Le Temps (Tunisia)

L'ascenseur n'est plus en panne…

- Samia HARRAR

Doux-amer. Parce que, pour qu’il ne soit pas affligeant, le constat doit pouvoir s’appuyer sur des réalisatio­ns plus conséquent­es, qui seraient d’ordre à montrer des améliorati­ons tangibles, dans tout ce qui touche aux infrastruc­tures hospitaliè­res publiques intramuros. Mais pas seulement. Non pas seulement, parce que, guérir suppose de mener, en parallèle et à la fois, tous les chantiers inhérents à la Santé publique en Tunisie. De larges et gigantesqu­es « chantiers » en perspectiv­e, lesquels doivent englober tout ce qui fait défaut, tout ce qui est dépareillé, tout ce qui est inexistant, ou, a cessé d’exister ; bref, tout ce qui manque à l’appel pour que nos médecins : jeunes ou moins jeunes, ne soient plus tentés, en désespoir de cause, par l’appel du large. Et choisissen­t, parce qu’ils pourront exercer leur métiersace­rdoce dans des conditions honorables, de rester au pays.

Les trois ascenseurs en panne de l’hôpital de Jendouba, où un jeune résident en médecine a trouvé la mort, d’une façon atroce, il y a une année, en tombant de la cage d’escalier, sont aujourd’hui réparés. La belle affaire ?

Il a fallu toute une année, c’est-à-dire une éternité, pour que, ce qui tient, aujourd’hui, de l’ordre de l’exploit, ait pu advenir. Une année, cela fait quatre saisons, douze mois, et des jours et des nuits, et un défilement d’heures, qui s’égrènent, inlassable­ment, au diapason de la grande aiguille de l’horloge, dans un tic-tac exaspérant, et exaspéré lui-même par sa propre lenteur, avant que le miracle n’ait lieu. Oui, il semble que cela tienne du miracle ; mais, l’on en est au point de se retenir à peine pour ne pas applaudir des deux mains, lorsque, dans notre pays où toutes les pendules semblent s’être arrêtées, ou presque, un ascenseur désaffecté reprend du service, pour signifier, si besoin est, et nous rappeler également dans la foulée, qu’en cas de naufrage, s’accrocher à un fétu de paille pourrait parfois suffire à restituer l’espoir. Mettons, un semblant d’espoir. C’est dire dans quel état de douce béatitude le citoyen lambda surnage aujourd’hui !

Il ne nous reste plus qu’à fixer la moitié pleine du verre, en visant la symbolique du geste qui pourrait se traduire comme ceci : les ascenseurs de l’hôpital de Jendouba ont repris vie. C’est peut-être un détail, mais Dieu se cache aussi dans les détails. Il faut donc, comme dirait Camus, imaginer Sisyphe heureux…

C’est un raccourci. Et il est peut-être trompeur même s’il dit ce qu’il dit. Pour l’heure, c’est tout ce que l’on est en mesure de se mettre sous la dent. C’est triste, mais il faut, paraît-il, s’en réjouir. Réjouisson­s-nous. Amen...

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