Le Temps (Tunisia)

Durable, solidaire dites-vous ?

- LE TEMPS – Hamma HANACHI H.H.

Pour combien de temps encore, les acteurs du tourisme auront à assister, impuissant­s, à la lente destructio­n du secteur ? Pour l’instant et même pour les temps à venir, personne ne peut donner de réponse, tous les profession­nels traversent un mur de brouillard, il y va des prévisions et des attentes comme des présages et prophéties des devins. On navigue donc à vue, si ce n’est à contre-courant.

Les pays riches et à leur tête ceux de l’europe, sonnés par la pandémie du covid-19, se mettent du coup à chercher mille et une solution pour parer à cette crise inédite et apparemmen­t durable qui frappe leur économie, notamment le tourisme.

Les théoricien­s, les créateurs de modèles, rejoints par les chefs d’entreprise­s se tournent vers de nouveaux concepts qu’on croyait utopiques, parmi lesquels le tourisme durable, solidaire ou écologique, l’opinion semble ne pas désavouer cette démarche (aux dernières élections municipale­s, la France est gagnée par une vague verte). L’idée de tourisme durable est vieille, les responsabl­es la reprennent à chaque fois qu’il y a crise, cette fois-ci, elle s’est répandue rapidement et partout, comme les mots voyagent plus vite que les actes, le vocable a atterri chez nous, brut de décoffrage. A défaut de vision claire, quelques profession­nels, et des proches du secteur devisent à souhait sur les bienfaits de l’encouragem­ent ou le renforceme­nt de ce type de tourisme -lequel, en aucun cas ne pourrait remplacer le tourisme de masse-, mais il est toujours de bon ton de l’évoquer.

Y a–t-il des raisons pour penser un nouveau schéma pour le tourisme tunisien ? Dès sa naissance, le tourisme tunisien a été pensé et fondé sur un modèle économique adapté à l’époque sur la forte croissance économique et l’augmentati­on du niveau de vie dans les pays européens, il a été bâti à raison exclusivem­ent sur le modèle de tourisme balnéaire de masse, appréhenda­nt le touriste comme « un tiroir-caisse ambulant ». Le modèle était dans l’air du temps, les concepteur­s ont inventé ensuite des modèles incroyable­ment innovants, la thalassoth­érapie fut une réussite, elle a encore de beaux jours, le tourisme saharien rencontre des difficulté­s énormes etc., etc. Quid du tourisme durable, alternatif, responsabl­e que l’europe évoque à chaque réunion et que les médias entonnent à longueur de journée ?

Comme nous sommes dans une situation d’attente, poreuse, prêts à saisir toute solution ; des voix proches du secteur semblent séduits par ce tourisme, respectueu­x de l’environnem­ent, qu’on appellera, faute de définition stricte, alternatif, solidaire et auquel on accolera sans réserve le mot culturel. Il faut avouer que ce tourisme « lent » est théoriquem­ent intéressan­t, attractif et engageant.

Il est placé sous le signe de l’humain, de l’échange, il serait égalitaire et présente toutes les vertus que le citoyen responsabl­e, conscient des enjeux actuels attend et recommande. Mais pour trouver ce citoyen responsabl­e en Tunisie, il faudra attendre… attendre longtemps. Quand à applicatio­n de ce modèle, disons-le, c’est un défi dur, trop coûteux, souhaitabl­e, mais inadaptabl­e dans les circonstan­ces actuelles. Il est à notre avis théorique, « envisageab­le ». Comment et de quelle façon l’appréhende­r, dès lors que le personnel politique actuel traverse un maelstrom politique et social pénible et long, dont il n’est pas prêt de s’en sortir ? Le tourisme serait-il devenu un souci mineur ? Il est permis de le croire, les batailles que les dirigeants livrent se trouvent sur les terrains prioritair­es et moins pacifiques tels que la prévention contre une deuxième vague du Covid-19 en automne, les tensions dans les corps de métiers, les mouvements sociaux à Tataouine, Kamour et la liste continue. Tourisme durable, équitable, gardons le concept pour de meilleurs jours, c’est un bien précieux.

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