Des «dizaines» de morts dans les émeutes
Le pouvoir a décrété l'état d'urgence sur l'ensemble du Kazakhstan, mercredi 5 janvier au soir, ainsi qu'un couvre-feu. Mercredi, les manifestants se sont emparés, dans le chaos, de bâtiments administratifs et de sièges des forces de l'ordre, plusieurs ont été tués. Déclenché le 2 janvier après le doublement du prix d'un gaz pour véhicules, le mouvement de protestation s'est vite transformé en critique d'un régime autoritaire et corrompu.
Des « dizaines » de manifestants ont été tués par la police, selon un porte-parole des forces de l'ordre, et plus d'un millier de personnes blessées au Kazakhstan depuis le début des manifestations dimanche. Au moins 18 membres des forces de sécurité ont été tués et 748 blessés, ont annoncé, jeudi 6 janvier, les agences de presse russes citant le ministère kazakh de l'intérieur. Ce jeudi, l’heure est au rétablissement de l’ordre. On voit sur les places de certaines grandes villes du pays des véhicules blindés, rapporte notre correspondant pour l'asie centrale, Régis Genté. Mercredi soir, une opération dite « antiterroriste » a été lancée par la police, notamment à Almaty, la capitale économique du pays.
En réalité, il s’est agi de mettre fin au mouvement de protestation et aux pillages, comme dans les magasins vendant de la high tech. Mais les informations manquent, car l’internet a été coupé longtemps mercredi 5 janvier et qu’un certain nombre de médias ne fonctionnent plus.
Le gouvernement démis de ses fonctions
Une ambiance de chute du régime régnait mercredi au Kazakhstan. De fait, le régime a vacillé. L’état a semblé impuissant à contrôler la situation.
Et d’une certaine façon, il a chuté, puisque l’ancien président, qui a dirigé le pays d’une main de fer depuis 1991, Noursoultan Nazarbaïev, 81 ans, a perdu le contrôle du pays.
En mars 2019, il avait quitté le fauteuil de chef de l’état pour le laisser à Kassym-jomart Tokaïev, mais il avait en fait conservé l’essentiel des pouvoirs à la tête du Conseil de sécurité national. Mais mercredi, le président Tokaïev a affirmé assumer désormais les fonctions de chef dudit Conseil de sécurité.
Les hommes de Nazarbaïev ont été démis de leurs fonctions, notamment le Premier ministre Askar Mamine ou le puissant chef des services de sécurité, Karim Massimov.
Dans la soirée, Kassym-jomart Tokaïev avait appelé ses alliés à l’aide « contre des gangs terroristes internationaux ». L’organisation du traité de sécurité collective (OSTC), une alliance militaire régionale de facto dirigée par la Russie, a été appelée à la rescousse par le président Tokaïev. Ce sera la première fois que cette organisation mènera une telle mission.
A travers L'OSTC, l'intervention de Moscou
Formellement, l'annonce a été faite par le Premier ministre arménien qui préside actuellement cette organisation régionale, mais ce sont bien les soldats russes qui constituent le noyau de ces forces dites de « maintien de la paix », rappelle notre correspondante à Moscou, Anissa el Jabri. Elles resteront « jusqu'à ce que la situation se stabilise ». Leur mandat : assurer la sécurité des infrastructures.
C'est la première fois que L'OTSC décide d'envoyer des troupes pour soutenir l'un de ses membres. La dernière demande avait été faite par l'arménie lors du conflit avec l'azerbaïdjan au Haut-karabakh mais elle avait été déclinée après trois mois de discussions. Mercredi, la réponse a été presque immédiate après l'appel à l'aide du président kazakhstanais.
« L'opération de nettoyage », dit le président de la Douma d'état russe sur les affaires régionales, « sera faite par les forces locales ». Ce choix reflète la position de Moscou : d'un côté officiellement via le ministère des Affaires étrangères, on appelle au calme et à la modération, de l'autre depuis mercredi le narratif de certains médias officiels pointe la responsabilité de l'ouest. « Des émeutes dues aux services de renseignement occidentaux », affirme un expert dans les pages de la Komsomolskaia Pravda.
« Ingérence extérieure »
Du reste, L'OSTC intervient officiellement pour le motif à peine moins précis d'« ingérence extérieure ». Il est pourtant difficile de prouver ces allégations. Le soulèvement populaire a été déclenché par la hausse du prix du gaz et reprend des revendications politiques et sociales portées depuis des années par une population fatiguée du régime autoritaire vieux de tente ans.
Il faut dire que l'annonce du départ de l'ancien président Nazarbaïev a eu un écho historique dans la région. C'est le vétéran des régimes mis en place à la chute de L'URSS. Le voir soudainement écarté du pouvoir par la force du peuple inquiète aussi bien Moscou que Minsk. Le président biélorusse a lui-même fait face à d'importantes manifestations après son élection à un sixième mandat en mai 2020 .
Avant les pourparlers russo-américains qui débutent dans quelques jours, la Russie tient à montrer qu'elle sait gérer l'instabilité sur plusieurs fronts.