Otages et désillusions
Vote de confiance et carences de la Constitution :
Depuis quelque temps le panorama politique du pays est de plus en plus flou, avec une éclipse presque totale de l’etat de droit, les princes qui nous gouvernent sombrant dans les tiraillements politiques qui ne servent en rien l’intérêt du pays. Le citoyen assiste impuissant à toute sorte d’abus et d’enfreinte de la loi, à tous les niveaux et dans tous les secteurs de l’etat. Sans parler d’une économie rongée par les malversations, la corruption et la pratique des deux poids deux mesures, alors que les responsables, à quelque niveau qu’ils se trouvent, font croire qu’ils sont en train d’oeuvrer à la consolidation des droits et des libertés consacrés et garantis par la Constitution et les lois y afférentes.
La situation de crise actuelle, impose que les princes qui nous gouvernent prennent conscience, qu’ils ne pourront tergiverser indéfiniment pour des raisons d’intérêts partisans, au détriment de l’intérêt général. Cela est rabâché quotidiennement et inlassablement par toutes les franges du peuple, mais les tensions, les discordes, entre les partis continuent de plus belles et cela est clair à travers un panorama politique qui se dégrade de jour en jour et qui a ses répercussions, à l’exécutif tout comme au législatif. Une situation aggravée par le retour en force de la pandémie du Corona, et qui sème la panique parmi les citoyens décontenancés et désorientés. Pour cause : nous assistons à une éclipse de l’etat, avec cette crise ministérielle qui dure maintenant depuis novembre 2019, soit dix mois environ et qui a été espérons-le résolue par le vote de confiance du parlement accordé au nouveau gouvernement. L’équipe gouvernementale a prêté serment hier devant le président de la République. Espérons qu’il s’agira d’un serment décisoire comme on dit en termes juridiques et non d’un serment illusoire. La couleur est déjà annoncée: c'est un peu grâce à Ennahdha que ce gouvernement est passé. Espérons que cela n'aurait pas d'influence sur son action future.
Difficultés et tergiversations
Le pays est doté d’une Constitution prévoyant les mécanismes nécessaires afin que tous les organes de l’etat agissent dans la sérénité et la concorde dans l’intérêt général. Or c’est là qu’est le hic, car, dans la situation actuelle trouver une sortie de crise conformément à la Constitution, paraissait difficile aussi bien parce qu’elle n’a pas été souvent violée, qu’à cause des carences qu’elle comporte.
En effet, les principes consacrés par la Constitution n’ont jamais été respectés à la lettre. La bonne gouvernance, la primauté de la loi, l’indépendance de la justice, l’égalité des citoyens en droits et en devoirs, les libertés publiques, sont autant de principes qui ont été souvent altérés, viciés, voire violés. La corruption, les pratiques des deux poids deux mesures, sont à ce titre. Les animosités de dernière heure entre responsables de secteurs de l’etat, dont celles ayant opposé le chef du gouvernement démissionnaire et le président de l’instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC) en sont parmi les multiples exemples des enfreintes aux principes de droit édictés par la Constitution.
Sans compter les tergiversations qui ont perduré à l’occasion de l’élection des membres de la Cour constitutionnelle, et dont le but était de remettre aux calendes grecques son installation.
Crise due aux luttes partisanes
Quant aux carences elles se sont avérées de plus en plus nombreuses notamment depuis le décès de l’ex président de la République feu Béji Caïd Essebsi, qui devait abandonner le chapeau de président du parti Nida Tounés pour celui de président de tous les tunisiens mais qui intervint dans l’intérêt de ce parti plus d’une fois. Puis sur fond de crise économique et de tensions entre les représentants de partis au parlement, il demanda au chef du gouvernement Youssef Chahed, de solliciter un vote de confiance au parlement pour asseoir sa légitimité. Le parlement a voté la confiance à Chahed, malgré un remaniement qu’avait critiqué Caïd Essebsi.
On s’est trouvé en plein face aux difficultés d’application de la Constitution, quand l’état de santé de feu Caïd Essebsi s’était détérioré et qu’il devait promulguer les amendements du code électoral, en plus de la polémique au sein de L’ARP au cours du vote des dits amendement. Caïd Essebsi hospitalisé il était impossible d’appliquer l’article 84 de la Constitution qui faisait référence à la Cour constitutionnelle. La promulgation du code électoral ne sera jamais signée par feu Caïd Essebsi qui décéda peu après, paix à son âme.
Cour constitutionnelle rassurante mais…
Des carences sont rencontrées aujourd’hui à l’occasion du vote de confiance du gouvernement Méchichi par le parlement, avec la même situation concernant la Cour constitutionnelle qui n’est toujours pas fonctionnelle. Mais bien qu’il s’agisse d’un facteur de taille, car de n’importe quelle façon, la situation aurait été plus rassurante avec l’existence effective d’une cour constitutionnelle, car cela aurait-il forcément évité les polémiques, les supputations et les tergiversations face auxquelles nous nous nous trouvons à l’occasion du vote de confiance du nouveau gouvernement ?
En fait, et en vertu de l’article 89, le président de la République « peut décider la dissolution du parlement » dans le cas où la confiance de celui-ci n’est pas accordée au gouvernement concerné ». Donc selon les termes de la Constitution, la dissolution n’est pas obligatoire ni automatique, mais une possibilité donnée au président de la République. C’est cette possibilité qui est interprétée différemment par les constitutionnalistes, et c’est en cela même qu’elle constitue une des carences de la Constitution. Surtout qu’en l’occurrence le président de la République a déclaré ouvertement qu’il ne comptait pas dissoudre le parlement. A-t-il fait part préalablement de cette intention afin d’inciter le parlement à accorder sa confiance au gouvernement dans le but d’en finir avec la situation de crise qui a paralysé le pays et l’a jeté dans le chaos ?
Ce n’est pas évident, car selon d’autres observateurs, l’intention du président serait de maintenir le gouvernement actuel, qui est un gouvernement de règlement d’affaires courantes. Cela lui permettra de proposer entre-temps la révision de la Constitution, et le passage à un régime où le président de la République aurait plus de prérogatives, à l’instar de la réforme intervenue sous l’égide de Charles de Gaulle à l’aube de la cinquième République.
Tout cela est possible, en dehors de la Constitution, en vertu de laquelle il n’y a pas d’autres alternatives à part l’article 100, évoqué par d’autres observateurs. Mais cet article qui traite de la vacance du poste de chef de gouvernement, exclut expressément les cas de la démission et de la défiance. Il ne peut donc être appliqué en l’occurrence, sauf peutêtre, après un certain temps, une fois la mission du gouvernement de règlement d’affaires courantes est prorogée.
Si bien qu’on s’est trouvé à un moment donné face à une situation où les membres de l’exécutif et ceux du législatif se tenaient mutuellement en otage. Une chaîne dont les maillons étaient menacés de rupture. Maintenant que le gouvernement est passé, doit-il souffler un ouf ou craindre le pire ?
A entendre parler certains leaders de partis, dont Nabil Karoui, pour ne pas le nommer, on serait enclin à redouter le pire. En effet, il compte faire du vote de confiance un moyen pour exercer ultérieurement des pressions et des changements en faveur de son parti., comme ce fut le cas avec le gouvernement de Fakhfakh.
Fin de la récréation ?
Le problème n’est pas dans l’appartenance ou pas des membres du nouveau gouvernement à un parti politique, mais dans le programme à appliquer, en fonction des urgences et besoins au niveau de chaque ministère, et c’est ce qu’ont reproché plus
Quoi qu’il en soit, nous restons à l’heure actuelle dans l’expectative l’incertitude régnant encore sur l’avenir du pays. Il faut que les responsables cherchent à s’unir afin d’oeuvrer en commun dans l’intérêt général. C’est ce qu’a promis le nouveau chef du gouvernement, qui agira espérons-le en tant que tel, conformément à la Constitution et non en tant que premier ministre et auquel cas il sera pris en otage tant par le chef de l’exécutif que par le législatif. C’est tout à fait le mythe de Sisyphe !