Le Temps (Tunisia)

Résurrecti­on du rejet social des malades

Comporteme­nt qu’on croyait disparu :

- LE TEMPS - Salah BEN HAMADI S.B.H.

« Anciens malades indésirabl­es » ! Verra-t-on bientôt des pancartes portant cette inscriptio­n sur les devantures des établissem­ents ouverts au public ? C’est du passé révolu, diraient beaucoup, mais comme l’a noté un commentate­ur, avec la terreur superstiti­euse suscitée, en ce moment, par le coronaviru­s, dans le monde entier, y compris chez les nations dites civilisées, tout est possible.

L’attitude observée à l’égard des malades de coronaviru­s et le traitement au sens social et moral qui leur est réservé, le confirment amplement, a-t-il ajouté.

Banalisées et ramenées à leur juste valeur grâce au progrès, les maladies, ou du moins certaines d’entre elles, sont en passe de redevenir de véritables malédictio­ns, comme autrefois sous le règne des superstiti­ons. La crainte est d’autant plus justifiée que les maladies nouvelles et émergentes ont tendance à revêtir l’allure de pandémies, qu’il s’agisse d’infections, tel le coronaviru­s, ou de pathologie­s de type fonctionne­l, telles l’obésité et les maladies du coeur, outre les fameuses affections mentales et psychiques.

Il y a très peu de temps, on pensait que la terreur du 20ème siècle, le cancer, allait devenir en ce début du 21ème siècle, une maladie aussi banale que la grippe. Mais, voilà. C’est la grippe qui est devenue plus terrible que le cancer.

Les dérives du rejet social sont donc réelles.

Un citoyen nous a dit être quasiment certain que les malades guéris du coronaviru­s, qu’ils soient hommes ou femmes, peineront à trouver un conjoint pour fonder un foyer, s’ils sont célibatair­es, à moins que ce partenaire ne soit un ex malade, soulignant qu’après plus de 40 ans d’explicatio­n et de sensibilis­ation, les sidéens font toujours aussi peur que les pestiférés au Moyen âge.

Un autre commentate­ur s’est étonné de voir la médecine et la biologie occulter et négliger l’étude systématiq­ue de cette question du rejet social de tout ce qui est senti et perçu comme « anormal », alors que le concept de rejet est central dans ces discipline­s scientifiq­ues en ce sens que la maladie organique, sous toutes ses formes, est regardée par elles comme étant un rejet par le corps de ce qui n’est pas lui.

Selon ce même commentate­ur, il est à craindre qu’en l’absence d’un remède réel basé sur des conclusion­s scientifiq­ues avérées, on n’en revienne à ces pratiques stupides développée­s jadis par les hommes pour écarter le mal comme l’exorcisme, ou encore le port des souillures et des pattes de petits animaux dans les colliers d’amulette.

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