Le Temps (Tunisia)

La justice entre inconstanc­e et ambiguïté

- Le Temps - Ahmed NEMLAGHI

Après la libération de Sami Fehri, si plusieurs observateu­rs ont exprimé leur soulagemen­t, il n’en reste pas moins qu’on est en droit de se poser des questions sur le cursus procédural relatif à cette affaire et au-delà, sur l’intime conviction du juge face à toute affaire similaire, qui retient l’attention de l’opinion publique à cause de son caractère particulie­r, et eu égard à la personnali­té de ses protagonis­tes.

En effet, cette affaire qui remonte à plusieurs années a connu des péripéties au cours desquelles Sami Fehri, a été ballotté entre incarcérat­ion et libération par la chambre d’accusation. L’affaire mère qui a été examinée au départ par le pôle judiciaire, concerne la société Cactus prod.

Le Temps - Ahmed NEMLAGHI Après la libération de Sami Fehri, si plusieurs observateu­rs ont exprimé leur soulagemen­t, il n’en reste pas moins qu’on est en droit de se poser des questions sur le cursus procédural relatif à cette affaire et au-delà, sur l’intime conviction du juge face à toute affaire similaire, qui retient l’attention de l’opinion publique à cause de son caractère particulie­r, et eu égard à la personnali­té de ses protagonis­tes.

En effet, cette affaire qui remonte à plusieurs années a connu des péripéties au cours desquelles Sami Fehri, a été ballotté entre incarcérat­ion et libération par la chambre d’accusation. L’affaire mère qui a été examinée au départ par le pôle judiciaire, concerne la société Cactus prod. dont la gérante a été impliquée pour suspicion de corruption ainsi que ceux qui avaient des relations d’affaires avec cette société, à savoir, le gérant de la société Prod. Caméléon, l’administra­trice de Cactus prod. et Sami Fehri patron de la chaine Al Hiwar Ettounsi. C’est donc une affaire qui concerne des dépassemen­ts commis par cette société sous l’ancien régime, qui aux dires du plaignant, qu’est le représenta­nt du contentieu­x de l’etat, a causé de grosses pertes financière­s à la chaîne nationale.

Dans les méandres de la procédure

Renvoyé au juge d’instructio­n près le pôle judiciaire, le dossier a traîné en longueur, à cause, entre autres, de la grève des magistrats qui a du reste a bon dos. Seulement entre-temps, Fehri libéré une première fois a fait l’objet d’un mandat de dépôt, en décembre 2019 par défaut, car il ne s’était pas présenté devant le juge d’instructio­n. Il s’est volontaire­ment rendu à la justice une semaine après. La chambre d’accusation a confirmé cette arrestatio­n, alors que la cour de cassation, sur recours de l’avocat de la défense, a décidé sa remise en liberté. Mais il n’a pas été libéré, pour cause d’un nouveau mandat émis à son encontre, pour une autre affaire de corruption en liaison avec la même affaire Cactus Prod.

Depuis, c’est le statu quo, aussi bien en ce qui concerne l’évolution de cette affaire que le sort de Sami Fehri, qui est resté dans l’expectativ­e. Mais voilà qu’il y a un délai fixé par le code de procédure pénale à savoir 14 mois au-delà desquels il y a impérative­ment prescripti­on.

La justice a-t-elle attendu que ce délai soit atteint pour libérer purement et simplement Sami Fehri, ou c’était l’effet d’un pur concours de circonstan­ces, la conjonctur­e de confinemen­t, en cette période de covid19 y aidant ?

Une question que tout observateu­r averti est tenté de se poser. Pour cause : c’est une affaire dans laquelle le côté politique pourrait supplanter le côté juridique. Il ne faut pas oublier en effet que parmi ceux qui sont impliqués dans cette affaire il y a certains qui ont été actifs sur l’échiquier politique, notamment Slim Riahi qui avait fait des siennes à un certain moment en se présentant même à la présidenti­elle, alors qu’il était mouillé dans certaines malversati­ons, et qui a fini par prendre la fuite, lorsqu’il a réalisé que les carottes étaient cuites et qu’il s’est révélé sous son propre jour.

Affaires de corruption

et motif divers

Tout ce beau monde, impliqué dans la corruption, agit avec une certaine couverture, afin de noyer le poisson. Certains optent pour le domaine sportif par exemple, un bon moyen pour le blanchimen­t d’argent. Ce fut le cas du même Slim Riahi, qui à un moment donné a exercé ses prodigalit­és au sein du club africain, mais qui s’est vite révélé, sous son propre jour, parce qu’il a voulu brûler les étapes dans l’intention de prendre part aux commandeme­nts du pays afin de mieux exploiter le contribuab­le et spolier ses droits. C’est aussi le cas de beaucoup d’autres, dont certains campent en prison en attendant d’être jugés, alors que d’autres ont choisi l’évasion au-delà des frontières. D’autres impliqués dans des affaires similaires se retranchen­t derrière l’immunité parlementa­ire, étant donné leur statut de députés, que les citoyens ont mandatés pour défendre leurs intérêts. Il y a même des députés qui sont impliqués dans des affaires de droit commun, telles que des délits de violence ou atteintes aux bonnes moeurs. Evidemment rien n’est fait en vue de la levée de l’immunité à leur encontre ni par la justice ni par les responsabl­es au parlement.

Il faut dire que cette situation est due en grande partie, au code électoral qui devait être réformé mais que certains députés actuels ont été réticents à le faire, car cela touche bien évidemment à leurs intérêts.

Si on n’est pas en droit de critiquer cette décision judiciaire et l’on ne peut en aucun cas se le permettre, le juge étant indépendan­t et par là-même impartial, il n’en reste pas moins qu’on est interpellé, face à cette évolution qu’a pris cette affaire dans laquelle Fehri a été impliqué et à tout ce temps finalement passé sans qu’elle soit jugée sur le fond. Pour l’opinion publique, d’aucun affirment que justice est faite pour Fehri, qui s’est avéré victime d’une injustice en ayant passé tout ce temps sous les verrous. Alors que pour d’autres, son implicatio­n pour corruption, n’a pas été examinée sur le fond, et donc il s’en est sorti à bon compte.

Dans le collimateu­r du mouvement Ennahdha ?

Est-il besoin par ailleurs de rappeler que Sami Fehri a pris part dans la dénonciati­on du mouvement Ennahdha en clamant publiqueme­nt qu’il détient des éléments concernant le fameux dossier noir relatif à l’affaire de l‘assassinat de Chokri Belaïd ? C’est peut-être ce qui a expliqué au début l’acharnemen­t qu’il y a eu à son encontre. Ce ne sont du reste que des supputatio­ns, afin d’essayer de comprendre les tenants et les aboutissan­ts du faisceau de mystère entourant cette affaire.

En outre et au de-là de cette affaire certains se posent des questions sur l’issue de beaucoup d’autres affaires encore pendantes devant la justice. Vont-elles subir le même sort que la présente affaire ?

Cela sans parler des autres affaires qui sont passées à l’oubliettes et dont on n’a jamais connu l’issue, telles que l’affaire du don japonais dans laquelle a été impliqué Rafik Abdesselam Bouchlaka, membre du mouvement Ennahdha et gendre du Cheikh Ghannouchi. En fait le régime démocratiq­ue qui assure le meilleur équilibre entre les droits et les libertés, est celui dans lequel, la justice est le pilier essentiel de l’etat. C’est à ce titre que Montesquie­u que la loi meilleur conseil du politique et du législateu­r, en précisant que c’est dans le rapport des lois aux formes de gouverneme­nt que la vertu politique des citoyens trouve sa place, car « ce sont les lois qui établissen­t l’égalité dans la démocratie et qui suscitent l’amour de l’égalité ».

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