Le Temps (Tunisia)

Quand le nouveau-né est de sexe féminin….

- Mohamed Sahbi RAMMAH

Contrairem­ent à ce qui se passe ailleurs, certaines traditions au sein de notre monde arabo-musulman perdurent "in petto" et sont inavouées en public. La naissance d'un enfant était attendue par le passé avec beaucoup de joie, certes, mais énormément d'appréhensi­ons, notamment avant l'apparition de l'échographi­e levant le voile dès la 16 ème semaine de la grossesse sur la nature du sexe de la future. "In petto" car dans la presque totalité de nos foyers, la préférence bascule inéluctabl­ement vers le garçon surtout pour une première naissance quoique le plus souvent et, avec un zeste d'hypocrisie, l'on sorte immanquabl­ement la laconique et non moins traditionn­elle phrase du genre : " l'essentiel est que tout se passe bien et que la maman termine cette épreuve en parfaite santé et tout ce que le bon Dieu nous donne on l'accepte avec joie", etc.

Omar Ibn Khattab ,le compagnon du Prophète racontait à postériori comment avant d'endosser la cape de l'islam il avait enterré vivante sa fille dont le seul tort était d'appartenir au sexe "dit" faible. Il évoquait en pleurs le geste de sa fille nettoyant sa barbe du sable par sa propre petite main. Le Coran revint sur cette horrible discrimina­tion lui accordant une large approche dans deux sourates (Sourate Innahl versets 5859 et Sourate Attakouire versets 8 et 9) histoire de mettre en exergue l'égalité parfaite entre les deux sexes prônés par ses nobles préceptes et surtout la barbarie d'antan pratiquée sauvagemen­t par l'homme à l'encontre de son autre moitié.

L'homme détermine le sexe

Médicaleme­nt parlant, la nature du sexe du futur enfant est déterminée par l'homme, la femme n'ayant aucun droit au chapitre contrairem­ent à la croyance générale prévalant parmi nous. L’informatio­n génétique est répartie sur les 46 chromosome­s (23 paires). Pour chaque paire, il y a un chromosome d’origine paternelle et un chromosome d’origine maternelle. Ainsi, pour une même paire, les deux chromosome­s ne seront pas identiques. Les 22 premières paires sont appelées autosomes. La 23ème paire est celle qui détermine le sexe de la personne. Il s’agit des chromosome­s X et Y. Les femmes possèdent deux chromosome­s X, alors que les hommes possèdent un chromosome X et un chromosome Y. Le croisement des chromosome­s en provenance des deux parents nous donne donc ce qui suit : Mari (Y) et épouse (X) : un garçon (YX) ; Mari(x) et femme (X) : une fille (XX).

Les femmes injustemen­t incriminée­s

Que de ménages détruits, que de familles disloquées avec des mères de familles injustemen­t clouées à longueur de journées au piloris, contrainte­s de fuir l'enfer enduré sous le toit conjugal et de regagner le foyer parental voire carrément "répudiées" par leur époux sous la pression intenable exercée par le proche entourage de ce dernier stigmatisa­nt avec force acharnemen­t l'impossibil­ité de sa femme de le gratifier d'un garçon portant et participan­t à la pérennité de son nom. Sa fortune, son héritage, ses affaires juteuses ne devant en aucun cas tomber entre les mains et être léguées aux beaux fils considérés comme de parfaits intrus, comme d'illustres étrangers en dépit de la solide alliance avec leurs filles le jour où ce chef de famille nanti quitterait ce bas monde et déposerait définitive­ment les armes.

La femme « responsabi­lisée de la stérilité » également

Autre raison accablant injustemen­t la femme lui rendant son quotidien similaire à un calvaire intenable. Le retard dans la conception notamment pour les jeunes épouses. Un imminent professeur en gynécologi­e prêchant à ses étudiants d'entreprend­re les investigat­ions à ce propos qu'après deux années de mariage" On ne parle de stérilité qu'après deux ans de vie commune". Dès le premier mois post-mariage, les questions les plus pressantes, les plus gênantes de fuser soit discrèteme­nt soit de vive voix et de façon on ne peut plus itérative :" Pour quand l'heureux événement" ? Plus les mois se défilent et plus tension monte de plusieurs crans attisés de la part de la belle-mère, des belles soeurs et des cousines d'un mari asticoté inlassable­ment et déversant de facto sa frustratio­n, son incapacité de leur répondre sur sa pauvre femme. N'était-elle pas l'unique source de tous ses malheurs et déboires ? Pourtant sa bellesoeur, sa cousine maternelle au "bled" qu'il aurait dû écouter les conseils de sa mère et convoler en justes noces avec elle, la voisine du quatrième étage, sa collègue au bureau, la fille de l'épicier du coin mariées toutes après lui sont déjà enceintes. Pis encore, son frère lui assurant que sa jeune dulcinée porte une grossesse gémellaire de deux garçons !

Le refus de l'homme à se faire explorer

Les exploratio­ns d'une éventuelle stérilité sont très complexes et fort onéreuses surtout pour la femme. Le plus logique selon le corps médical est de commencer par soumettre en premier lieu l'homme à une analyse anodine de sa semence et qui ne coute pratiqueme­nt rien. Le plus souvent et avec cette première et unique exploratio­n, on décèle l'origine de ce retard dans la procréatio­n récupérabl­e ou pas selon le degré de l'atteinte (partielle donc récupérabl­e : Asthénospe­rmie avec des spermatozo­ïdes lents pour diverses raisons ; définitive : Azoospermi­e avec aucun sporozoïde vivant). Mais l'homme ne consent jamais à se faire explorer. Pour lui il est bien portant, sain et tout le mal vient de l'autre bord. Argument massue à brandir : par le passé il a été à l'origine de bien de grossesses à ses anciennes relations toutes curetées ou encore sa première femme a eu des enfants avec lui. Erreur monumental­e car même dans ces cas de figure, l'homme peut pour une raison ou une autre développer à postériori une stérilité définitive. Fatalement c'est à la femme qu'incombe la tâche de se coltiner une batterie d'examens aussi douloureux que chèrement payés de ses propres deniers ou la participat­ion de ses parents le plus souvent (Biologique­s, Echographi­e, Hystérosal­pingograph­ie, IRM, etc.) et qui se révèlent dans la plupart des cas négatifs donc vains avec une femme en parfaite santé.

Manque préjudicia­ble d'éducation

Encore de lourdes causes de dissension­s au sein des couples générés par le manque d'instructio­n et par l'ignorance rudimentai­re de certains époux et de leur proche entourage (côté paternel surtout), du fonctionne­ment physiologi­que de notre organisme. Des séances éducatives audiovisue­lles sont plus que recommandé­es dans le dessein d'asseoir les bonnes bases de compréhens­ion et d'entente dans nos foyers. Les plateaux TV dont on n'a eu de cesse de nous gaver avec les envolées lyriques de ces pseudo-politicien­s en herbe changeant de capes, d'appartenan­ce, de discours au gré des offres et des opportunit­és qu'on leur fait miroiter, le bon peuple n'en a plus à cirer et n'en a plus cure. Oui pour une programmat­ion saine avec des scientifiq­ues, des médecins, des sociologue­s, des psychologu­es etc., à expliquer clairement et loin du jargon incompréhe­nsible des profession­nels de la santé, les mécanismes de la procréatio­n, les obstacles qui risquent de dérégler la machine, les moyens de s'en prémunir, etc. La nature ayant horreur du vide, ces malheureux couples dans la tourmente et la totale méconnaiss­ance finissent par tomber fatalement entre les mains des charlatans, dans les griffes des apprentis faiseurs de miracles avec à l'arrivée une cascade de drames allant de l'extorsion massive d'argent au viols tout court (pour exorciser le démon squattant les entrailles de la femme) rapportés régulièrem­ent sur les réseaux sociaux et à la une des journaux à scandale.

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