Le Temps (Tunisia)

En attendant des jours meilleurs…

- Par Samia HARRAR

Nous avons résolu tous nos problèmes. Ceux passés et ceux à venir. En commençant par la pandémie. Aujourd’hui, nous pouvons annoncer fièrement au monde, en pavoisant à raison, que les trois-quart de notre population a déjà été vaccinée. Ceux qui sont vulnérable­s et ceux qui le sont moins. Les autres n’auront pas à se bousculer au portillon, puisqu’ils savent pertinemme­nt qu’en moins d’une semaine, tout sera réglé pour eux aussi. Dans peu de temps, nous pourrons rouvrir nos frontières, pour que les touristes affluent chez nous, en masse, pour oublier leurs propres soucis. « Là où tout n’est qu’ordre et beauté… » etc.

Comme du papier à musique. C’est bien, n’est-ce pas, notre façon de procéder. C’est ce qui explique que notre économie, en dépit du Covid, ne s’est jamais aussi bien portée ! Et nos finances, à l’échelle du pays, affichent une santé florissant­e. Que demande le peuple ?

Ah oui, il y a quand même un léger bémol. Le peuple demande une restrictio­n sur les libertés. Pourquoi ? Parce qu’il n’a plus, depuis quelque dix ans, matière à se plaindre, et que pour le coup, il se sent, comme qui dirait, quelque peu frustré, de n’avoir aucune frustratio­n, sur laquelle s’appuyer, pour descendre à la rue.

Ah ça lui manque, ces jours de colère, où il pouvait investir la place publique, avec la certitude, cependant, d’être très vite entendue. Ce qui gâche la joie parce qu’il n’a jamais à s’époumoner bien longtemps, avant que ses désirs ne deviennent des réalités. Il aimerait bien un peu de castagne, la vie, quoi, pour s’ébouriffer les méninges, et sortir un peu de la routine, dans un pays où tout s’écoule, comme un long fleuve tranquille, c’est-à-dire sans accrocs, de quelque nature qu’ils soient, qui pourraient lui offrir une aspérité, sur laquelle s’appuyer, afin d’avoir l’occasion de rechigner. Juste une fois, juste pour la beauté du geste. Une petite « manif », rien qu’une, histoire d’en profiter pour accorder les violons. Avant de lancer la petite musique.

Du nord au sud, d’est en ouest, ils sont venus, ils sont tous là. Et ils affichent l’oiseau bleu, l’oiseau du bonheur, pour que notre joie soit sans égale. Ainsi soit-il. Amen… Nous les accompagne­rons de nos voeux.

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