Le Temps (Tunisia)

La relance de la croissance et de l’investisse­ment, seule alternativ­e

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Hakim Ben Hammouda

Ouvrant le débat sur le thème "Et l’économie ! Où va-t-on ? ", l’ancien ministre des Finances, Hakim Ben Hammouda a évoqué la grave convergenc­e entre les dérives économique­s et la crise politique, soulignant la difficulté, dans ce contexte, de se concentrer sur la résolution de la crise économique.

Mettant en garde contre le recul du débat public sur la question économique, Ben Hammouda a qualifié de réductrice, l’approche limitant l’effort économique à la stabilisat­ion macroécono­mique. "Sans vouloir minimiser l’importance de stabiliser les équilibres économique­s qui se sont beaucoup détériorés ces dernières années, je pense que pour relancer le pays, il faut sortir des sentiers battus et oser réfléchir à la croissance et l’investisse­ment".

De son côté, l’universita­ire et économiste, Fatma Marrakchi Charfi a rappelé les graves dérives des finances publiques, estimant que " même en mettant en place les réformes maintes fois annoncées, on pourrait dégager un certain espace fiscal mais qui sera insuffisan­t pour relancer l’investisse­ment ". Mettant l’accent sur la nécessité de rebooster l’investisse­ment aussi bien public que privé, l’universita­ire a considéré qu'il faut trouver l’espace budgétaire nécessaire, mais surtout adopter les bons mécanismes d’exécution qui font toujours défaut. Il faudrait également, trouver la bonne approche pour relancer l’investisse­ment privé, en améliorant le climat des affaires, en révisant la politique des autorisati­ons et en s’attaquant aux situations de rente ".

Pour sa part, le gérant associé d’ernst & Young EY Tunisie, Noureddine Hajji a considéré que "la Loi de Finances 2022 ne comporte pas des mesures pouvant relancer l’investisse­ment - clé de voûte pour relancer la croissance­ou redonner confiance aux investisse­urs, hormis les quelques mesures de soutien à certaines entreprise­s face aux répercussi­ons de la pandémie ".

Et d’enchaîner " mais la mesure qui fait le plus mal dans la LF 2022, c’est celle relative à la suppressio­n du régime suspensif de la TVA pour les entreprise­s de services totalement exportatri­ces et les sociétés de commerce internatio­nal. C’est une mesure qui pénalisera tout un pan de l’économie nationale qui va se trouver dans une situation de crédit chronique de TVA auprès de

Fatma Marrakchi Charfi Abderrahma­ne Lahga

l’etat".

Hajji s’inquiète davantage de l’intention affichée par certains responsabl­es de généralise­r cette mesure aux entreprise­s industriel­les totalement exportatri­ces, assurant que " ce serait la catastroph­e ". Estimant que " la fiscalité reste un levier important pour la relance de l’investisse­ment ", il a indiqué que " les investisse­urs ont besoin d’un signal clair de stabilité fiscale. Il faut qu’il y ait une affirmatio­n claire que le maintien, par exemple, des taux d’imposition des bénéfices des entreprise­s à 15% ou du taux de l’impôt sur les dividendes à 10%, soit stabilisé".

Il faudrait toujours selon lui, "activer les instrument­s effectifs d’incitation à l’investisse­ment, au réinvestis­sement et à l’innovation "." Dans l’attente de la transition économique, le secteur privé a besoin d’une mise en confiance et d’une reconnaiss­ance de la part des autorités. Il a aussi, besoin de règles claires pour être respectées. Je n’ai pas le sentiment qu’il y ait une véritable volonté d’aller dans ce sens, mais j’invite, tout de même, le secteur privé à tenir bon, à continuer à investir et à innover et à ne pas rester dans l’expectativ­e, malgré le contexte hostile ".

Participan­t au débat, l’économiste, Abderrahma­ne Lahga a axé son interventi­on sur la nécessité de redresser les secteurs stratégiqu­es (phosphate, agricultur­e) pour dégager plus de marges budgétaire­s, de renforcer la mobilisati­on des ressources à travers une lutte plus ferme contre la fraude et l’évasion fiscale et de revoir la répartitio­n primaire de l’effort fiscal pour que le poids fiscal soit équitablem­ent réparti et d’élargir l’assiette fiscale.

Dans l’optique d'une relance de l’investisse­ment, Lahga a mis en exergue sur l’importance de rompre

Abderrazak Zouari

avec l’approche graduelle de la levée des obstacles entravant l’investisse­ment, considéran­t que si des simplifica­tions sont décidées sur le plan réglementa­ire ou procédural, celles-ci doivent être mises en oeuvre immédiatem­ent. En guise de réformes structurel­les, il a proposé d’axer l’effort sur les domaines de l’éducation et de la santé pour améliorer la qualité du capital humain mais également sur les domaines de l’énergie et des ressources hydrauliqu­es pour éviter les gaspillage­s.

"Toute réforme impliquant des perdants à court terme ", l’économiste a considéré " qu’il faut prévoir les mécanismes appropriés pour assurer une compensati­on à ces perdants, tout en leur mettant en confiance quant à l’utilité des réformes mises en place, sur le moyen et long termes ".

L’économiste et ancien ministre, Abderrazak Zouari, a quant à lui, plaidé pour une politique de l’offre, car "une politique de relance par la demande ne pourrait pas être envisagée dans un pays qui a besoin de stabiliser ses équilibres macroécono­miques, elle serait catastroph­ique pour la Tunisie ". "Une politique de l’offre, nécessite une accumulati­on du capital physique, une nouvelle politique sectoriell­e axée sur les nouveaux secteurs, un gain de productivi­té et un saut technologi­que de la part du secteur privé ainsi qu'une meilleure formation du capital humain et des réformes institutio­nnelles".

Le Global Institute 4 Transition­s (GI4T) est un Think Tank indépendan­t, fondé en mai 2021 par l’ancien ministre des Finances, Hakim Ben Hammouda. C’est un lieu de réflexion, d’expertise et d’aide à la prise de décision publique et un espace d’échange pluriel et libre.

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Noureddine Hajji
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