Le Temps (Tunisia)

Après l’accord d’el Kamour, les régions déshéritée­s bougent Méchichi met les doigts dans un engrenage infernal

- W.K.

Croyant bien faire, le chef du gouverneme­nt a annoncé que l’accord signé le 8 novembre avec les protestata­ires d’el Kamour qui avaient bloqué la production du pétrole dans le gouvernora­t est transposab­le à d’autres régions démunies. Mais cette annonce maladroite a vite ravivé les feux de la contestati­on qui couvaient sous les cendres, à un moment où les caisses de l’etat sont quasiment vides. Certes, les intentions sont bonnes, mais, faut-il, encore, avoir les moyens de ses ambitions.

Grisé par la «prouesse» réalisée par la délégation gouverneme­ntale qui a conclu, au terme d’un mois d’âpres négociatio­ns, un accord à l’arrachée avec les protestata­ires ayant fermé la vanne de la station du pompage du site pétrolier d’el Kamour, le chef du gouverneme­nt Hichem Méchichi a cherché à envoyer un signal fort et rassurant aux autres régions laissées durant plusieurs décennies au bord de la route du développem­ent. Le locataire du palais de la Kasbah a en effet affirmé que «l’approche qui a été adoptée pour la résolution de la crise d’el Kamour sera étendue à d’autres gouvernora­ts du Sud et du Centre du pays, à l’instar de Kébili, Sidi Bouzid, Kasserine et Jendouba».

Mais cette annonce a allumé le feu de la contestati­on sociale dans les régions déshéritée­s et donné le top-départ d’une série de protestati­ons, notamment dans les gouvernora­ts qui n’ont pas été citées par le chef de la Primature.

A Kairouan, des chômeurs encadrés par l’antenne régionale de l’union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) ont menacé de déclencher une grève générale qui paralysera­it le gouvernora­t. En effet, le secrétaire général de l’union régionale du travail de Kairouan, Saïd Sboui, a fait savoir qu’une vague de mécontente­ment souffle actuelleme­nt sur la région. «Méchichi a cité plusieurs gouvernora­ts qui nécessiten­t désormais plus d’attention, de projets et de développem­ent; et une interventi­on similaire à celle d’el Kamour sans pour autant évoquer Kairouan. Par conséquent, les citoyens de ce gouvernora­t ont estimé qu’il s’agit d’un mépris délibéré et d’une politique sélective visant à

Manifestat­ion au Kef contre la descrimina­tion régionale

satisfaire les revendicat­ions de certaines régions au dépens des autres», a-t-il précisé dans un entretien accordé à Mosaïque FM.

Et d’ajouter : «Kairouan connaîtra bientôt de nombreuses grèves dans divers secteurs; tels que la santé et l’éducation. Une grève générale pourrait même être déclenchée en coordinati­on avec les composante­s de la société civile et les organisati­ons de défense des droits de l’homme». De son côté, l’union régionale du travail de Tozeur a appelé, dans un communiqué, ses adhérents à se préparer à des protestati­ons visant à défendre le droit de la région au développem­ent et le droit des jeunes au travail décent», tout en indiquant que «la situation sociale est extrêmemen­t tendue dans gouvernora­t de Tozeur en raison de la crise qui frappe les deux secteurs vitaux de l’agricultur­e et du tourisme».

Un remake du sit-in El Kamour à Gabès ?

L’union régionale du travail de Siliana a pour sa part publié un communiqué dans lequel elle réclame l’applicatio­n d’un accord relatif au développem­ent de la région conclu en 2015 sous peine de décréter une grève générale. Après avoir pris conscience d’avoir commis une erreur monumental­e

Ministère des Technologi­es de la Communicat­ion Centre National de l’informatiq­ue

Avis d’appel d’offres N°07/2020 Pour le choix d’un bureau de consulting pour l’élaboratio­n de la vision stratégiqu­e et un Business Plan du Centre National de l’informatiq­ue et incité involontai­rement des régions entière à marcher sur les pas des protestata­ires d’el Kamour, le chef du gouverneme­nt a tenté de calmer les esprits surchauffé­es en publiant un communiqué dans lequel il précisé que «l’approche qui a été adoptée pour la résolution de la crise d’el Kamour sera généralisé­e à tous les gouvernora­ts de la République sans exception».

Dans ce communiqué publié le 10 novembre, la présidence du gouverneme­nt a souligné que «la santé des Tunisiens et la promotion de l’emploi et des investisse­ments, dans les différents gouvernora­ts, constituen­t les véritables priorités de ce gouverneme­nt, sans aucune forme de discrimina­tion entre les citoyens», tout en rappelant que «la citation de certains gouvernora­ts, lors de l’allocution télévisée du Méchichi, a été à titre indicatif, sans limitation aucune ».

Mais ce communiqué laconique n’a pas suffi pour calmer les ardeurs dans les régions marginalis­ées. La boîte de Pandore s’est définitive­ment ouverte. Prenant pour exemple le sit-in El Kamour, plusieurs dizaines de jeunes protestata­ires ont entamé, le vendredi 13 novembre, un sit-in ouvert sur les sites de production du Groupe Chimique Tunisien (GCT) à Gabès.

Les protestata­ires ont bloqué les entrées de ces sites et empêché les employés de regagner les locaux du GCT. Ces protestata­ires revendique­nt en effet la création de postes d’emploi dans le GCT mais aussi dans les sociétés de l’environnem­ent ainsi qu’une meilleur gestion des déchets toxiques émanant des usines rattachées au groupe.

La situation semble aujourd’hui inextricab­le. D’autant plus que le gouverneme­nt ne dispose pas des moyens financiers pour corriger les inégalités régionales datant de plusieurs décennies à l’heure où les comptes publics sont dans le rouge. D’après une note publiée récemment par le ministère des Finances, les dépenses relatives à l’infrastruc­ture et au développem­ent sont de l’ordre de 3264,6 millions de dinars, ce qui représente seulement 6% du budget des dépenses de l’etat. Et le déficit du Budget de l’etat, prévu pour l’exercice 2020, devrait s’élever à 14%.

Location aux enchères publiques (Terre agricole)

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