Kings et «saigneurs» des parkings
Stationnement des véhicules en Tunisie :
Dans le Grand Tunis, c'est le problème de tous les jours, le calvaire de chaque jour, même les jours chômés. Les autorités municipales sont depuis longtemps conscientes de la situation; mais les solutions proposées sont encore insuffisantes. En 2020, et pour sévir contre le stationnement illégal, la mairie a majoré sensiblement ses tarifs de sabots (20 dinars) et de remorquage-fourrière (45 dinars).
Ruser avec les règlements
Le surbooking déploré dans les parkings autorisés (à étages ou pas) et la cherté relative du stationnement légal amènent de très nombreux automobilistes à ruser avec les règlements en vigueur, sinon à les enfreindre allègrement. D'où l'engorgement fréquent de la circulation dans plusieurs zones et artères de la capitale. Et c'est au jeu du chat et de la souris que s'adonnent en permanence automobilistes et agents contrôleurs.
Ne pouvant être partout ni à toute heure, vu leur nombre toujours insuffisant, ces derniers comptent sur leur expérience avec les automobilistes en faute et avec les endroits où le plus grand nombre d'infractions est enregistré. Ils savent désormais où sévir efficacement malgré les ingéniosités renouvelées des conducteurs fautifs. Les agents comptent également sur la vigilante loyauté de certains "indicateurs" souvent invisibles qui, sur place, relèvent les entorses au règlement et en informent à la seconde près les autorités compétentes qui rôdent dans les alentours.
A propos d'anges gardiens, on a signalé à maintes reprises l'usage illégal de certains lieux de stationnement par des individus anonymes qui s'improvisent gardiens incontestés des lieux et qui imposent les prix qu'ils veulent, souvent à la tête du client ou de la cliente. Ces gardiens illégaux ont appris où agir et comment échapper à la police. Leur nombre est impossible à préciser mais il n'y a pas longtemps, on en arrêté plus de cent soixante sans les traduire tous devant la justice. L'application de la loi à leur encontre ne semble pas être assez sévère : à preuve, on en voit encore partout munis de leurs gourdes et régnant en maîtres chacun sur une aire particulière de stationnement sauvage.
Les anges gardiens
L'un d'eux que nous avons rencontré au nord de Tunis s'est choisi comme pseudonyme le surnom d'el King ! "C'est moi le roi ici" ! Il s'agit d'un gaillard de près de deux mètres de taille et qui pèse sans doute plus de cent kilos ! "Les bons jours, nous apprend-il, je gagne entre 40 et 50 dinars ! Pour moi, c'est dur come gagne-pain ! Je travaille par tous les temps, sous la pluie battante et sous des soleils de plomb ! C'est mieux que de tremper dans le "haram" !!! J'ai déjà fait de la prison et je ne veux plus y revenir. Mes deux enfants m'aident parfois à organiser le stationnement et il m'arrive de solliciter le concours d'amis plus costauds. Je reste le King néanmoins sans avoir à utiliser de gourdes persuasives ou dissuasives". Sur le sujet, il est intéressant de savoir que ce genre de délit (l'usage illégal d'une propriété de l'etat) est passible d'une amende de 5000 dinars et d'une peine allant jusqu'à cinq ans d'emprisonnement.
Les vrais "kings" des parkings tunisiens sont actuellement des sociétés privées (des start-up, comme on dit dans le milieu) de plus en plus nombreuses. Elles répondent aux appels d'offres des municipalités et obtiennent apparemment sans peine les droits d'exploitation exclusive de certains lieux de stationnement. Les services qu'ils offrent ne sont pas toujours conformes aux conditions requises. Dans certains parkings privés, les règles de l'hygiène minimale sont bafouées à longueur d'année. Dans d'autres, l'aération est nulle ainsi que l'éclairage. Leurs emplacements respectifs sont le plus souvent mal signalés aux conducteurs. Et il est pénible de les atteindre notamment pendant les heures de grande affluence : de ce point de vue, le parking du Palmarium est un exemple des plus édifiants. En plus, c'est un espace trop sombre et qui sent plutôt mauvais.
Les mastodontes
Il paraît, en tout cas, que ce qui compte le plus pour ces débutantes startup, ce ne sont ni l'hygiène, ni l'esthétique, ni la qualité du service; mais l'argent que rapporte leur commerce ! L'autre soir à Sidi Bou Saïd, du côté du Port, la voiture d'une promeneuse a été épinglée par le sabot. Le parking de plein air était payant mais rien ou presque ne le faisait savoir aux automobilistes de passage, notamment de nuit. Pour s'acquitter de l'amende, la dame n'a trouvé personne sur les lieux; elle appela dix fois le numéro indiqué sur le papier laissé sous l'essuie-glace. Il ne répondait pas. Lorsque la camionnette municipale apparut, les agents exigèrent 30 dinars alors que le montant écrit est de 15 dinars. L'un des agents expliqua alors que, passé une demi-heure sans paiement de l'amende, le montant initial est doublé ! "Lisez Madame, c'est écrit en bas, en petites lettres ! Allumez la torche de votre téléphone pour bien lire, Madame ! Bon ! Pour cette fois, je serai gentil, Madame : 15 dinars seulement !" Quelle générosité !
Badreddine BEN HENDA
Quelques chiffres utiles
• Le parc automobile tunisien est de plus de 2. 200. 000 véhicules (Statistiques de 2018)
• Plus de la moitié de ces véhicules est composée de voitures particulières
• Plus de 50% des véhicules ont plus de quinze ans et 1/3 des voitures ont plus de vingt ans
• Le taux de motorisation en Tunisie est de 115 voitures pour 1000 habitants
• Il existe moins de 10 parkings à étages dans le centre de Tunis. Les places de stationnement autorisées avoisinent les 10.000 en centre ville
• La municipalité projette la construction de 10 nouveaux parkings à étages