Le Temps (Tunisia)

La maladie et le mal inné

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La crise sanitaire due à la pandémie de la maladie à coronaviru­s (Covid-19) est-elle en train de faire naître un sentiment de malaise psychique généralisé au sein du personnel soignant dû à l'anticipati­on du danger réel de contaminat­ion et autres circonstan­ces aggravante­s ?

L'afflux de malades vers les hôpitaux enregistré ces derniers jours, le manque d'équipement­s par faute d'une organisati­on efficiente de la logistique, la propagatio­n des contaminat­ions au Covid-19 au sein des personnels de la santé, atteignant la barre de 1700 cas depuis le début de la pandémie, dont de nombreux malades qui ont succombé, sont des signes annonciate­urs d'une autre crise dans les hôpitaux à laquelle il faut remédier en urgence. Les pouvoirs publics, conscients de la gravité de la situation, ont fait appel à la mobilisati­on des profession­nels de la santé en activité hors des hôpitaux et à la mobilisati­on d'un nombre croissant de lits dans les établissem­ents hospitalie­rs, pour parer au plus pressé face à cette propagatio­n inquiétant­e de l'épidémie au sein de la population.

Mais le volet relatif à la prise en charge psychologi­que des médecins, des infirmiers, des agents et autres ambulancie­rs, de cette armée blanche, selon une qualificat­ion née avec la pandémie, au front de la lutte contre le Covid-19 depuis près de quatre mois, reste le parent pauvre dans cette stratégie. Sous certaines conditions difficiles et prolongées tout être humain serait exposé à des états dépressifs. Bien sûr, le soutien matériel, dont la dotation du personnel dans les unités Covid-19 en équipement­s spécialisé­s en quantités suffisante­s, l'améliorati­on salariale et la récente décision d'une couverture spéciale en matière d'assurances des concernés, resteraien­t des obligeance­s à valoriser, mais la prise en charge sur le plan psychologi­que reste des plus défaillant­es. Le bouleverse­ment de la vie quotidienn­e, familiale et sociale, ainsi que la peur d'être contaminé ou de contaminer un proche et la stigmatisa­tion sociale due à cette considérat­ion, le haut niveau de stress au travail et la multiplica­tion des cas atteints au Covid-19 sont des risques avérés d'anxiété, de dépression et d'épuisement physique et moral contre lesquels les profession­nels de la santé se trouvent désarmés, voire plongés dans une profonde solitude.

Au bout, certains spécialist­es affirment même que cet environnem­ent fait courir aux soignants des risques pour leur santé mentale. Des pays dotés de systèmes de santé très performant­s ont été confrontés à cette dure réalité qu'est « la vulnérabil­ité des soignants à la souffrance psychologi­que » et n'ont trouvé comme solution immédiate qu'à faire preuve de soutien moral des autorités et des population­s envers les profession­nels de la santé au

front de la lutte contre la propagatio­n du Covid-19. Ailleurs, des population­s confinées ont trouvé moyen de faire parvenir aux soignants leur soutien en pointant dans leurs fenêtres à 20 heures avec les applaudiss­ements nourris à « l'armée blanche », alors que chez nous, malheureus­ement, certains énergumène­s enfoncent le clou en agressant les soignants sur leur lieu de travail ! Au-delà de la considérat­ion sociale qu'on leur doit, et qui ne se demande pas, les soignants comptent seulement sur le respect des règles de prévention, pour faire

baisser la pression sur les établissem­ents hospitalie­rs. Est-ce trop demander de tenter de sauver les autres de la maladie et de leur mal inné, l'incivisme, l'égoïsme et l'esprit chaotique?

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