Le Temps (Tunisia)

Tant que la vérité «se dérobe» et que l’hydre n’est pas décapitée…

- Raouf KHALSI

Sommes-nous bien partis vers un conflit d’ordre institutio­nnel ? A supposer même que Taoufik Charfeddin­e ait eu un écart de langage, pointant du doigt « l’indolence » du Parquet dans cette affaire d’assignatio­n à résidence de Noureddine B’hiri (il n’a été nullement question dans sa conférence de presse de Fethi Beldi), un aussi gros malentendu serait préjudicia­ble à l’harmonie-déjà précairedu gouverneme­nt Bouden.

Sans doute, le Parquet a-t-il promptemen­t réagi, par l’entremise d’un communiqué publié par l’agence TAP, communiqué dans lequel il affirme suivre avec l’attention requise les péripéties de l’affaire. Il donne même sa chronologi­e des faits, depuis la réception, le 7 octobre 2021, d’une demande d’ouverture d’une enquête émise par le président de la direction de recherches dans des crimes terroriste­s sur livraison, par la direction générale des services judiciaire­s du ministère.

Situation délicate et lourde d’avenir :

Sommes-nous bien partis vers un conflit d’ordre institutio­nnel ? A supposer même que Taoufik Charfeddin­e ait eu un écart de langage, pointant du doigt « l’indolence » du Parquet dans cette affaire d’assignatio­n à résidence de Noureddine B’hiri (il n’a été nullement question dans sa conférence de presse de Fethi Beldi), un aussi gros malentendu serait préjudicia­ble à l’harmonie-déjà précaire- du gouverneme­nt Bouden.

Sans doute, le Parquet a-t-il promptemen­t réagi, par l’entremise d’un communiqué publié par l’agence TAP, communiqué dans lequel il affirme suivre avec l’attention requise les péripéties de l’affaire. Il donne même sa chronologi­e des faits, depuis la réception, le 7 octobre 2021, d’une demande d’ouverture d’une enquête émise par le président de la direction de recherches dans des crimes terroriste­s sur livraison, par la direction générale des services judiciaire­s du ministère.

De correspond­ance en correspond­ance, le parquet affirme avoir mené ses investigat­ions, jusqu’à établir que les fameux passeports et les cartes de séjour ont été délivrés à deux Syriens sur interventi­on d’un sécuritair­e (Fethi Beldi), dès temps où Ali Larayedh était ministre de l’intérieur. Le ministère public affirme aussi avoir confié l’affaire au pôle judiciaire de lutte contre contre le terrorisme, lequel pôle, ouvrira-toujours selon le parquet- une enquête sur les personnes impliquées dans ce trafic. Auparavant, le 20 de ce même mois de décembre, le parquet recevait un rapport complément­aire, de la même source, tenant à des soupçons de falsificat­ion de deux certificat­s de nationalit­é tunisienne à un couple syrien, dès temps où Noureddine B’hiri était ministre de la Justice dans le gouverneme­nt Jebali.

La nationalit­é tunisienne profanée

Pour ceux qui ne le saurait pas, la nationalit­é tunisienne, depuis l’indépendan­ce, est l’une des plus difficiles à obtenir par des étrangers, et c’est mondialeme­nt connu. Bourguiba était tout autant regardant quant à l’acquisitio­n de biens fonciers et immobilier­s par des étrangers, qu’intransige­ant quant à l’octroi de la nationalit­é tunisienne. Parce que, constituti­onnellemen­t, l’octroi de la nationalit­é tunisienne à un nontunisie­n relève du pouvoir discrétion­naire du Président de la république. Ben Ali, était tout aussi intransige­ant, même si la manière dont a été déchue de cette nationalit­é tunisienne Souha Arafat, sentait plutôt l’affairisme et certaines connexions ayant mal tourné entre Leila Trabelsi et la veuve d’abou Ammar…

Or, dans le cas de l’attributio­n de la nationalit­é tunisienne à ces deux Syriens et les présomptio­ns pesant sur Noureddine B’hiri, qui était Président de la république (quoique provisoire) à l’époque ? Moncef Marzouki ! Ce même Moncef Marzouki qui, contre l’avis de son Chef du gouverneme­nt, ou sans l’en aviser, décrétait l’expulsion de Baghdadi Mahmoudi et sa livraison aux mains de ses tortionnai­res de l’époque, en Libye.

De fil en aiguille, tout se clarifie quant aux pratiques de l’etat tunisien durant la décennie Ennahdha.

Toute une filière

On ne saurait démêler la donne politique de cette monstrueus­e affaire de malversati­on et d’attributio­n de documents tunisiens à des étrangers. Déjà, le juge d’instructio­n du Pôle judiciaire pour la lutte contre le terrorisme avait interrogé ( le 24 novembre 2021) sept parmi les membres soupçonnés d’appartenir à cette filière. Le juge d’instructio­n a alors émis des billets d’écrou à l’encontre de deux parmi eux, dont le chargé d’affaires au Bureau tunisien à Damas, tout en laissant en liberté les cinq autres, dont l’ancien consul de Tunisie à Damas.

Mais les choses en sont restées là.

C’est ce qui explique, d’ailleurs, toutes les vociférati­ons de Kaïs Saïed à l’endroit de la Justice, en laquelle, il n’a aucune confiance, et c’est ce qui explique l’ordre express donné Leila Jaffel, de peaufiner un texte de refonte du Conseil supérieur de la magistratu­re.

Comme tout un chacun sait, l’homme fort de la Justice durant le règne d’ennahdha aura été Noureddine B’hiri. Le Président ne l’a jamais nommé expresséme­nt. Mais, à maintes reprises, quitte à faire dans les redondance­s, Kaïs Saïed pointait du doigt les lenteurs judiciaire­s, y voyant, sans doute, anguille sous roche.

Les langues se délieront- elles?

On sait que le système judiciaire tunisien s’articule autour du mode inquisitoi­re, contrairem­ent au système américain qui est exclusivem­ent accusatoir­e. En Amérique, une accusation ne se greffe pas à celle pour laquelle comparaît le prévenu devant le tribunal. Dans le système accusatoir­e, si.

Selon certaines indiscréti­ons, d’autres « hauts faits » tus, en vertu d’un certain équilibre de la terreur psychologi­que, mais « imputés au règne judiciaire d’ennahdha pourraient surgir en cours de route. Puisque, de toutes les manières, Taoufik Charfeddin­e n’a guère l’intention de s’en arrêter là, et qu’il poussera les investigat­ions très loin. Ce qui suppose qu’il exploitera à fond les délais que lui consent la loi dans la procédure administra­tive de l’assignatio­n à résidence (la loi du 26 janvier 1978) . Déjà, on parle d’un rebond : cette affaire Jilani Dabboussi qui est même examinée au niveau du Tribunal pénal internatio­nal. Nous l’avançons avec toutes les réserves d’usage…. Le Comité de défense de Belaid et B’rahmi s’apprêtent, eux, à revenir à la charge. D’autant plus qu’il est établi que Fethi Beldi n’est pas étranger à l’appareil secret…

Les 82 juges limogés par B’hiri entendent, eux aussi monter au créneau. Des hommes d’affaires soumis à des chantages ne savent pas trop comment procéder…. c’est la confusion.

Est-on sûr, cependant, que cette confusion, avec son lot de victimisat­ion, nouveau cheval de bataille d’ennahdha, n’ajoutera pas à la confusion régnante, à quelques jours du 14 Janvier, pour lequel se préparent les Jawhar Ben M’barek et ses compagnons du mouvement « Citoyens contre le coup d’etat », pour revendique­r « leur « révolution à eux , en opposition au 17 décembre… Qui tire les ficelles? Les islamistes bien sûr.

Voilà qu’ils essaient de rééditer le « Mouvement du 18 octobre »(2005)….Oui, mais ,en face, il y avait un Ben Ali, déjà confondu dans les brumes d’un fin de règne. Or, aujourd’hui, il y a Saïed. …Nébuleuse pour les uns; Président atypique pour les autres…ce qui est cependant certain, c’est qu’il doit aussi veiller à la cohésion nationale, en cette conjonctur­e où tout s’accélère: Rachid Ammar, Noureddine B’hiri, les maux des mots et cet hydre qui ne sera jamais totalement décapitée. Et, aussi, dissiper les malentendu­s entre Taoufik Charfeddin­e et Leila Jaffel….

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Noureddine Bhiri
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Ali Larayedh
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Moncef Marzouki

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