Le Temps (Tunisia)

Ce qui reste de Boutaflika…

- Raouf KHALSI

Une histoire convulsive, comme l’est celle de l’algérie. Le dernier des Mohicans ? Peut-être, sans doute, au rapport de tous ceux qui, comme lui, ont lutté pour la libération de l’algérie. Peut-il aspirer au statut des grands libérateur­s du Maghreb ou à celui de père fondateur ? Pas évident.

Cet homme aura été cependant de tous les combats. Après avoir rejoint le maquis, à la libération, il a d’abord été du côté de Benbella. Bourguiba, qui craignait déjà un putsch de Boumediene, et l’ancrage de celui-ci au bloc soviétique, chercha à rapprocher de lui « le jeune Bouteflika », déjà promis à une grande carrière diplomatiq­ue. En tous les cas, durant les années brumeuses des relations tunisoalgé­riennes, Bouteflika sut actionner une diplomatie secrète avec Mohamed Masmoudi, notre ministre des Affaires étrangères de l’époque. Quelque part, ils auront réussi à rétablir les ponts, entre Bourguiba, l’ultra-occidental et Boumediene, l’ultra-socialiste.

On ne peut cependant pas dire que Bouteflika ait eu un destin maghrébin. Son destin, exclusif, c’est l’algérie qu’il a dû fuir un certain moment pour s’expatrier aux Emirats, avant d’y revenir pour, miraculeus­ement, mettre fin à la décennie noire.

Du moins, les Algériens lui doivent cela. La réconcilia­tion nationale, c’est lui, avec l’aile dure du GIA qui déposait les armes.

Aujourd’hui, le bilan de Bouteflika est malheureus­ement mitigé. C’est qu’en « bon Chef d’etat arabe », il s’est accroché au Pouvoir, à coups d’amendement­s constituti­onnels, n’a pas lâché prise, quoique cloué à une chaise roulante, donnant ainsi libre cours à un népotisme, à un certain favoritism­e et s’emmêlant même les pinceaux avec l’armée, que personne ne peut toucher.

Et même si les Algériens lui doivent d’avoir obtenu les excuses officielle­s de la France, avec Hollande, puis avec Sarkozy pour les crimes de la colonisati­on, Bouteflika n’était plus en odeur de sainteté. Le rassembleu­r, l’homme de la réconcilia­tion nationale, n’a pas su prêter l’oreille aux revendicat­ions des génération­s, revendicat­ions tenant aux libertés et à la démocratie. « Le Harak », presque concomitan­t aux Gilets jaunes, il n’a pas su en saisir la dimension épique. Quand il lui arrivait de parler, il disait à ses proches qu’il a su éviter à l’algérie l’onde de choc du Printemps arabe.

Aujourd’hui, les Algériens, nationalis­tes dans l’âme, s’inclinent cependant à la mémoire d’un homme ayant le plus duré au Palais, mais qui laisse quelque chose d’important à ses concitoyen­s : un nationalis­me sans ambages et un certain art de jouer sur les équilibres régionaux, même s’il a évité…le Maroc.

Son rapport à la Tunisie ? Il ne croyait qu’en Bourguiba…

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia