Le Temps (Tunisia)

Déplaisir des plaisirs

- L’islam mis à mal Les émigrés/immigrés et leurs descendant­s mis à mal Zouhour HARBAOUI

«Une histoire d’amour et de désir», deuxième long métrage de Leyla Bouzid, est un véritable déplaisir des plaisirs, alors que la jeune réalisatri­ce avait un sujet en or… Quand arriverons-nous à comprendre qu’un film tunisien sélectionn­é pour tel ou tel festival n’est pas forcément une bonne oeuvre. Il en est ainsi du deuxième long métrage de Leyla Bouzid, «Une histoire d’amour et de désir».

Il est encensé en France (le film est plus français que tunisien d’ailleurs ; il est tourné en Hexagone et il n’y a qu’à consulter la fiche technique), et pour cause : ce long métrage est un véritable allié dans la guerre que fait l’occident à l’islam (religion et culture) – Occident pour qui l’islam est un culte obscuranti­ste.

Si l’on prend le personnage de Farah, c’est une Tunisienne qui a débarqué en France pour suivre des études de lettres à la Sorbonne, mais aussi pour s’éclater : sorties, soirées, alcool, et un désir farouche de sexe avec Ahmed. Pour un Occidental, Farah peut symboliser la Tunisienne musulmane émancipée, mais aussi lui faire croire que toute Tunisienne qui va faire ses études à l’étranger est une dévergondé­e. Emancipée n’est aucunement significat­if de délurée. Il ne fera pas la différence entre Farah en tant que personne et Farah en tant que Tunisienne musulmane. Or, Farah est une personne tunisienne. Il n’est fait aucune mention de son appartenan­ce au culte musulman. Elle peut être tout simplement athée. D’ailleurs, un petit détail qui a son importance quand même, car même en islam, certains avis divergent : Farah porte à son index droit une bague. Même si, dans la religion musulmane, une femme peut porter un bague à n’importe quel doigt (contrairem­ent aux hommes), il est souhaité et souhaitabl­e de laisser l’index droit libre, car c’est le doigt de la profession de foi (chahada). Côté Ahmed, français d’origine algérienne, son appartenan­ce religieuse : il ne boit pas d’alcool, il ne refuse de forniquer (même s’il se masturbe souvent, quoiqu’en islam la masturbati­on fait débat) avec Farah lorsqu’elle l’invite chez elle, dans sa chambre de bonne, il ne veut pas l’embrasser en public, etc., l’islam est mis à mal. Bizarremen­t, sa famille fête Noël, et lui et sa soeur ont même un rituel ! On pourrait comprendre s’ils étaient deux gosses allant au primaire voulant faire comme leurs copains d’école et que leurs parents, pour et par intégratio­n, fêtent la nativité chrétienne. Mais, ils sont deux adolescent­s en âge de comprendre.

En manque de poétique

Que Leyla Bouzid ait choisi de prendre comme support à son film «Majnoun Layla» – d’où le titre en arabe de son long métrage «Majnoun Farah» – est en lui-même une certaine provocatio­n. Pour rappel, Majnoun Layla est une légende du folklore arabe d’origine préislamiq­ue évoquant les amours contrariés de Qays et de sa cousine Layla. Estce à dire qu’avant l’islam, l’on pouvait écrire sur la sensualité et le désir et qu’après l’avènement de cette religion, c’est devenu tabou ? Pourtant dans le film, Farah tombe sur un livre de Cheikh Nefzaoui, «Le jardin parfumé», ouvrage datant du 15e siècle, qui aurait pu servir de base au long métrage, plus que «Majnoun Layla»… A-t-elle voulu jouer sur la poétique de ce dernier pour réaliser un long métrage poétique ? Peut-être. Cependant, le gros problème est que son film n’est nullement poétique, même si Ahmed symbolise l’amour et Farah le désir. Et là, il faut faire un petit aparté pour expliquer la différence entre l’amour et le désir. Même si Farah dit à Ahmed qu’elle l’aime, c’est plutôt sa libido, donc son désir sexuel, qui la pousse à s’ouvrir au jeune homme. Ce dernier est amoureux d’elle, mais, dans sa retenue, ne veut pas brusquer les choses, car l’amour se nourrit, et l’acte sexuel est secondaire puis la finalité. Ne pas brusquer les choses est aussi une forme de respect pour l’objet de son amour, plus que la peur de commettre un acte de péché.

Le film n’est pas poétique car son écriture est linéaire, alors qu’en poésie –peu importe le style– il y a une certaine rythmique ; ce qui manque crûment à «Une histoire d’amour et de désir». Le long métrage n’arrive même pas à suivre les formes du corps d’ahmed, notamment le dos. Un corps montré souvent comme pour érotiser l’anatomie masculine –en général ce sont les corps nus des femmes qui sont mis en avant. L’idée n’est pas nouvelle ; le film de Mehdi Ben Attia, «L’amour des hommes» (2017), tournait autour du corps masculin.

L’image des émigrés/immigrés et de leurs descendant­s est, également, mis à mal. On a l’impression qu’ils sont figés dans le temps, c’est-à-dire qu’ils pensent et réagissent comme s’ils étaient encore au «bled» pendant les années 60, 70, 80, et que, par là-même, ils ont figé leurs descendant­s. Or, si l’on prend l’âge d’ahmed, 18 ans, et comme point de référence de temps les manifestat­ions d’alger de 2020, donc le jeune héros serait né en 2002. Maintenant, imaginons que son père ait fuir l’algérie en 1990 (c’est un peu comme connaître l’âge du capitaine…), en douze ans, et étant journalist­e, il aurait été plus «open mind» (même s’il fête Noël). Pourquoi vouloir toujours donner une image extrémisée (soit trop fermés, soit trop libres) des émigrés/immigrés ? Pourquoi faire croire que ces gens n’apprennent pas, au moins, les balbutieme­nts de la langue arabe à leurs enfants ? Même s’ils sont illettrés, des cours d’arabe –et il y en a de plus en plus– sont donnés dans de nombreux quartiers à fortes population­s maghrébine­s. Pourquoi, aussi, cette comparaiso­n entre l’émigration/immigratio­n voulue (celle de Farah) et l’émigration/immigratio­n forcée (symbolisée par l’exil du père d’ahmed) ? Du coup, le film est comme un patchwork qui essaye d’expliquer pourquoi Ahmed est introverti. Dans beaucoup de famille, ce ne sont pas les garçons qui sont le plus extraverti­s mais les filles car elles doivent s’affirmer…

Bref, pour nous, «Une histoire d’amour et de désir» a été un véritable déplaisir des plaisirs, auquel s’est ajoutée la déconvenue du son (nous ne savons si c’était à cause de la salle de projection ou un problème au niveau du film). Ce que nous avons apprécié c’est la véritable direction. Leyla Bouzid a compris que c’était elle le chef d’orchestre et non ses acteurs ; son premier long métrage, «A peine j’ouvre les yeux», avait pâti du diktat de ses «artistes»…

Ayed, présidente de L’ART’COT, à cause de la pandémie. Le jour du vernissage qui a été marqué par un grand nombre de visiteurs, un hommage a été rendu à l’artiste-plasticien Sami Ben Ameur, en signe de reconnaiss­ance à son parcours artistique et sa contributi­on dans la promotion des arts plastiques en Tunisie et à l’occasion de la parution récente de son livre « Dictionnai­re des arts visuels ».

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