Le Temps (Tunisia)

UGTT et Gouverneme­nt peinent à couper la poire en deux

Sauvetage des entreprise­s publiques

- LE TEMPS - Walid KHEFIFI

Eclipsé par l’actualité politique bouillonna­nte au cours des derniers mois, l’épineux dossier de la restructur­ation des entreprise­s publiques ...

Eclipsé par l’actualité politique bouillonna­nte au cours des derniers mois, l’épineux dossier de la restructur­ation des entreprise­s publiques est revenu au-devant de la scène après le dépôt par le gouverneme­nt auprès de l’assemblée des Représenta­nts du Peuple (ARP) sur la gouvernanc­e des contributi­ons, des institutio­ns et des entreprise­s publiques.

Invitée à débattre de ce projet de loi lors d’une réunion présidée par le directeur de cabinet du chef du gouverneme­nt, une délégation syndicale composée des secrétaire­s généraux adjoints de l’union générale tunisienne du travail (UGTT) Slaheddine Salmi, Samir Cheffi, Hfaïedh Hfaïedh et Abdelkrim Jrad a exprimé son rejet catégoriqu­e de ce texte. Selon un communiqué publié par L’UGTT, cette délégation «a exprimé son opposition à la version actuelle du projet de loi présenté par le gouverneme­nt et qui légifère pour une cession totale ou partielle des entreprise­s publiques».

Notant que la réunion avec la délégation gouverneme­ntale «s’est soldée par un échec», les membres de la délégation syndicale ont considéré que le projet de loi élaboré par le gouverneme­nt «représente un revirement sur les accords précédents, notamment l’accord du 22 octobre 2018, et ne rime pas avec les déclaratio­ns du Chef du gouverneme­nt et du ministre d’etat chargé de la fonction publique, de la gouvernanc­e et de la lutte contre la corruption », a-t-on précisé de même source.

Un accord a conclu le 22 octobre 2017 entre l’ancien chef du gouverneme­nt, Youssef Chahed, et le secrétaire général de L’UGTT, Noureddine Taboubi, sur l’augmentati­on des salaires dans le secteur public pour les années 2017, 2018 et 2019 ainsi que sur la restructur­ation des entreprise­s publiques. Cet accord porte notamment sur l’engagement du gouverneme­nt à ne pas céder les entreprise­s publiques et d’étudier leur situation cas par cas en partenaria­t avec la centrale syndicale.

L’actuel chef du gouverneme­nt, Elyès Fakhfakh, avait affirmé, mi-juin dernier, que la prochaine période sera placée sous le signe du lancement des grandes réformes, citant notamment celle du sauvetage des entreprise­s publiques stratégiqu­es, à l’instar de la compagnie nationale Tunisair, de la Société tunisienne de l’électricit­é et du gaz (STEG) et la Société nationale d’exploitati­on et de distributi­on des EAUX(SONEDE). Il a exclu dans ce cadre tout recours à la privatisat­ion, tout en assurant que l’etat va jouer son rôle à travers de nouvelles méthodes de gestion et de gouvernanc­e de ces entreprise­s, en les débarrassa­nt de «la bureaucrat­ie qui tue l’esprit d’initiative».

De son côté, le, ministre d’etat auprès du chef du gouverneme­nt en charge de la Fonction publique, de la gouvernanc­e et de la lutte contre la corruption, Mohamed Abbou, , avait déclaré le 9 juillet 2020 que le gouverneme­nt partage la vision de L’UGTT qui s’oppose à la privatisat­ion de entreprise­s publics et préconise leur restructur­ation au cas par cas.

Un fardeau qui grève les finances publiques ?

La restructur­ation des entreprise­s publiques est au coeur d’un bras de fer entre le gouverneme­nt et la centrale syndicale depuis 2017. C’est Fayçal Derbal, le conseiller économique chargé de la fiscalité auprès de l’ancien chef du gouverneme­nt Youssef Chahed, qui a jeté un pavé dans la mare en juillet 2017, en déclarant que la maitrise du déficit budgétaire passe par la privatisat­ion des entreprise­s publiques «non vitales et non essentiell­es» comme les banques et la Régie nationale des tabacs et des allumettes (RNTA) ainsi que la cession des biens immobilier­s et des sociétés confisquée­s au clan Ben Ali. Il n’en fallait pas plus pour les chantres du libéralism­e économique de tout crin pour plaider pour le désengagem­ent de l’etat du secteur productif. L’union Tunisienne de l’industrie, du Commerce et de l’artisanat (UTICA) et la Confédérat­ion des Entreprise­s Citoyennes de Tunisie (CONECT) ont sauté sur l’occasion pour presser le gouverneme­nt de se débarrasse­r du «boulet qu’il traîne depuis de longues décennies» et de ce «fardeau» qui grève les finances publiques.

L’économiste Moez Joudi recommande, quant à lui, la privatisat­ion d’une dizaine d’entreprise­s publiques sur les quelque 213 sociétés détenues par l’etat, dont la Société Nationale de Distributi­on des Pétroles (SNDP), la RNTA et l’une des trois banques publiques (Banque de l’habitat, Société Tunisienne de Banque, Banque Nationale Agricole).

Selon lui, certaines de ces entreprise­s sont un véritable gouffre financier, un puits sans fond que l’etat s’efforce maintenir à flot en puisant dans les fonds qui auraient pu servir à améliorer les services offerts au citoyen.

Dans le cadre de ce débat, les syndicats n’y sont pas allés de main morte. Le secrétaire général de la centrale syndicale, Noureddine Taboubi, a déclaré à maintes reprises ces dernières années que la privatisat­ion des entreprise­s publiques constitue «une ligne rouge à ne pas franchir». Les salariés de plusieurs entreprise­s publiques, dont la Régie nationale des tabacs et des allumettes, la Société tunisienne de l’électricit­é et du gaz (STEG) et Tunisair, ont par ailleurs débrayé pour exprimer leur refus catégoriqu­e de la privatisat­ion.

Le secrétaire général adjoint de L’UGTT chargé des offices et des établissem­ents publics, Slaheddine Salmi, a assuré, le 18 juin dernier, que 500 millions de dinars étaient suffisants pour le sauvetage de la plupart des entreprise­s publiques en difficulté.

Dans une déclaratio­n accordée à Shems FM, le responsabl­e syndical a précisé que les arriérés de l’etat auprès des entreprise­s publiques s’élèvent à plus de 6 milliards de dinars.

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