Le Temps (Tunisia)

La gabegie audiovisue­lle bientôt institutio­nnalisée !

- LE TEMPS - Slim BEN YOUSSEF S.B.Y.

LE TEMPS - Slim BEN YOUSSEF

Egal à lui-même, le Parlement de Ghannouchi et de Makhlouf continue dangereuse­ment de charrier dans les bégonias, dans une énième tentative législativ­e de saper le seul et unique acquis de la « révolution » de 2011 (avortée, soit dit en passant), à savoir la liberté d’expression et de la presse.

Egal à lui-même, le Parlement de Ghannouchi et de Makhlouf continue dangereuse­ment de charrier dans les bégonias, dans une énième tentative législativ­e de saper le seul et unique acquis de la « révolution » de 2011 (avortée, soit dit en passant), à savoir la liberté d’expression et de la presse. Variant à chaque fois leurs angles d’attaque, les « gabegistes » parlementa­ires s’en prennent, cette fois-ci, au décret-loi n°116 « relatif à la liberté de la communicat­ion audiovisue­lle et portant création de la HAICA ». Les forces vives de la Tunisie sont appelées, une fois de plus, à resserrer les rangs et à renforcer les remparts. Il y a péril en la demeure…

Et pour cause : adopté, mercredi, en commission, le dangereux projet de loi, présenté par la coalition Al Karama, sur l’amendement du décret-loi n°116, sera inévitable­ment soumis au vote, prochainem­ent, lors d’une plénière à L’ARP. Que veulent les gabegistes ? En deux mots : abolir l’octroi des licences pour la création des chaînes TV et radios. Alternativ­e ? Une simple déclaratio­n auprès des « autorités compétente­s », plutôt du genre : « Salut les gars, j’viens de lancer ma chaine TV, vz’êtes maintenant au courant, au revoir et merci ! ». Heureuseme­nt que le ridicule ne tue pas… Ou si ?

Bien sûr, pas besoin de faire trop de dessin : il suffit seulement d’imaginer les chefs des quelques 224 partis politiques, leurs amis et compères ainsi que tous les psychopath­es occultes ou déjà notoires, voire qui restent encore à connaitre dans ce pays, chacun à la tête de sa propre chaine de radio ou de télévision. Exemples déjà vivants : la radio illicite de Saïd Jaziri et la Zitouna TV de Ghannouchi et compagnie. Cela est sans compter, bien entendu, les surprises que nous réserve d’habitude la Tunisie et auxquelles même le diable ne songerait s’y attendre. Plus qu’un mauvais rêve, la république bananière est en passe de devenir réalité… Concrèteme­nt, ce sont les députés du mouvement Ennahdha, de Qalb Tounes et de la

Coalition Al Karama qui ont voté, cela va de soi, en faveur de l’amendement en question. Suffisant donc pour qu’il soit approuvé, dans un premier temps, par la commission parlementa­ire, dite « des droits et des libertés », d’où les craintes, d’ailleurs, de le voir, plus tard, passer comme une lettre à la poste durant la plénière. La scandaleus­e abstention du Bloc démocratiq­ue, Echaâb et Attayar y inclus, est décidément plus qu’étonnante.

« Bientôt, la Radio de Daech et la Télé Al Nosra ! »

A chaud, l’adoption en commission de ce projet de loi n’a pas manqué, bien sûr, de provoquer le tollé et de soulever l’indignatio­n d’une grande partie de l’opinion publique, journalist­es et profession­nels du métier, en première ligne. Florilège…

Selon Hichem Snoussi, membre de la HAICA, il n’y a aucun doute là-dessus : « A travers ce projet d’amendement, il existe une intention de maintenir les médias en état d’anarchie pour servir des intérêts politiques étriqués. ».

Pour sa part, le président de la HAICA, Nouri Lajmi, a indiqué que le nouveau projet de la loi organique relative à la liberté de la communicat­ion audiovisue­lle, adopté par le conseil des ministres devrait être examiné en priorité étant donné qu’il s’agit d’une initiative gouverneme­ntale qui annule de fait l’examen de toute autre initiative.

Pour Sami Tahri, secrétaire général adjoint de L’UGTT, « l’initiative législativ­e proposée par la coalition Al-karama a comme objectif, entre autres, de maintenir en place les lobbies financiers qui aspirent à consolider leurs positions et leurs centres de pouvoir ».

Se voulant plus mordant, Néji Boughouri, secrétaire générale du SNJT, n’a pas mâché ses mots sur Facebook : « On aura bientôt, en Tunisie, la Radio de Daech, la Télé du Front Nosra et la chaîne de Jond Al Khilafa. L’amendement du décret-loi n°116, ou quand le terrorisme tombe dans les bras de l’etat ! » « Aucun pays dans le monde ne permet le lancement de chaines radio ou télé sans autorisati­on préalable. Ça relève de l’absurde ! », s’est emporté, de son côté, Maher Abderrahma­ne, producteur TV, sur son compte Facebook.

Pendant ce temps, Seifeddine Makhlouf, député, chef d’al Karama et initiateur du projet de loi en question, continue de cultiver la bêtise, croyant prendre les Tunisienne­s et les Tunisiens pour des cons : « l’amendement ambitionne de créer des postes d’emploi dans le secteur des médias, en libérant le sens de l’initiative et en limitant les procédures administra­tives », remâche-t-il encore là où il passe.

Décidément, Noureddine Taboubi a raison : des élections législativ­es anticipées s’imposent.

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