La figure d’ali entre histoire et eschatologie
Il s’agit d’une étude réalisée par Ali Moezzi, islamologue et historien français d’origine persane, parue dans la revue de l’école pratique des hautes études, sur le personnage de Ali Ibn Abi Taleb.
Il envisage cette étude aussi bien du point de vue historique que du point de vue spirituel et métaphysique et par référence à la doctrine shi’ite.
Dans le corpus doctrinal shi’ite en général et dans les compilations de hadith-s en particulier, 'Alī est présenté sous deux aspects différents et en même temps interdépendants : un personnage historique, physique, terrestre et un être spirituel, métaphysique, céleste. Nous retrouvons ici l’omniprésent couple shi’ite de ẓāhir et de bāṭin, de l’apparent et du caché, du manifeste et du secret, de l’exotérique et de l’ésotérique. Le 'Alī terrestre, imam historique par excellence, est la manifestation, la face révélée de l’imam céleste, entité métaphysique, souvent appelée elle aussi ‘Ali, laquelle est le lieu de manifestation des Noms et Attributs divins. Cette dernière entité théophanique, premier être créé, est parfois (mais pas toujours) associée aux entités pré-existentielles, aux personnes célestes d’autres figures saintes que le shi’isme qualifie d’impeccables (maâṣūm), à savoir Muhammad, Fatima, alHassan et al-husayn ou encore l’ensemble des imams. À l’aube de la création sensible, elle est placée, sous forme de lumière, dans Adam pour être transmise, de génération en génération, aux Amis ou Alliés de Dieu (walī, pl. awliyā’), prophètes, imams, saints et saintes de l’histoire, pour atteindre son objectif ultime c’est-à-dire le 'Alī historique. Cette « lumière » de l’alliance divine, faisant de son porteur un homme (ou une femme) de Dieu, réceptacle et transmetteur des enseignements divins, est désignée, avec parfois des nuances, par plusieurs termes techniques dans des contextes théologiques, prophétologiques et imamologiques : walāya (terme difficilement traduisible par un seul mot), waṣiyya (legs, héritage), nūr (lumière), amr (autre mot difficilement traduisible : ordre, chose, affaire…), amr ilāhī (amr divin), juz’ ilāhī (parcelle divine), ou encore par les combinaisons de ces derniers (nūr al-walāya, nūr al-waṣiyya, waṣiyya walawiyya, amr al-walāya/al-waṣiyya…), etc. Il est vrai que, comme on vient de le dire, dans les traditions concernant cette entité, sa création, sa fonction et sa transmission, les autres membres de l’ensemble des Impeccables, et notamment Muhammad, accompagnent parfois ‘Ali, mais une prise en compte de l’ensemble du corpus montre clairement que ce dernier constitue de manière évidente le pôle autour duquel gravite la doctrine de la double nature de l’homme divin, et ce d’autant plus que 'Alī est aussi un des plus importants Noms de Dieu. Dans ce contexte, « la walāya de 'Alī » désigne un élément doctrinal d’une richesse exceptionnelle : la sacralité de 'Alī en tant qu’être théophanique, le symbole de l’alliance avec Dieu (quasiment dans le sens biblique du terme), l’amour du 'Alī métaphysique grâce à l’amour et la fidélité à l’égard de sa manifestation terrestre, à savoir le 'Alī historique, le pouvoir spirituel et temporel de ce dernier, la fraternité créée entre les membres de la communauté shi’ite grâce à leur fidélité commune à 'Alī, enfin la force, la lumière, la parcelle divine qui sacralise l’homme et dont le premier imam est l’exemplum suprême. D’où la centralité de la notion et de la personne qui la symbolise chez les Shi’ites qui, de ce fait, se désignent souvent eux-mêmes comme des ahl al-walāya (le Gens de la walāya) ou encore les 'Alawīyūn (les Fidèles de 'Ali
A suivre