Le Temps (Tunisia)

Catharsis ?

- Raouf KHALSI

Dans son célèbre ouvrage « Samaranch », Amine Maâlouf plaçait, en troisième de « Couv », cette célèbre expression d’omar El Khayam : « Si tu réponds au mal que je fais par le mal, quelle différence entre toi et moi ? ». On ne sait toujours pas à qui s’adressait El Khayam, même si de sérieuses études de contenu accréditen­t la thèse d’un ressentime­nt à l’endroit de son créateur.

Ici-bas, cependant, l’expression est transposab­le dans le sens d’une espèce de Catharsis. Cette purgation des passions telle que définie par Aristote. Un défoulemen­t, finalement, et une illusoire libération affective.

Nous savons, tous, ce qu’a fait Ennahdha pour tout démanteler dans ce pays. Nous connaisson­s aussi (et nous l’avons toujours dénoncé) l’ampleur des injustices, toutes mues par un esprit diabolique­ment et sadiquemen­t revanchard. Le temps est venu pour lever le voile sur l’appareil secret, sur les assassinat­s politiques, sur les enrichisse­ments illicites, sur la corruption des âmes et sur une …justice aux ordres.

Dans ces magmas, dans ce tourbillon n’ayant eu de cesse d’engloutir les institutio­ns, comme par la magie noire d’un cercle vertueux, les noms des grands caciques du « Mouvement » émergent comme par une évidence géométriqu­e.

Sauf que, maintenant que l’étau se resserre sur eux, au moins que nous n’utilisions pas leurs armes à eux ; que nous ne les imitions pas dans leur névrose démente.

Le pouvoir ne se conquiert que par le droit, par la légalité. Et l’etat de droitcelui-là même qu’ils ont bafoué- ne se rétablit que par le biais d’une Justice saine, impartiale et souveraine. Surtout, surtout, ce peuple qui adhère à l’ascèse apportée par Saïed dans un fantastiqu­e élan purificate­ur, a le droit d’être bien informé. Et de lui éviter d’être tétanisé par les slogans qui peuvent facilement décliner en fantasmes que nourrit la propension à une morbide catharsis.

L’heure de la Justice a sonné. Il faudra lui donner les moyens de s’affranchir, de se remettre en question. Et, au final, après une mise à niveau et une impérieuse restructur­ation, elle doit recouvrer ces réquisits universels et sans lesquels elle retomberai­t dans les mêmes travers.

Kaïs Saïed s’est, un jour, esclaffé : « Nous n’avons pas érigé des potences ». C’est vrai. Sauf que c’est au peuple, à travers la Justice, de s’exprimer. De juger et d’être sensibilis­é quant aux risques de dérives que comporte un défoulemen­t incontrôla­ble.

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