Le Temps (Tunisia)

La culture en berne

- Mona BEN GAMRA

La culture, ce parent pauvre de la vie dans la cité, est la première cible des décisions politiques intempesti­ves. Les artistes sont les premiers concernés par des mesures sanitaires qui, diront certains esprits grincheux, « n’ont rien à voir avec la pandémie et ses variants mais sont purement politiques et feront en sorte à éviter des rassemblem­ents qui dérangeron­t le confort de certains décideurs. » Soit. C’est ce retour à la case départ qui chambouler­a des programmes culturels et importuner­a ceux qui gagnent leur pain du peu que rapporte leurs créations ou de l’organisati­on d’événements culturels.

Et c’est un 14 janvier qu’on vivra encore une fois sans âme , avec la pesanteur d’un événement de notre calendrier national qui le dos voûté trainera encore pour des années sa mauvaise posture.

Une révolution et décor kafkaien d’une Tunisie complèteme­nt défigurée… Un corps métamorpho­sé en une bête féroce qui peine à retrouver ses marques. Une situation qui nous rappelle un tant soit peu ce classique de la littératur­e universell­e, « La métamorpho­se » de Kafka que nous relisons toujours avec le même plaisir de la première lecture. Un roman court et poignant, « La métamorpho­se » nous fait (re) vivre dans un décor imaginé et décrit par celui qui donna son nom à l’adjectif « kafkaïen ». Nous relisons Kafka avec le même entrain de la première lecture qui nous donne l'envie de se lever et de hurler à s'en vider ses poumons. Ce récit fantastiqu­e qui représente plusieurs grilles de lecture selon qu’on est ou pas concerné par le regard des autres et par son poids sur notre être.

Un matin, on fait la connaissan­ce de Grégor Samsa qui se réveille métamorpho­sé en une étrange créature, mi-homme mi-animal, un monstrueux insecte que sa famille est en mal d’accepter. Sauf que là l’enfer que vit le personnage dans sa nouvelle apparence, ne provient pas de lui-même mais du regard des autres. Les mots butent et culbutent… Beaucoup d’émotions en si peu de pages. Roman d'excès, de brûlure de vivre, de peur au ventre , il ne nous laisse pas indifféren­ts . Tout simplement. Dans ce livre, Kafka réussit le tour de force d’être à la fois dans l’écriture romanesque en même temps que dans le récit de l’aventure d’un personnage hors du commun avec son entourage.

Cela donne à réfléchir sur plusieurs sujets comme le travail, la dépendance, notre rapport à l’altérité. L’auteur n’en donne pas pour autant des réponses. C’est au lecteur de se triturer les méninges pour en trouver selon sa culture et sa manière de penser la vie.

Voilà qui fait de ce livre le genre de romans qu'on emporte avec soi et qu’on tente par tous les moyens préserver de l'usure et des ravages du temps … mais dont on abîmerait le papier de nos doigts gourds jusqu'à l'usure de nos relectures.

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