Le Rap, ça dérape !
Faut-il admettre et se mettre à l’évidence qu’il existe sous nos cieux deux genres de musique Rap ? Celle « soft » qui est diffusée par les radios et télés privées et parfois par celles étatiques où les paroles sont toutes gentilles, allant même jusqu’à devenir à connotation religieuse ! Et celle déjantée et un peu trop libre qui a été rattrapée par la censure pour la simple raison que plusieurs paroles crues y font légion.
Ce second genre est plutôt prisé par la majorité écrasante de nos jeunes gens qui écoutent leurs vedettes préférées par smart phone interposé tous heureux de défier la censure et de reprendre les « belles » paroles. Il arrive d‘ailleurs que le son soit poussé au maximum et vas-y que je te « bombarde » de jurons d’une grande bassesse qui se situent dans un périmètre qui ne dépasse pas l’univers du sexe. Ces rappeurs ne connaissent aucune limite dans leur « art » de s’exprimer. Et l’on est contraints de découvrir leurs « chefs-d’oeuvre », à contre coeur, car les consommateurs de ces produits les écoutent avec une forte sonorité. Un espace de liberté et plutôt un ghetto qui approfondie le niveau de la débauche chez nos hommes de demain ! Le futur artistique de la Tunisie se limite-il dans le Rap de mauvaise facture ? Car il semble avoir éliminé toutes les autres expressions musicales précédentes. Certes, chaque période a toujours eu sa génération d’artistes anti conventionnels où les chansons interdites s’écoutaient discrètement et non en plein jour et dans la rue ! Un véritable gâchis qui ne rapportera rien à la chanson tunisienne d’aujourd’hui et de demain. On se rappelle que pour la chanson de variété ou humoristique d’hier, plusieurs dépassements avaient eu lieu. Ces chansons avaient été retravaillées et élaborées par les institutions artistiques étatiques pour devenir audibles sans choquer l’ouïe. Les exemples sont multiples. Cela va de la célèbre et éternelle chanson : « Lililliri ya Menna» où la « soukrana » (la saoûle) est devenue « ghodhbena » (mécontente), à la chanson : « Bourgdena» (Orange) qui n’était plus douce que le whisky. Il en est de même pour «Bahdha hbibti tahla essahriya » où la bien-aimée avait fait oublier à son amoureux ses parents ! Elle ne pouvait donc que lui faire oublier son supplice et son malheur. Autant de chansons à succès qui avaient traversé le vingtième siècle et qui continuent à être interprétées et fredonnées par les générations d’aujourd’hui. Mais pour le Rap, le phénomène s’amplifie de plus belle, allant même à faire croire aux jeunes qu’il n’existe que cette expression de mots rythmés en une rengaine qu’on croirait sans fin. Sinon, aucun autre genre ne peut traduire les problèmes vécus par des jeunes paumés où le Rap leur ressemble. Ils retrouvent dans ces expressions libres, une part d’eux-mêmes. Avec ses dérapages et ses douces folies, le Rap a permis à des artistes qui le pratiquent et qui étaient dans la pauvreté, d’atteindre le bien-être et d’acquérir une notoriété au sein de la société où ils vivent et créent. Une situation paradoxale, mais véridique.