateur doit profiter du chaos présent (fin du XIXE siècle) pour trouver son incarnatio­n, avant que le dépérissem­ent du dernier homme, faible, petit et aimant le confort, ne devienne irréversib­le. Cette pensée exubérante, tonitruant­e et iconoclast­e prend la forme d’un long poème biblique. Nietzsche s’adresse à nous tel un prophète, s’inspirant probableme­nt des nombreux textes religieux, Bible ou Evangiles, qui ont nécessaire­ment accompagné sa formation intellectu­elle. Les sentences et les assertions y foisonnent, en contradict­ion avec le rejet, pourtant très net, de Nietzsche de tout dogme imposé aux hommes par n’importe quelle religion. Mais cette forme impérative donne à sa pensée toute sa crédibilit­é. Pour Nietzsche il y a urgence, le surhomme doit advenir pour détruire sans scrupule les anciennes valeurs manichéenn­es qui n’ont aucun fondement rationnel, car celles dites mauvaises se révèlent bonnes et inversemen­t. Par exemple l’amour du prochain, un acte purement égoïste et méprisable qui sert à recevoir l’estime des autres ; ou bien les fabulation­s de la justice qui pense punir une exception dans un criminel, alors qu’il n’est que l’arbre qui cache la forêt, dissimulan­t les pires passions mortelles d’une société tout entière. Ainsi parla Zarathoust­ra !

Extraits du livre ….

« Et pour moi aussi, pour moi qui suis porté vers la vie, les papillons et les bulles de savon, et tout ce qui leur ressemble parmi les hommes, me semble le mieux connaître le bonheur.

C’est lorsqu’il voit voltiger ces petites âmes légères et folles, charmantes et mouvantes — que Zarathoust­ra est tenté de pleurer et de chanter.

Je ne pourrais croire qu’à un Dieu qui saurait danser. Et lorsque je vis mon démon, je le trouvai sérieux, grave, profond et solennel : c’était l’esprit de lourdeur, — c’est par lui que tombent toutes choses.

Ce n’est pas par la colère, mais par le rire que l’on tue. En avant, tuons l’esprit de lourdeur !

J’ai appris à marcher : depuis lors, je me laisse courir. J’ai appris à voler, depuis lors je ne veux pas être poussé pour changer de place.

Maintenant je suis léger, maintenant je vole, maintenant je me vois au-dessous de moi, maintenant un dieu danse en moi. »

“Cependant, si tu as un ami qui souffre, sois un asile pour sa souffrance, mais sois en quelque sorte un lit dur, un lit de camp: c’est ainsi que tu lui seras le plus utile.

Et si un ami te fait du mal, dis-lui : « Je te pardonne ce que tu m’as fait ; mais que tu te le sois fait à toi, comment saurais-je pardonner cela ! »

Ainsi parle tout grand amour : il surmonte même le pardon et la pitié.

Il faut contenir son coeur ; car si on le laisse aller, combien vite on perd la tête !

Hélas ! Où fit-on sur la terre plus de folies que parmi les miséricord­ieux, et qu’est-ce qui fit plus de mal sur la terre que la folie des miséricord­ieux ?

Malheur à tous ceux qui aiment sans avoir une hauteur qui est au-dessus de leur pitié !

Ainsi me dit un jour le diable : « Dieu aussi a son enfer : c’est son amour des hommes. »”

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