Un film français sans âme, et ça soûl !
Le Temps-zouhour HARBAOUI Beaucoup de bruit a été fait autour de la participation du long métrage de Kaouther Ben Hania, «L'homme qui a vendu sa peau», dans la catégorie du meilleur film international aux Oscars 2021, dont la cérémonie se tiendra le 25 avril. C'est la première participation d'un long métrage tunisien a cette grand-messe américaine du cinéma. Mais «L'homme qui a vendu sa peau» est-il vraiment tunisien ?
«Chauvinisme mal placé ne profite jamais», néo-adage qui pourrait s'appliquer au film de Kaouther Ben Hania, «L'homme qui a vendu sa peau». Beaucoup ont levé haut le fait que ce long métrage tunisien est une fierté pour notre pays, puisqu'il a été sélectionné dans la catégorie du meilleur film international aux Oscars 2021. Erreur monumentale ! De part sa production, ce film n'est pas tunisien mais français ! En effet, de nombreux festivals -comme les Oscars- retiennent comme critère de nationalité celle de la production. Or «L'homme qui a vendu sa peau» est à un peu plus de 46 % français et à un peu moins de 21 % tunisien ; le reste de la production se partageant entre l'allemagne, la Belgique, et la Suède. Donc, le long métrage est français, même si sur l'affiche l'adjectif «tunisien» est cité en premier.
L'on peut se demander aussi comment «L'homme qui a vendu sa peau» a été sélectionné aux Oscars vu les critères d'éligibilité de ces récompenses cinématographiques américaines organisées par l'association professionnelle Academy of Motion Picture Arts and Sciences. Il faut savoir que c'est le pays d'origine du long métrage qui doit envoyer la candidature. Est-ce la partie tunisienne qui a envoyé la candidature de «L'homme qui a vendu sa peau» ? Peutêtre... En tout cas, chaque pays, à travers un comité local «rattaché à l'institut cinématographique ou culturelle du pays», choisit le film qui le représentera ; en l'occurrence pour la Tunisie c'est le Centre National du Cinéma et de l'image (CNCI). Cependant, il n'existe pas de statut spécial pour les coproductions. Et le long métrage de Kaouther Ben Hania est une coproduction.
En manque de tunisianité
Mais, là où le bât blesse c'est la langue du film. En effet, le long métrage à la course à l'oscar du meilleur film international doit «être majoritairement non-anglophone». Or, si l'on suit du début à la fin «L'homme qui a vendu sa peau», il y a autant de dialogues en anglais qu'en syrien. Si le film avait vu le jour avant 2007, il n'aurait jamais pu participer aux Oscars car il devait être tourné dans la langue officielle du pays qu'il représente ; «L'homme qui a vendu sa peau» n'a aucun mot en tunisien !
Absence de tunisianité dans l'histoire, dans les fiches artistique (par exemple : Najoua Zouhair est à moitié tunisienne, Yahya Mahayni syro-franco-canadien, Dea Liane – qui, soit dit en passant, a un air de Cristiana Reali– française, et Monica Bellucci italienne) et technique (pratiquement pas de techniciens tunisiens). Soit absence de tunisianité dans tout le film. Et ce n'est pas la nationalité de la réalisatrice qui fait la nationalité de l’oeuvre. L'oscar du meilleur film international n'est pas décerné à une personnalité individuelle mais au pays représenté ; et la Tunisie n'est pas représentée...
Pour toutes les raisons évoquées jusqu'à présent, «L'homme qui a vendu sa peau» n'est pas un film tunisien !
L'histoire et la réalisation ne sont pas mauvaises. Cependant, le long métrage manque d'âme et aucune émotion n'en ressort vraiment. L'histoire est assez originale, bien que ce ne soit pas la première fois qu'un tatouage est à l'honneur. Le sujet avait été traité, de manière assez comique, dans «Le tatoué», film franco-italien de Denys de La Patellière, datant de 1968 avec Jean Gabin et Louis de Funès, dans lequel un marchand d'art veut, coûte que coûte, racheter un tatouage réalisé par Modigliani dans le dos d'un ancien légionnaire...
Aucune implication
Kaouther Ben Hania, elle, a préféré faire dans le drame, avec quelques touches d'humour noir à travers le personnage de Sam Ali, un jeune syrien qui, pour fuir son pays et se rendre en Europe, accepte de se faire tatouer le dos par un artiste sulfureux, devenant une oeuvre d'art et consentant à se faire traiter comme telle. Personnellement, nous ne sommes aucunement sentie impliquée dans le long métrage. Nous n'avons ressenti aucun sympathie pour les personnages, ni antipathie d'ailleurs, mais une indifférence totale. Une indifférence tellement totale que nous n'avons même pas cherché à trouver les associations d'idées cachées -à moins qu'il n'y en ai pas ; les autres étaient assez faciles à comprendre : les poussins, le chaton (bien qu'il aurait dû grandir entre la première séquence et la dernière où on le voit, vers la fin du film)...