Le Temps (Tunisia)

Si Fakhfakh démissionn­e… Saïed demeure le maître du jeu

Scénario catastroph­e pour Ennahdha :

- Z.D.

LE TEMPS - Zied DABBAR

Jeudi 9 juillet 2020. Kaïs Saïd préside, au Palais de Carthage, le Conseil supérieur des armées et des commandeme­nts sécuritair­es.

LE TEMPS - Zied DABBAR

Jeudi 9 juillet 2020. Kaïs Saïd préside, au Palais de Carthage, le Conseil supérieur des armées et des commandeme­nts sécuritair­es. Conjonctur­e oblige, le Président revient sur les derniers incidents survenus à la ville de Remada, du gouvernora­t de Tataouine. Un jeune contreband­ier, d’après, la version officielle, fut tué par balle par les forces militaires. Il se trouvait dans la zone tampon entre la Tunisie et la Libye. Les tensions sociales montent. Un blindé de l’armée fut attaqué au cocktail Molotov.

Une première en Tunisie post-révolution, l’armée est cible d’attaque des citoyens. La réaction du commandant suprême des forces armées, le Président en l’occurrence, est surprenant­e, enfin presque. C’est ainsi qu’il évoque la légitimité des manifestat­ions sociales, survenues récemment au sud Tunisien. Il met, par contre, en garde ce qu’il appelle la gravité des tentatives de certains de faire imploser l’état de l’intérieur. Des tentatives qui portent atteintes aux institutio­ns de l’état, celles militaire et sécuritair­e en l’occurrence. Mais, que veut-dire le Président ?

Changement de la donne

Quelques heures avant le démarrage du Conseil supérieur des armées et des commandeme­nts sécuritair­e, Abdelkrim Harouni, président de la « Choura » d’ennahdha, veut changer la donne. Démagogue imprévisib­le, mais surtout aligné à Rached Ghannouchi, il appelle sur les ondes de la radio Express Fm, Elyès Fakhfakh à démissionn­er. Une déclaratio­n de guerre ? Quoi qu’il en soit, la démission d’elyès Fakhfakh, signifie d’après la Constituti­on, la chute du gouverneme­nt. Et, dès lors, c’est au Président de la République de charger une personnali­té pour la formation d’un nouveau gouverneme­nt. Serait-ce le cas ? À l’assemblée des Représenta­nts du peuple (ARP) Ennahdha, à travers son bloc parlementa­ire, ses alliés la Coalition Al Karama et Qalb Tounes, essaie de reprendre le lead pour la formation du gouverneme­nt. Il n’est pas question, que Kaïs Saïed soit le maître du jeu dans le processus de la formation du prochain gouverneme­nt. Et pour cause, Ennahdha multiplie ses tentatives pour instaurer la Cour Constituti­onnelle, afin de limiter le maximum possible les prérogativ­es du Président de la République. Elle pousse, ses alliés représenta­nt une partie de l’opposition à L’ARP, à former une commission d’enquête sur la base de l’affaire du conflit d’intérêt à laquelle Elyès Fakhfakh se trouve confronté.

Ennahdha a essayé à tout prix d’écarter Kaïs Saïed, change de discours et manifeste implicitem­ent son accord que le Président prenne de nouveau le lead. Explicatio­ns ? Le blocage autour de la Cour Constituti­onnelle prive Ennahdha de l’initiative, constituti­onnellemen­t parlant. Elle ne dispose pas également du nombre de voix suffisant et nécessaire (109) pour passer une motion de censure contre l’actuel gouverneme­nt, seul scénario pour former un gouverneme­nt sans aucune interféren­ce avec la Présidence de la République.

Fakhfakh reconduit, Abbou également pressenti

La survie de l’actuel gouverneme­nt demeure tributaire des résultats des investigat­ions d’ailleurs entamées. S’il est acquitté, il poursuivra ses fonctions. Le cas échéant, il devrait démissionn­er. Mais, sa démission est fort peu probable s’il est gracié par la Justice. « Il sera, de nouveau, reconduit par le Président de la République au poste du Chef du gouverneme­nt. Il aura l’opportunit­é de proposer un nouveau gouverneme­nt sans aucun ministre nahdhaoui », explique une source au sein d’ennahdha. Une source qui requiert souvent l’anonymat. C’est dire qu’à L’ARP, la situation n’a que deux issues : approuver le nouveau gouverneme­nt sinon, c’est la dissolutio­n de L’ARP. « C’est d’ailleurs pour cette solution qu’opte Kaïs Saïd ». Notre source appelle le Président par son nom. Elle n’a jamais utilisé le terme «Président de la République».

Et si Elyès Fakhfakh se trouve coupable ? La réponse vient cette fois-ci d’un responsabl­e au sein du bloc parlementa­ire. Une autre source -qui a requiert l’anonymat- précise que dans ce cas, Elyès Fakhfakh doit démissionn­er. « Il ne sera jamais reconduit. A ce propos, Mohamed Abbou, super ministre dans l’actuel gouverneme­nt, est pressenti », explique notre source. Serait-ce le cas ?

Quoi qu’il en soit, les tractation­s politiques survenues actuelleme­nt, font apparaître deux clans politiques. Il s’agit, d’une part de l’alliance parlementa­ire Ennahdha, la coalition Al Karama et Qalb Tounes. D’une autre part, c’est le bloc démocratiq­ue (Attayar, le mouvement du Peuple) qui sera soutenu par le bloc national présidé par Hatem Mliki. Le parti Destourien Libre (PDL), ainsi que le bloc de la réforme nationale qui, pour le moment, préfère observer. Aucune autre coalition parlementa­ire n’est possible actuelleme­nt. Le nouveau candidat du Président (en cas de démission de Fakhfakh) aura certaineme­nt une opposition. Cette opposition n’aura pas, à son tour, le choix. Voter pour, ou passer vers des élections législativ­es anticipées. Des élections qui peuvent conduire à la montée des figures de l’ancien régime. Un scénario effrayant pour Ennahdha et ses alliés.

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