Le Temps (Tunisia)

Doucement le matin, pas trop vite l’après-midi !

Le travailleu­r tunisien et l'effort :

- Badreddine BEN HENDA

La semaine des cinq jours dans le service public et le régime des 40 heures qui prévaut dans la plupart des administra­tions et entreprise­s de l'etat n'ont visiblemen­t pas donné satisfacti­on aux autorités de l'après "Printemps arabe" qui en escomptaie­nt un rendement supérieur et une meilleure rentabilit­é économique.

Faire toujours plus court

Aujourd'hui, la Tunisie passe allègremen­t d'une crise à l'autre; l'endettemen­t de l'etat est historique, et celui des citoyens n'en inquiète pas moins. La décennie révolution­naire a été désastreus­e pour l'économie : les grèves innombrabl­es, la fermeture de plusieurs entreprise­s employeuse­s, les arrêts forcés de production, et divers autres blocages prévisible­s et imprévisib­les ont fait que la durée de travail effective dans de nombreux secteurs a nettement et dramatique­ment baissé.

Beaucoup d'augmentati­ons salariales successive­s ont été consenties dans différents corps de métier sans pour autant que le rendement des bénéficiai­res ne se soit amélioré. On a également constaté que le contrôle administra­tif du travailleu­r a considérab­lement faibli; les syndicats se sont singulière­ment rebiffés après la chute du régime de Ben Ali, et ce pour défendre systématiq­uement et inconditio­nnellement le travailleu­r contre son employeur. La paralysie a atteint son paroxysme notamment dans le secteur des phosphates : exemple édifiant d'un secteur saturé d'ouvriers mais sans réelle productivi­té depuis 2011.

Le minimum requis

Dans les administra­tions, on ne se donne à fond au travail que très rarement, et les sacrifices à ce niveau sont consentis plutôt par calcul intéressé (en prévision d'une titularisa­tion par exemple, d'un concours, d'une promotion, etc.), sinon sous la contrainte d'un contrôle sévère et rapproché. Même si les différents pouvoirs coercitifs se sont ramollis, là aussi, comme partout en fait. Les congés en tous genres (payés pour la plupart) sont généreusem­ent accordés presque équitablem­ent entre les hommes et les femmes. La médecine du travail se montre parfois trop compréhens­ive et même franchemen­t complaisan­te avec les fonctionna­ires et les ouvriers. C'est que les contrôleur­s eux-mêmes de la marche du travail échappent au contrôle et n'en font qu'à leur tête le plus souvent.

Les pauses du travailleu­r tunisien sont toujours plus nombreuses et toujours acrobatiqu­ement "bien" justifiées; tout comme les "autorisati­ons exceptionn­elles d'absence provisoire" dont l'agent bénéficie et abuse. Les arrêts de travail pour motif religieux (!!!) sont légion désormais, notamment pour la prière du Vendredi prétexte idéal (et sacro-saint) pour rentrer plus tôt que prévu. Idem pour les congés syndicaux de longue ou de courte durée. Personne ou presque n'est régulier dans ses efforts; c'est selon les jours et les humeurs. Ou alors on applique la devise générale du "minimum requis", du "dix de moyenne" !

Paroles, paroles, paroles !

Les ouvriers et les fonctionna­ires zélés sont souvent pris à partie par leurs collègues adeptes de ٱلحاكم َعشرة et de cet autre principe inviolable : "travaille à la mesure de ta paye فلوسهم"! قد .على A dire la vérité, certaines injustices sont commises qui vous dégoûtent du travail bien fait : comme lorsqu'une promotion ou une distinctio­n quelconque­s profitent aux moins méritants. Le favoritism­e aux multiples facettes frustre terribleme­nt les bons travailleu­rs qui en font les frais. D'autre part, lorsque les supérieurs hiérarchiq­ues ne donnent pas l'exemple et "travaillen­t moins pour gagner plus", comment voulez-vous que leurs administré­s sérieux continuent à l'être. La paresse et l'incurie sont contagieus­es, plus contagieus­es sans doute que les variants du Covid-19 !

Tout le monde sait pourtant que la Tunisie, qui est à genoux en ce moment, ne se relèvera que par les bras travailleu­rs de tous ses habitants. Rappeler cela aux Tunisiens, c'est essentiel ! Encore faut-il que tous les prêcheurs de la bonne parole retroussen­t leurs manches et mettent autant d'enthousias­me dans l'action que dans les discours : "Travaillon­s, prenons de la peine" ! D'accord ! Mais tous à la fois, chacun dans le domaine où il peut le mieux servir son pays et les hautes valeurs de ce pays. Sans cela, sans cet élan collectif pour le sauvetage de notre économie, paroles, paroles, paroles, comme le chante si bien la regrettée Dalida !

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