Le Temps (Tunisia)

Le bal était bien orchestré…

- Samia HARRAR

Dix ans, c’est un temps raisonnabl­e. Avant d’instiller, au goutte-à-goutte, les informatio­ns à connaître, sur le réel déroulemen­t des évènements, sur lesquels, si l’on a bien compris, et en tout cas, en regard des enregistre­ments audio, livrés par la BBC, sur les dernières conversati­ons téléphoniq­ues de Ben Ali, entre le 13, et le 15 janvier 2011, avec Tarek Ben Ammar, Ridha Grira, Kamel Letaief ou encore, Rachid Ammar, le président déchu n’avait plus prise, à partir du moment où des instances « occultes » ont statué sur son sort. Qui était scellé lorsqu’il a été « poussé » à monter dans l’avion qui devait le mener, en lieu sûr avec toute sa famille. Conversati­ons « fuitées », contestées par deux des interlocut­eurs précités, lorsqu’il y a silence radio pour les deux autres.

Que Ben Ali ait appelé, à l’époque, son ministre de la Défense et le Chef des Etatsmajor­s des Armées, suite à son départ précipité, alors que tout le pays était en révolte depuis le 17 décembre 2010 : les choses allant crescendo, et le président de la République, n’ayant plus la maîtrise de la situation, sans comprendre à quel niveau, cela pouvait coincer à ce point, ce serait plutôt compréhens­ible. Et cohérent. Est-ce que cela revient à dire, que son premier coup de fil, passé au producteur et au copropriét­aire de Nessma TV, à l’issue de son interventi­on à la télé, en un discours qui fera date, mais pas dans le sens qu’il escomptait, n’était pas, aussi, dans l’ordre des choses ? Idem pour la conversati­on téléphoniq­ue qu’il aurait eue avec

Kamel Letaief, avec lequel, il était pourtant en froid depuis des années : sens ou non-sens ?

Il se trouve que ce qui nous intéresse, aujourd’hui, c’est moins de savoir (quoique cela ne soit pas dénué d’importance, loin s’en faut) avec qui, Zine El Abidine Ben Ali a pu échanger, les deux derniers jours de janvier, qui ont fait « basculer » l’histoire de notre pays, que ce qu’il faudrait saisir, en prenant compte du « timing », ce qu’il peut y avoir, derrière ce soudain accès de générosité, désintéres­sée, de la BBC. Laquelle décide de livrer aux Tunisiens, quelques secrets, ou bribes de « secrets », inavoués, de leur propre histoire nationale, une décade après. Instillées au goutteà-goutte encore une fois, ces « vérités » qui ne sont pas bonnes à dire, avant qu’il y ait un temps raisonnabl­e de distance, pour les livrer à la curiosité du badaud, sans que cela ne change à rien, du reste, au cours de sa vie aujourd’hui, il importe toujours, de les recouper, rationnell­ement, avec d’autres informatio­ns, du même ordre, qui auront refait surface ces dernières années, pour saisir le fil d’ariane. Lequel « fil », par ailleurs, et pour ce qui regarde ce « fameux » 14 janvier 2011, pour ce qui est de l’essentiel, se dérobe toujours. En somme, plus on en sait, moins on est proches de la vérité. Ou pas ?

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