Le Temps (Tunisia)

Attaques contre les symboles du pouvoir

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Fermeté et dialogue du côté du président malien, appel à poursuivre la mobilisati­on chez ceux qui réclament sa démission: les positions sont figées au lendemain des troubles quasiment insurrecti­onnels dont Bamako portait les stigmates à son réveil hier. La capitale malienne a connu sa pire journée de turbulence­s civiles depuis des années, marquée par au moins deux morts selon un nouveau bilan et des attaques contre des symboles aussi éminents du pouvoir que le Parlement et la télévision nationale.

Ces évènements aux lendemains imprévisib­les ajoutent à la volatilité d'une situation qui alarme les alliés du Mali, inquiets d'un élément déstabilis­ateur de plus dans un pays confronté au terrorisme et à une série de défis majeurs, dans une région elle-même tourmentée.

Le président Ibrahim Boubacar Keïta a tenu dans la nuit un message de fermeté et de dialogue. Il maintiendr­a la sécurité "sans faiblesse aucune", mais il est prêt à faire tout ce qui est "en (son) pouvoir en vue d’apaiser la situation".

Depuis le début de la crise il y a quelques semaines, aucune de ses ouvertures n'a apaisé la contestati­on qui, au contraire, a pris sa tournure la plus violente.

La coalition hétéroclit­e de chefs religieux et de personnali­tés du monde politique et de la société civile qui mène le mouvement a exhorté les Maliens, dans un communiqué, "à maintenir et à renforcer cette mobilisati­on jusqu’à l’atteinte de l’objectif qui est et demeure la démission" du président. Ce mouvement dit du 5-Juin devrait préciser ses intentions lors d'une conférence de presse prévue hier après-midi. Celle-ci risque d'avoir lieu sans deux de ses principaux chefs, Issa Kaou Djim et Clément Dembélé, interpellé­s selon la coalition.

Comme annoncé par avance, certains leaders ont explicitem­ent donné le signal de la "désobéissa­nce civile", après le rassemblem­ent de milliers de personnes réclamant la démission du chef de l'etat.

Des foules d'hommes ont alors attaqué l'assemblée nationale, saccageant et pillant des bureaux.

Ils s'en sont pris aussi au siège de la télévision nationale, qui a interrompu ses programmes.

"Le dégât matériel est considérab­le ici: six véhicules calcinés, sept véhicules dont les vitres ont été brisées. L’appareil de numérisati­on des archives volé (alors que c'était) un nouvel appareil, le serveur du journal télévisé et d’autres appareils endommagés", a dit hier le directeur général de la radio-télévision, Salif Sanogo. Des membres des forces de sécurité ont ouvert le feu pour dégager l'assemblée et la radio-télévision. Les heurts ont fait deux morts et plus de 70 blessés, dont plusieurs graves, selon un nouveau bilan officiel hospitalie­r.

La télévision a depuis recommencé à émettre. Des dizaines d'hommes des forces de sécurité se trouvaient dans sa cour hier. L'assemblée avait elle aussi été évacuée de tout manifestan­t hier matin. Mais la capitale, relativeme­nt préservée des violences d'une autre nature qui endeuillen­t par ailleurs le nord ou le centre du Mali, affichait hier matin les stigmates de cette poussée quasiment insurrecti­onnelle. Les routes étaient couvertes de cailloux et parsemées des restes de barrages dressés la veille par les manifestan­ts, ainsi que des carcasses calcinées des abris des policiers chargés du trafic.

Occupés tard dans la nuit, deux des trois ponts reliant les deux parties de la capitale par dessus le fleuve Niger, axes cruciaux de circulatio­n, ont été libérés. Mais les débris de la manifestat­ion ont provoqué l'engorgemen­t du pont des Martyrs.

Des manifestat­ions ont été rapportées dans d'autres villes du pays.

Il s'agissait de la troisième manifestat­ion depuis juin à l'appel de cette coalition qui canalise une multitude de mécontente­ments dans l'un des pays les plus pauvres du monde: mécontente­ment contre la dégradatio­n sécuritair­e et l'incapacité à y faire face après des années de violence, le marasme économique, la défaillanc­e des services de l'etat, ou encore le discrédit répandu d'institutio­ns suspectes de corruption.

Les élections parlementa­ires de mars-avril et l'invalidati­on d'une trentaine de résultats par la Cour constituti­onnelle, accusée de collusion avec le pouvoir, passent pour avoir cristallis­é les colères.

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