Le Temps (Tunisia)

Les trois leçons de l’alliance entre l’australie, les Etats-unis et le Royaume-uni

- L’alignement sur Washington

La colère du ministre des affaires étrangères, Jean-yves Le Drian, à propos de l’abandon par Canberra du contrat signé avec la France sur la fourniture de sousmarins convention­nels à l’australie est justifiée. L’alliance conclue par les Etats-unis, le Royaume-uni et l’australie, rendue publique mercredi 15 septembre, afin de développer des sous-marins australien­s à propulsion nucléaire pour contrer l’ascension de la Chine dans le Pacifique, est bien, comme il l’a dit, un « coup dans le dos » de la France, à laquelle aussi bien Canberra que Washington ont caché tous les préparatif­s de cette opération.

C’est surtout un coup dur révélateur des risques auxquels s’exposent les puissances qui jouent au-dessus de leurs capacités. Au-delà de cette mauvaise manière faite à un pays qui, jusqu’à nouvel ordre, est un allié, trois leçons peuvent déjà être dégagées de la naissance de l’aukus, sigle donné à ce nouveau pacte de sécurité sur la base de l’acronyme Australiau­nited Kingdom-united States.

La première porte sur la relation transatlan­tique. Pour ceux qui en doutaient encore, l’administra­tion Biden ne diffère pas, sur ce point, de l’administra­tion Trump : les Etats-unis passent avant tout, qu’il s’agisse de leur intérêt stratégiqu­e, économique, financier ou sanitaire. « America first » reste la ligne directrice de la politique extérieure de la Maison Blanche.

La création de l’aukus n’est pas dirigée contre la France, mais qu’elle lui inflige au passage un cinglant revers diplomatiq­ue et économique n’a aucune importance pour Washington, qui n’a que l’objectif chinois en ligne de mire. Certains

voyaient dans les profession­s de foi multilatér­alistes de Joe Biden et la francophil­ie de son secrétaire d’etat, Antony Blinken, la promesse d’une coopératio­n plus équilibrée : ils sont aujourd’hui ramenés à la réalité.

La deuxième leçon concerne Londres. Pour la diplomatie post-brexit, cet accord marque une étape majeure. Il place la Grande-bretagne dans le grand bain indopacifi­que, là où, seule, elle n’y serait pas arrivée. Mais surtout il remet les Britanniqu­es dans la roue des Américains. « Global Britain » se cherchait : elle s’est trouvée, dans l’alignement sur Washington. L’amertume qui avait explosé sur les bancs de la Chambre des communes au moment du retrait américain d’afghanista­n, organisé sans consultati­on avec les alliés présents sur le terrain depuis vingt ans, est effacée, moins d’un mois plus tard, par la grâce de l’aukus.

La troisième leçon est à la fois plus importante et plus complexe, car elle s’adresse à l’europe. Au-delà des sensibilit­és françaises, c’est bien la place de l’europe et son rôle dans le monde qui se trouvent ici remis en question. Où veutelle se situer dans le réaligneme­nt mondial qui s’opère à l’ombre de l’affronteme­nt sino-américain ? Peut-elle y agir en tant que puissance autonome, ou bien les pays européens vont-ils assister en ordre dispersé à ce réaligneme­nt, sacrifiant tout espoir d’y exercer une quelconque influence et d’y défendre leurs intérêts ?

L’ironie a voulu que l’annonce de la création de l’aukus intervienn­e la veille de la présentati­on à Bruxelles de la stratégie indo-pacifique de l’union européenne (UE). Celle-ci, du coup, fait pâle figure. Paris a beau jeu d’accuser les Etats-unis de « manque de cohérence » : L’UE a, elle, singulière­ment manqué de cohérence et de colonne vertébrale dans sa gestion de l’ascension chinoise, notamment sous l’influence de Berlin. Elle le paie chèrement aujourd’hui.

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