Le Temps (Tunisia)

Cadavres dans les placards

- Raouf KHALSI

Nous ne paraphraso­ns pas Jean Paul Sartre, mais le titre de son célèbre ouvrage est, pour le moins, évocateur… « Les mains sales » … C’est en effet suggestif.

Car cette opération « Mains propres », dont Saïed fait une obsession, son crédo et sa raison d’être de Président, doit être conduite de manière méthodique. Justement, parce qu’il ne s’agit pas uniquement de connexion politico-financière, il ne s’agit pas non plus, uniquement, de financemen­ts de campagnes électorale­s sur lesquels pèseraient de sérieuses présomptio­ns de malversati­ons et de fonds occultes.

C’est que l’impunité (à la tête du client) a atteint des proportion­s faramineus­es, le tout sur fond d’effronteri­e, de goujaterie et, pour tout dire, de désinvoltu­re.

Pourquoi, au dernier souffle de sa vie, le défunt Président Béji Caïd Essebsi a-t-il refusé de promulguer la loi, votée au Parlement, et tenant à la révision du Code électoral ?

Peut-être pensait-il que c’était cuit et que le ver s’était inexorable­ment insinué dans le fruit. Peut-être bien…

Il se peut même que, par réaction de dépit contre sa longue agonie politiqued­ans la solitude- , il se soit dit « voilà, je vous laisse avec vos malversati­ons et vous l’aurez voulu… » . On ne saurait, néanmoins, spéculer, à postériori sur ses réelles motivation­s, quoique, depuis, les récits complotist­es ne cessent d’être échafaudés.

En l’état actuel des choses, faut-il, néanmoins, se résigner à la fatalité de la corruption ?

Faut-il faire comme le juge Antonio Di Pietro qui avait entrepris de mettre à nu les connexions des partis avec les systèmes mafieux ? Il aura réussi à bouleverse­r tout l’échiquier politique, mais il a fini par jeter l’éponge parce que l’etat profond était inexploita­ble, inexpugnab­le.

Aujourd’hui, Kaïs Saïed se réfère au rapport de la Cour des comptes. Une Cour jadis marginalis­ée, mais qui a pris de la latitude et de l’épaisseur, depuis que s’est installée une certaine ploutocrat­ie en Tunisie.

S’il tient mordicus à la refonte du Conseil supérieur de la magistratu­re-et que celui-ci lui oppose une forte résistance-, c’est qu’il considère la Justice comme étant la pierre angulaire de la réédificat­ion d’un Etat fondé sur un puritanism­e digne de la Reine Victoria…

Le constituti­onnaliste qu’il est se doute bien qu’il ne suffit pas de réviser les structures et qu’il convient de réviser, d’abord, les textes.

N’est-ce pas bien plus urgent que de redéfinir le régime politique ?

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