L'accord franco-allemand ne restera pas sans contrepartie
L'allemagne, très hostile au premier mais très dépendante du deuxième, s'abstiendra. Ce n'est pas encore sa version officielle, mais cela fait des mois que, en coulisses, diplomates français et allemands oeuvrent patiemment pour obtenir ce "deal".
Le handicap de la nouvelle coalition au pouvoir en Allemagne est qu'elle est en effet dirigée par des sociaux-démocrates du SPD (plutôt antinucléaires mais pro-gaz) alliés à des Verts (antinucléaires de toujours et hostiles au gaz) et aux libéraux du FDP (partisans d'une économie robuste qui a besoin du maximum d'énergies, dont le gaz). Aujourd'hui, Paris présente déjà cette perspective comme une victoire. "Compte tenu des intérêts de beaucoup d'états membres, dont la France, dans le nucléaire et de beaucoup d'états membres, dont ¬l'allemagne, dans le gaz, dit-on à l'élysée, nous sommes assez confiants dans le fait qu'au Conseil européen il n'y aura pas d'objection."
Dénoncé par les Verts allemands, malgré leur participation au gouvernement de coalition et l'exercice du pouvoir, au poste de vice-chancelier chargé de la question climatique, pour l'écologiste Robert Habeck, le compromis passé avec la France reste un pari sur la capacité de Paris et Berlin à rester moteurs de la construction européenne. "L'allemagne résistera un peu sur les principes et finira peut-être par obtenir des amendements sur la durée de la nouvelle taxonomie ou des contraintes supplémentaires sur la gestion des déchets nucléaires, elle sait que c'est un mauvais compromis, mais qu'il n'y en a pas d'autre", explique Frank Baasner, le directeur de l'institut franco-allemand de Ludwigsburg.
"De toute façon, le prix politique à payer pour la France sera élevé, estime Jens Althoff, directeur de la Heinrich-böll-stiftung à Paris, le think tank des écologistes allemands. Car l'opinion publique ¬allemande, bien au-delà des Verts, est très opposée au nucléaire. Et aussi parce que la France, pour obtenir une majorité sur ce projet de taxonomie est allée obtenir le soutien de la Pologne, de la Hongrie ou de la République tchèque, qui ne sont pas des modèles de l'état de droit tel que le défend Emmanuel Macron."
Sans compter que, en faisant avaler cette couleuvre du nucléaire aux Verts allemands, ils mettent en péril leur soutien lorsqu'il faudra cette année se mettre d'accord entre Paris et Berlin sur le retour à la discipline budgétaire européenne. "Ce sera alors plus difficile pour nous de faire des pas vers la France lorsqu'elle aura besoin de trouver des alliés en Allemagne", avertit Jens Althoff.