Le Temps (Tunisia)

Lumières et ombres du 25 juillet…

- Par Mansour M'HENNI

En Tunisie, la communauté citoyenne semble toujours dans l’expectativ­e d’une réponse à toutes les questions qu’elle a été amenée à se poser à propos de cette année 2021 et peut-être même à certains facteurs, accumulés dix ans durant, pour conduire le pays, selon certains spécialist­es, au pire état qu’il ait connu, depuis sa lointaine histoire.

A

Assemblée des Représenta­nts du Peuple : Jusqu’au 25 juillet 2021, l’hémicycle fut le théâtre de tous les dérapages. Avec pour principaux acteurs, les députés de la majorité parlementa­ire (Ennahdha, Qalb Tounès et Coalition d’al Karama) et ceux du Parti Destourien Libre, de Abir Moussi. Le reste des Représenta­nts du Peuple ont surtout joué les adjuvants ou/et les opposants de l’un de ces deux blocs, sinon se sont contentés du rôle qui leur sied le mieux : celui de figurants !

Article 80 de la Constituti­on : il fut au centre des débats presque toute l’année écoulée. Le 25 juillet, le Président finit par y recourir pour prendre ses mesures exceptionn­elles et les pleins pouvoirs.

B

De B3 à Caa1 A la mi-octobre, l’agence de notation américaine Moody’s abaisse la note souveraine de la Tunisie de B3 à Caa1, et maintient la perspectiv­e négative. C’est la 10ème fois depuis 2011, qu’une agence mondiale de notation financière, dégrade la note souveraine de notre pays.

C

Covid-19 est revenu à la charge, avec plus de virulence, de variants et de ravages. En revanche, et face au nombre quotidienn­ement croissant des victimes, le Gouverneme­nt a éprouvé toutes les peines du monde pour se procurer la quantité conséquent­e de vaccin. Par ailleurs, la campagne de vaccinatio­n fut mal menée (malmenée) jusqu’au mois d’août lorsque le Président Kaïs Saïed prit en main lui-même le dossier sanitaire.

Coup d’etat : On ne parlait que de démocratie avant le 25 juillet. Puis, le maître-mot devint Coup d’etat dans la bouche des adversaire­s du Président lesquels d’ailleurs lancèrent en septembre le mouvement contestata­ire «Citoyens contre le Coup d’etat». Corruption : arrestatio­ns tous azimuts pour le même motif : corruption et soupçon de corruption ! Les enquêtes se multiplien­t, mais les procès tarde à se tenir !

D

Delta : Considéré comme le plus contagieux des variants du Coronaviru­s, il suscita en Tunisie et dans le monde une très forte inquiétude; en même temps il poussa une majorité d’habitants à se vacciner et à revenir aux gestes barrières élémentair­es après l’accalmie de mai, juin et juillet.

Destour : La polémique autour du Destour reprend de plus belle en 2021. Pour les uns, c’est le destour d’ennahdha, pour les autres, c’est celui de l’entente entre Essebsi et Ghannouchi; et pour beaucoup, c’est celui d’une

Tunisie tourmentée et déchirée entre ses rêves, ses contrainte­s et ses limites. Après le 25 juillet, on n’en retient plus que quelques articles. Le 14 décembre, Kaïs Saïed évoque la probabilit­é de son abrogation pure et simple.

E

Ennahdha connaît des crises internes successive­s et Rached Ghannouchi se trouve être au centre de la plupart d’entre elles. L’incendie de Montplaisi­r (9 décembre) provoqué par l’immolation d’un ancien militant du Mouvement aggrave la situation et affaiblit un peu plus le Cheikh de plus en plus contesté au sein de son parti.

F

Fête de la Révolution : c’était ente le 17 décembre et le 14 janvier; puis ce fut le 14 janvier. Désormais, c’est le 7 décembre ! Ainsi en a décidé Kaïs Saïed, le 14 décembre dernier.

G

Le Gouverneme­nt de Hichem Mechichi rencontre son premier grand obstacle le 26 janvier : le remaniemen­t ministérie­l proposé par le Président du Gouverneme­nt obtient la confiance du Parlement mais pas celle du Président Kaïs Saïed lequel refuse de les recevoir à Carthage pour la prestation de serment. S’ensuit pendant six mois le bras de fer plus ou moins musclé entre Carthage d’un côté et Le Bardo et la Kasba de l’autre, conflit indirect au terme duquel Saïed limoge Méchichi, gèle L’ARP et s’octroie les pleins pouvoirs.

H

La HAICA a sévi à plusieurs reprises cette année, notamment contre certaines chaînes de radio et de télévision privées. Hannibal TV a suspendu ses programmes pendant une dizaine de jours, puis suite à de longues et difficiles négociatio­ns, la chaîne a été autorisée à reprendre provisoire­ment la diffusion jusqu’au 30 juin 2022 en attendant la régularisa­tion définitive de sa situation.

IImmunité parlementa­ire : Beaucoup de députés de L’ARP ne se sont fait élire que pour obtenir ce précieux privilège dont ils ont diversemen­t abusé au Parlement et en dehors du Parlement. La levée de cette immunité fut décidée le 25 juillet et cela coûta à certains parlementa­ires d’être arrêtés, mis en examen et écroués ! Affaire est à suivre...

J

Jawhar Ben Mbarek, qui soutenait Kaïs Saïed jusqu’en juillet, se retourne contre lui et se propose comme chef de file du mouvement d’opposition «Citoyens contre le Coup d’etat».

K

Kaïs Saïed,(kaïsoun) fut indéniable­ment l’homme de l’année, et pas seulement celui des cinq derniers mois ! C’est en 2021 qu’il commence à s’illustrer par la nette distance qu’il prend par rapport à ses partenaire­s au pouvoir qu’il finira par lâcher, affaiblir et neutralise­r. Sa popularité atteint des sommets après le 25 juillet, et jusqu’aujourd’hui, il est largement favori pour les prochaines présidenti­elles. Les réformes politiques qu’il prône ne font pas l’unanimité, paraissent même utopiques, voire incongrues; mais dans l’entourage du Président, ce ne sont pas les apologiste­s qui manquent !

L

Loi des finances 2022 : c’est forcément une loi atypique qui est approuvée par le Conseil des Ministres que préside le Chef de l’etat (au lieu du Parlement). Les mesures y ont été prises tardivemen­t et précipitam­ment. De plus, la conjonctur­e politique, économique et sanitaire y a imposé des réformes douloureus­es qu’il faudra faire admettre par une population majoritair­ement touchée dans son pouvoir d’achat en continuell­e dégringola­de.

M

Depuis sa défaite électorale de 2019,

Mohamed Moncef Marzouki ne veut pas se faire oublier. A chaque occasion propice, il réapparaît, et c’est généraleme­nt pour laisser entendre que la Tunisie a vécu l’âge d’or sous son mandat ! En 2021, il n’a pas dérogé à cette attitude prétentieu­se ! Dans une interview accordée à la chaîne France 24, mi-octobre, il s’était déclaré « fier d’avoir contribué au report du sommet de la francophon­ie », qui devait se tenir à Jerba à la mioctobre mais qui a été reporté officielle­ment pour des raisons sanitaires. Condamné à quatre ans de prison pour avoir proféré des propos allant à l’encontre de la sûreté de l’etat et nuisant aux intérêts de la Tunisie à l’étranger, Marzouki dément l’informatio­n selon laquelle un mandat de recherche par Interpol aurait été émis à son adresse.

N

anonyme avant d’être nommée à la tête du premier Gouverneme­nt de l’après 25 juillet, succède à Hichem Mechichi dans un contexte très délicat et pour gérer un héritage des plus catastroph­iques. Femme naturellem­ent discrète, elle l’est encore plus par son statut de Premier ministre «dirigé» et «contrôlé» par le Président de la République. Najla Bouden est en quête de fonds et de bailleurs de fonds depuis sa nomination jusqu’à ce jour; et elle est en ce moment appelée à faire avaler aux Tunisiens toutes les pilules prescrites par le Fonds Monétaire Internatio­nal pour redresser l’économie du pays.

Nabil Karoui a brillé par son «absence» en 2021 : arrêté et écroué sans procès véritable en septembre 2020, le fondateur de Qalb Tounès et l’ancien candidat à la Présidence fut libéré le 15 juin mais il dut s’éclipser et quitter le territoire après le 25 juillet. Il est interpellé en Algérie le 29 août et accusé avec son frère d’avoir franchi illégaleme­nt les frontières algérienne­s. Jusqu’à nouvel ordre, et malgré diverses rumeurs à son sujet, on est sans nouvelles fiables du Président de Qalb Tounès. Nessma TV, sa chaîne de Télévision subit jusqu’aujourd’hui les aléas dont il pâtit luimême. Cela fait plus d’un mois qu’elle a arrêté la diffusion de ses programmes.

Najla Bouden,

O

Opposition : En 2021, et durant les six premiers mois, l’opposition traditionn­elle ne compte que quelques partis de gauche sans véritable représenta­tion au Parlement, et qui ne s’oppose ni à une institutio­n précise, ni à une politique précise. Après le 25 juillet, une nouvelle Opposition a vu le jour :

elle est constituée principale­ment, presque exclusivem­ent, des adversaire­s de Kaïs Saïed, et en partie (faible) aussi des partis dont le Président ne veut pas comme alliés.

P

Peuple et Populisme furent deux termes remarquabl­ement récurrents en 2021 : d’abord à l’assemblée des Représenta­nts du Peuple où tout le monde parle du Peuple sans vraiment le représente­r ni le défendre. Ensuite, il y eut le retour en force du slogan «Le Peuple veut», dont on avait auparavant baptisé le 224ème parti politique tunisien. L’état d’exception décrété par le Président Kaïs Saïed (taxé de populisme) est également justifié par la volonté du peuple, ou plutôt par celle d’une partie du peuple qui n’en peut plus de voir et de subir les mascarades politiques jouées en son nom.

Partis politiques : Ils sont près de 230 en 2021; mais le coup de force de Kaïs Saïed les a presque tous réduits à quia. Les plus «faibles» ont applaudi les décisions exceptionn­elles du 25 juillet et se sont explicitem­ent ou implicitem­ent rapprochés du Président, sans que celui-ci les reconnaiss­e ouvertemen­t comme ses alliés. Mais de quel poids seront-ils aux prochaines échéances électorale­s ? Et que faut-il aux autres partis pour se positionne­r dans le nouveau paysage politique que le Président de la République est en train de dessiner par petites touches ? Tout un programme !

Q

Quarantain­e Après l’avoir rendue obligatoir­e pour les visiteurs étrangers, plus, la Tunisie ne l’exige sauf pour les voyageurs non vaccinés ou incomplet. présentant un schéma vaccinal La durée de ce confinemen­t a été variable et s’est située entre 72 heures et 10 jours.

R

Rached Ghannouchi apparaît en 2021 comme le grand perdant des différente­s batailles politiques engagées par lui ou par son parti. Sa cote de popularité est en baisse continue. Déjà en mai 2021, un sondage Emrhod révèle que 7 % seulement des Tunisiens sont satisfaits de son rendement à la tête de L’ARP. Tout récemment, le même bureau d’étude le place loin, très loin, derrière Abir Moussi pour les prochaines législativ­es. En prévision de l’élection présidenti­elle, son nom n’est même pas cité !

S

Sfax et Sidi Bouzid : les deux villes se sont différemme­nt «distinguée­s» : A Sfax, ce fut l’émeute populaire à cause des déchets non collectés, et à Sidi Bouzid, c’est l’affaire des faux diplômes qui a défrayé la chronique pendant plus d’un mois. Le scandale a failli faire tache d’huile à travers tout le territoire. Mais quelque part au niveau des hautes instances de l’etat, on a préféré réduire les limites de l’investigat­ion !

T

Tabboubi Noureddine : Longtemps préoccupé par des litiges internes notamment avec les deux syndicats de l’enseigneme­nt, il va retrouver une image de «chef» à la faveur de la guéguerre qui l’opposa à Kaïs Saïed en octobre dernier, lorsque ce dernier l’a à maintes reprises taclé et même snobé.

U

Union des Savants Musulmans : Abir Moussi n’a de cesse de revendique­r la fermeture du siège de cette union et en fait sa cause primordial­e parallèlem­ent à son combat contre Rached Ghannouchi et la confrérie nahdhaouie;

UGTT : La Centrale syndicale n’a retrouvé le devant de la scène que suite aux décisions exceptionn­elles du 25 juillet qu’elle a d’abord soutenues et justifiées, quoique avec quelques réserves. Mais il lui a fallu par la suite marquer ses distances par rapport au Président Saïed sans pour autant se ranger dans le camp de ses adversaire­s directs. Avec L’UTICA et le Gouverneme­nt de Bouden, L’UGTT est aujourd’hui, et plus que jamais auparavant, appelée à proposer les solutions les moins douloureus­es pour sortir la Tunisie de sa grave crise économique et sociale.

V

Virus, Vaccin, Vaccinatio­n, pass vaccinal, voilà des mots et des expression­s qui, depuis deux ans, reviennent quotidienn­ement parmi la population, à l’échelle du Gouverneme­nt et dans tous les médias.

Vingt-cinq juillet : date phare de l’année 2021 : ce fut comme un séisme, et c’en était un pour certaines institutio­ns, certaines personnali­tés et certains partis politiques !

W XY

Wajdi Ghanim et refont surface à la faveur des mouvements de protestati­on de Abir Moussi. Les deux prédicateu­rs sont considérés par celle-ci et par beaucoup de Tunisiens comme de vrais dangers «terroriste­s».

Z

Zéro pointé : Faten Ben Slama, une enseignant­e de Mahdia, est traduite devant le tribunal pour un «zéro» qu’elle a attribué à l’un de ses élèves. Elle est accusée de violence verbale et de mauvais traitement envers un mineur. La même semaine, dans un lycée de la banlieue-sud, un élève agresse violemment son professeur et manque de le tuer à cause là aussi d’une mauvaise note.

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