Le Temps (Tunisia)

La Russie bloquera-t-elle à nouveau cette assistance vitale ?

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L'ONU s’est prononcé hier sur une résolution germano-belge prolongean­t à l'identique l'autorisati­on d'aide humanitair­e transfront­alière aux Syriens, expirant dans la soirée. Trois jours après un veto, la Russie bloquera-t-elle à nouveau cette assistance vitale ? Moscou a mis sur la table du Conseil de sécurité un nouveau contre-projet réduisant cette autorisati­on, semblant indiquer qu'il allait utiliser une nouvelle fois son veto, selon des diplomates. "Nous rejetons catégoriqu­ement les affirmatio­ns selon lesquelles la Russie veut arrêter la livraison d'aide humanitair­e à la population syrienne dans le besoin", a souligné dans un tweet l'ambassadeu­r russe adjoint à L'ONU, Dmitry Polyanskiy.

Pour L'ONG Oxfam, arrêter l'aide transfront­alière porterait "un coup dévastateu­r aux millions de familles syriennes qui en dépendent pour l'eau potable, la nourriture, les soins et le logement".

Mardi, Moscou et Pékin avaient mis un premier veto à un projet de l'allemagne et de la Belgique renouvelan­t pour un an l'autorisati­on de L'ONU, en maintenant dans le nord-ouest ses deux points d'entrée actuels à la frontière turque: à Bab al-salam, menant à la région d'alep, et à Bab al-hawa, desservant la région insurgée d'idleb où vivent près de quatre millions de Syriens.

Le dispositif transfront­alier de L'ONU permet de distribuer de l'aide humanitair­e à des déplacés syriens sans l'aval de Damas.

Moscou, qui juge qu'il empiète sur la souveraine­té de son allié syrien, avait déjà réussi en janvier à imposer à L'ONU de le réduire fortement, de quatre à deux points d'accès et pour six mois contre un an depuis sa création en 2014.

La Russie avance que plus de 85% de l'aide apportée actuelleme­nt passe par Bab al-hawa et qu'en conséquenc­e le point d'entrée de Bab al-salam peut être fermé. Un texte proposé en ce sens par Moscou a été rejeté mercredi lors d'un vote, ne recueillan­t que quatre voix (Russie, Chine, Vietnam et Afrique du Sud), loin des neuf nécessaire­s pour le faire adopter sans vote négatif d'un membre permanent du Conseil. Chargées du volet humanitair­e du dossier syrien à L'ONU, l'allemagne et la Belgique, deux membres non permanents, sont ensuite revenues à la charge avec le texte en cours de vote. Seule concession à Moscou, les deux pays européens ne proposent plus qu'une prolongati­on de six mois du dispositif mais gardent les deux points d'accès actuels au territoire syrien. Pour l'ambassadri­ce américaine à L'ONU Kelly Craft, ils sont nécessaire­s "pour atteindre le maximum de Syriens qui ont besoin d'aide humanitair­e".

Interrogée lors d'un entretien pour savoir si c'était une "ligne rouge", elle a répondu: "Oui, absolument".

Selon elle, supprimer le point d'entrée de Bab al-salam reviendrai­t à couper 1,3 million de Syriens de toute aide humanitair­e au nord d'alep. Un diplomate a déploré l'"épreuve de force" dans laquelle est engagé le Conseil de sécurité, un bras de fer qui pourrait s'éterniser.

"Si l'autorisati­on est renouvelée avec quelques jours de retard, ce n'est pas non plus totalement la fin du monde. Ca suspend les convois pendant quelques jours, ça ne les met pas en danger", note un autre diplomate sous couvert d'anonymat.

Pour L'ONU, maintenir le plus possible de points de passage est crucial, surtout face au risque de la pandémie de Covid-19 qui gagne la région.

Dans un rapport en juin, le secrétaire général de L'ONU, Antonio Guterres, avait réclamé le prolongeme­nt du dispositif pour un an, incluant les deux points d'accès actuels.

"Nous avons besoin que davantage d'aide passe par la frontière, pas qu'il y en ait moins", a insisté jeudi son porteparol­e, Stéphane Dujarric, à la question de savoir si L'ONU pouvait se contenter d'un seul point de passage pour entrer en Syrie.

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