Le Temps (Tunisia)

Inquiétude pour des milliers d'étudiants étrangers

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L'inquiétude monte chez des milliers d'étudiants étrangers aux Etats-unis, désormais sous la menace d'un départ forcé par l'administra­tion Trump ou contraints de retourner sur leur campus alors que la pandémie flambe.

Ils sont plus de 40.000 étudiants étrangers dans les université­s publiques de Californie, et près de 5.000 à Harvard, des établissem­ents qui ont prévu de ne proposer que de l'enseigneme­nt en ligne cet automne.

Selon une décision annoncée lundi par la police de l'immigratio­n américaine (ICE) - et contestée en justice par Harvard et le MIT - ils n'ont plus le droit de séjourner sur le territoire américain, victimes collatéral­es d'un coup de force de Donald Trump pour faire rouvrir toutes les écoles et université­s du pays malgré la pandémie.

"Je pourrais être touché s'ils ne proposent pas de cours en personne", s'inquiète Taimoor Ahmed, 25 ans, étudiant pakistanai­s à l'université publique de Cal State Los Angeles. "Je suis inquiet, ça pourrait changer mon avenir et mes projets."

Un autre, inscrit en master d'une grande université texane, explique qu'il pensait poursuivre les cours en ligne cet automne, par précaution face à la pandémie, après avoir déjà suivi le dernier semestre à distance. Mais cet étudiant indien de 25 ans est désormais obligé de retourner physiqueme­nt à l'université, sous peine de perdre son visa. "Le coût du traitement médical (en cas d'hospitalis­ation liée au coronaviru­s) est beaucoup plus élevé que dans mon pays", dit-il, sous couvert d'anonymat. "Donc j'ai peur."

"Je parle à beaucoup de gens qui ont vraiment la trouille", poursuit-il d'une voix sobre. "Nous sommes seuls dans un pays étranger. Je n'ai personne pour prendre soin de moi" en cas de maladie.

Inquiétude aussi chez une étudiante indienne, en master d'électroniq­ue dans une grande université de l'arizona, Etat devenu lui aussi un foyer de l'épidémie.

Elle sait qu'elle va devoir retourner sur le campus finir ses travaux de recherche et assurer sa fonction de tuteure auprès d'étudiants plus jeunes, même s'il "semble très difficile de contrôler la propagatio­n du virus sur un campus aussi peuplé". Aujourd'hui, la majorité des université­s américaine­s (84% selon le site Chronicle of Higher Education) s'orientent vers une formule en personne ou hybride, mêlant cours virtuels et enseigneme­nt sur le campus, qui permettrai­t à leurs étudiants étrangers d'échapper à l'expulsion dont les menace la nouvelle mesure du gouverneme­nt Trump.

Certaines, comme l'université de Californie du Sud (USC) qui était partie pour faire quasiment tout en ligne, travaillen­t à une nouvelle formule pour offrir davantage de cours en personne. Mais beaucoup redoutent une résurgence de la pandémie à l'automne, qui contraindr­ait les établissem­ents à basculer complèteme­nt en ligne, et pousserait les étudiants étrangers au départ.

"Ils ne peuvent pas contrôler le virus. Ca peut mal tourner", dit la future ingénieure indienne, 25 ans, sous couvert d'anonymat. "Ca me semblerait vraiment injuste que les étudiants étrangers pâtissent de l'aggravatio­n de la pandémie alors qu'ils n'y sont pour rien".

En attendant d'achever ses travaux et sa soutenance en novembre, elle va vivre "dans un état d'inquiétude permanente". "J'ai investi trois ans de ma vie et travaillé dur pour décrocher ce diplôme. Si mon visa était révoqué, ce serait terrible." Après avoir doublé en 15 ans, le nombre d'étudiants étrangers aux Etats-unis piétine depuis 2015, à quelque 1,09 million en 2019, selon l'institut de l'education internatio­nale (IEE).

Les tarifs prohibitif­s de la plupart des grands établissem­ents américains, la montée en puissance d'université­s concurrent­es, en Europe notamment, et la politique migratoire de Donald Trump ont rendu les Etats-unis moins attractifs.

Les décisions récentes "risquent d'affaiblir l'un des plus grands atouts des Etatsunis, à savoir son système éducatif, le meilleur au monde" pour les études supérieure­s, avertit Aaron Reichlin-melnick, du Conseil américain sur l'immigratio­n (AIC).

Jusqu'ici, la future ingénieure indienne d'arizona se voyait rester aux Etats-unis pour un doctorat, voire plus. Mais aujourd'hui, elle hésite, "vu la façon dont l'administra­tion américaine traite les immigrés et les gens sous visa temporaire".

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