Des alliances historiques de l'opposition malgré les clivages idéologiques
Les Hongrois ont commencé à voter, hier, pour départager lors des primaires inédites les candidats de l'opposition, qui font front commun pour tenter de battre le chef honni du gouvernement sortant Viktor Orban aux législatives en avril prochain.
Portés par des municipales prometteuses en 2019 et des sondages favorables, six partis allant de la gauche aux nationalistes ont décidé de s'allier.
Car "malgré les clivages idéologiques", le "tout sauf Orban" l'emporte sur les autres considérations, estime l'analyste Daniel Mikecz, du groupe de réflexion Republikon.
Les différentes formations sont unies par leur détestation du Premier ministre souverainiste de 58 ans, coutumier des bras de fer avec Bruxelles sur les migrants ou la question des LGBT+, qu'ils accusent de dérive autoritaire et de corruption.
Les primaires ont démarré hier à la fois en ligne et dans des stands installés sur des places publiques, dans des parcs ou des centres commerciaux, avec "un fort intérêt" des électeurs selon les organisateurs.
Le vote doit se dérouler jusqu'au 26 septembre puis si nécessaire, se tiendra un second tour du 4 au 10 octobre pour départager les trois prétendants au poste de Premier ministre arrivés en tête.
Cinq candidats sont en lice et une centaine de représentants devront aussi être choisis dans chacune des circonscriptions de ce pays d'europe centrale comptant 9,8 millions d'habitants, gouverné depuis 2010 par le Fidesz de M. Orban.
Peter Jakab (41 ans), le chef du Jobbik, un parti au passé d'extrême droite, Gergely Karacsony (46 ans), le maire libéral et écologiste de la capitale Budapest, et l'eurodéputée socialiste Klara Dobrev (49 ans) font figure de favoris.
Cette primaire est le fruit d'un long cheminement. Tout a commencé en décembre 2020. Qu'elles soient libérale, écologiste, socialiste ou issue de l'extrême droite, les formations représentées au Parlement ont signé une déclaration commune.
Elles se sont engagées sur un programme de gouvernement, alors qu'elles s'étaient présentées divisées face au Fidesz aux trois précédents scrutins, remportés haut la main par ce dernier.
Et c'était indispensable, pour l'un des candidats en province, car Viktor Orban "a changé la loi électorale" une fois au pouvoir. "Avant, nous avions un système à deux tours", rappelle Ferenc Gelencser.
Au fil de nombreuses réformes institutionnelles, le dirigeant est accusé d'avoir remodelé à son avantage les circonscriptions et l'ensemble du système. L'alliance tient donc surtout du mariage de raison et face à l'adversité, les six formations de l'opposition mettent volontiers de côté leurs différends.
Lutte contre la corruption, rétablissement de l'etat de droit, hausse des salaires... "Pendant des semaines, l'opposition va faire parler de ses thèmes de prédilections", précise Daniel Mikecz.
Car c'est aussi cela, le but de l'exercice: offrir un peu de visibilité à un camp asphyxié par les médias affidés à Viktor Orban.
Une union sacrée vigoureusement dénoncée par les fidèles de M. Orban comme étant artificielle et moralement discutable.
Zoltan Kovacs, le porte-parole du gouvernement, déplorait en 2019 une "alliance avec la droite antisémite", en référence au passé du Jobbik.
Jusqu'en 2013, cette formation nationaliste brûlait des drapeaux européens et suggérait d'établir des listes de juifs "à risque". Hier ostracisée, elle a ces dernières années opéré une tentative de recentrage.
Mais en raison du système inéquitable, "l'opposition ne peut rivaliser avec le Fidesz que si elle forme un bloc", tranche Antal Csardi, un député écologiste de Budapest qui brigue un nouveau mandat.