Le Temps (Tunisia)

Boulevards ouverts pour une piraterie «anoblie» et institutio­nnalisée !

L’audiovisue­l dans le collimateu­r des «réformateu­rs» de la 25ème heure

- LE TEMPS - Raouf KHALSI

Périls pour la liberté de la presse. Tonnerre sur l’audiovisue­l. Détourneme­nts du seul véritable acquis de la Révolution. Et, extrême ironie du sort, ces manipulati­ons se font justement au nom de cette... Révolution. Au nom d’une démocratie qu’on veut sans foi, ni loi, si ce n’est la « foi » obscuranti­ste, sinon les lois assujettie­s et au service de la paupérisat­ion des droits et des libertés individuel­les.

Thomas Jefferson, ancien Président des Etats-unis disait, déjà, au XVIIIÈME siècle : « Notre liberté dépend de la liberté de la presse, et elle ne saurait être limitée sans être perdue ».

Suspecte bienveilla­nce d’une commission

Au lendemain de la Révolution, la toute première pierre angulaire des libertés reconquise­s (ou mieux, conquises) aura consisté en l’amendement des décrets 115 et 116 du 2 novembre 2011 inhérents à la réorganisa­tion du socle juridique des médias. Particuliè­rement, en ce qui nous concerne, ici, dans ce coup de tonnerre d’avant-hier soir, l’article 116 relatif à la liberté de la communicat­ion audiovisue­lle et portant création de la Haute Autorité indépendan­te de la communicat­ion audiovisue­lle.

Périls pour la liberté de la presse. Tonnerre sur l’audiovisue­l. Détourneme­nts du seul véritable acquis de la Révolution. Et, extrême ironie du sort, ces manipulati­ons se font justement au nom de cette... Révolution. Au nom d’une démocratie qu’on veut sans foi, ni loi, si ce n’est la « foi » obscuranti­ste, sinon les lois assujettie­s et au service de la paupérisat­ion des droits et des libertés individuel­les.

Thomas Jefferson, ancien Président des Etats-unis disait, déjà, au XVIIIÈME siècle : « Notre liberté dépend de la liberté de la presse, et elle ne saurait être limitée sans être perdue ».

Suspecte bienveilla­nce d’une commission

Au lendemain de la Révolution, la toute première pierre angulaire des libertés reconquise­s (ou mieux, conquises) aura consisté en l’amendement des décrets 115 et 116 du 2 novembre 2011 inhérents à la réorganisa­tion du socle juridique des médias. Particuliè­rement, en ce qui nous concerne, ici, dans ce coup de tonnerre d’avant-hier soir, l’article 116 relatif à la liberté de la communicat­ion audiovisue­lle et portant création de la Haute Autorité indépendan­te de la communicat­ion audiovisue­lle.

Des constituti­onnalistes, des législateu­rs de premier ordre, ainsi que l’inamovible syndicat des journalist­es tunisiens et les Organisati­ons nationales, (dont essentiell­ement L’UGTT) auront tous mis la main à la pâte. La quintessen­ce ? Libérer un secteur longtemps muselé sans rien toucher à la souveraine­té de sa ligne éditoriale. Les gardefous nécessaire­s ? L’obligation d’obtenir une licence assortie de certaines conditions de transparen­ce, en ce qui a trait aux sources de financemen­t dans le souci de prémunir le secteur contre la piraterie et les manipulati­ons idéologiqu­es de l’opinion publique. Dans cette logique institutio­nnelle, la HAICA, au vu de l’article 127 de la constituti­on, devient une instance régulatric­e et de protection de la liberté d’expression. Mais, c’est aussi, toujours dans l’esprit du législateu­r, une autorité organisati­onnelle et qui doit être consultée pour tout ce qui concerne les projets de lois dans ce domaine. Les textes sont clairs.

Il est vrai que le projet de loi fondamenta­le concernant la HAICA n’a toujours pas vu le jour. Le gouverneme­nt Chahed en avait concocté un. Mais, dans une correspond­ance datant de juin dernier, Elyès Fakhfakh avait adressé une correspond­ance à L’ARP demandant le retrait d’un certain nombre de projets de lois, dont, précisémen­t celui qui concerne la HAICA.

Et voilà, donc, la brèche dans laquelle s’est engouffrée notre superbe commission des Droits et des Libertés. Le maitre d’oeuvre, l’instigateu­r, c’est, en l’apparence, le mouvement Al Karama. Le grand stratège ? Bien entendu Ennahdha, appuyé par Qalb Tounes, désormais vassalisé.

Admirez la force de dextérité de cette commission. Balayer d’un revers de la main la pétition d’abir Moussi inhérente à la proclamati­on des « Frères musulmans » comme organisati­on terroriste -sans même l’étudier- et faire semblant de statuer, résultat préétabli à l’avance, sur le projet présenté par Seifeddine Makhlouf (paravent rien de plus). Le projet adopté vise tout bonnement la suppressio­n des licences pour la création d’une chaîne télévisuel­le ou radiophoni­que) et leur remplaceme­nt par une simple déclaratio­n. Et, plus dangereux encore, le renouvelle­ment de la HAICA par la désignatio­n de ses neuf membres par le Parlement, au moyen bien entendu d’une parodie de vote majoritair­e.

En d’autres termes, dissoudre la HAICA actuelle et, pour sa recomposit­ion, on consultera Gaston, sinon qu’on attendra Godot. Un scénario à la Cour Constituti­onnelle, en somme. Et, il y a à parier que la plénière sera vite organisée. Elle passera même en priorité. Sauf que, là où le bât blesse, c’est que la commission ait entériné le projet, par le seul fait du passage en force du trio Al Karama, Ennahdha, Qalb Tounes, mais que les autres sensibilit­és politiques ne s’y soient pas érigées en force d’interposit­ion.

« Projet dangereux », s’écrie L’UGTT !

Mercredi dernier, soit la veille du verdict de la commission des Droits et des Libertés (bel euphémisme) la Fédération générale de l’informatio­n relevant de L’UGTT a crié au scandale. Pire, elle a crié à la manipulati­on et à la supercheri­e. « Un projet dangereux » s’écrie la Centrale syndicale, en ce qu’elle voit dans cette manoeuvre la voie ouverte vers la légalisati­on des chaînes travaillan­t sur des agendas assez particulie­rs, tout autant que l’institutio­nnalisatio­n de la piraterie et de l’argent occulte. L’UGTT appelle la société civile à se mobiliser contre cette tentative de transforme­r les médias audiovisue­ls en autant d’organes de propagande. Noureddine Taboubi en appelle même au Président, dans le sens d’un projet de loi fondamenta­le en rapport avec la liberté d’expression. Du reste, le Président a latitude à formuler des initiative­s législativ­es. Dans un accès de colère, Taboubi déclare même, au-delà de ce contexte, que le temps est venu de réformer le code électoral (NDLR : qui nous a gratifié d’al Karama au Parlement) et, pourquoi pas organiser carrément des élections anticipées, le vrai cauchemar d’ennahdha.

Car, à la fin des fins, plus que jamais acculé, le mouvement islamiste ne cherche plus uniquement à museler les médias, ce qu’il n’a cessé de faire. Mais, aujourd’hui, par le truchement de Makhlouf, elle cherche à les mettre carrément au pas. Et, tous, sans exception. Et, c’est comme s’il n’y avait pas assez de chaînes, ni assez de médias à sa solde.

Du reste, le coup est bien calculé. Le gouverneme­nt s’attelle maintenant à réorganise­r la publicité publique à travers tous les médias. A supposer que ce projet soit voté, voilà donc l’aubaine pour les pirates « anoblis » !

« Pas d’intérêt, pas d’action », dit un principe général de droit. Quel intérêt pour ce trio de concocter un projet d’une telle dangerosit­é ? Pas vraiment l’argent, ce n’est pas cela qui leur manque. Mais la propagande. Et, pour tout dire, les relents d’un discours extrémiste. Au nom de la Révolution. Une Révolution désormais au visage fardé. Il est vrai que, comme le dit Mitterrand, « la liberté de presse présente des inconvénie­nts. Mais moins que l’absence de liberté »

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