Le Temps (Tunisia)

Le Pentagone admet un échec stratégiqu­e

- "Ne fixez pas de date" Réputation "endommagée"

Un "échec stratégiqu­e". C'est de cette manière que les chefs du Pentagone ont qualifié, hier, le retrait américain d'afghanista­n, admettant certaines erreurs de jugement qui ont conduit à la la victoire sans coup férir des talibans après de 20 ans de guerre. "C'est un échec stratégiqu­e", a commenté le chef d'état-major américain, le général Mark Milley, en s'expliquant devant les élus du Sénat sur la fin chaotique de la guerre en Afghanista­n. "L'ennemi est au pouvoir à Kaboul. Il n'y a pas d'autre façon de décrire les choses." Les plus hauts gradés de l'armée américaine ont aussi admis publiqueme­nt pour la première fois qu'ils avaient conseillé à Joe Biden de maintenir des soldats en Afghanista­n pour éviter un effondreme­nt du régime de Kaboul.

"J'ai recommandé que nous laissions 2500 soldats en Afghanista­n", a déclaré le chef du commandeme­nt central américain (Centcom), le général Kenneth Mckenzie.

Le général Mark Milley a de son côté affirmé qu'il était "d'accord" avec cet avis. Mais le président américain a choisi de ne pas le suivre, et assurait même en août ne l'avoir jamais reçu. "Personne ne m'a dit ça à ma connaissan­ce", affirmait Joe Biden sur ABC. Questionné­e à ce sujet, la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki a souligné qu'une présence militaire aussi limitée en Afghanista­n n'aurait pas été possible à long terme.

"Personne n'a dit que dans cinq ans, nous pourrions avoir 2500 soldats et que ce serait tenable", a-t-elle déclaré à la presse. "En fin de compte, c'est au commandant en chef de décider, et il a décidé qu'il était temps de mettre fin à 20 ans de guerre".

Le général Milley a aussi révélé avoir demandé au président démocrate et à son prédécesse­ur Donald Trump de ne pas fixer de date précise pour le retrait des forces américaine d'afghanista­n, mais de le lier à des conditions que les talibans devaient respecter, notamment la rupture de leurs liens avec Al-qaïda.

"Je recommande à tout dirigeant: ne fixez pas de date, (...) posez des conditions", a-t-il dit. "Deux présidents d'affilée ont fixé une date", déplore-t-il aujourd'hui.

L'administra­tion de Donald Trump a signé le 29 février 2020 à Doha un accord historique avec les talibans qui prévoyait le retrait de tous les soldats étrangers avant le 1er mai 2021, en échange de garanties sécuritair­es et de l'ouverture de négociatio­ns directes inédites entre les insurgés et les autorités de Kaboul. Joe Biden a quant à lui choisi de respecter cet accord, mais repoussé la date limite au 31 août.

Le ministre de la Défense, Lloyd Austin, a reconnu des erreurs de jugement. "Le fait que l'armée afghane, que nous avons formée avec nos partenaire­s, se soit effondrée, souvent sans tirer une balle, nous a tous pris par surprise", a-t-il admis.

"Nous n'avons pas réalisé le niveau de corruption et l'incompéten­ce de leurs officiers de haut rang, nous n'avons pas mesuré les dommages causés par les changement­s fréquents et inexpliqué­s décidés par le président Ashraf Ghani au sein du commandeme­nt, nous n'avons pas prévu l'effet boule de neige des accords passés par les talibans avec quatre commandant­s locaux après l'accord de Doha, ni le fait que l'accord de Doha avait démoralisé l'armée afghane", a-t-il énuméré.

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