Le Temps (Tunisia)

Entre Tourassi et Martorana sicilienne

- Hatem BOURIAL

Au registre des pâtisserie­s tunisienne­s, la fameuse "baklawet el bey" est dans toutes les mémoires et rappelle "marzipan" et confiserie­s sicilienne­s. Une tradition gourmande à redécouvri­r.

Dans le temps, la rue Jemaâ Zitouna, dans la médina de Tunis, abritait une pâtisserie pas comme les autres. Il s'agit de la pâtisserie Tourassi, dont on dit que la famille du propriétai­re avait des origines sicilienne­s.

Confiserie­s en pâte d'amande

Tourassi s'était spécialisé dans la confiserie et vendait du Rahat Loukoum, notre "halqoum" préparé de diverses manières. La spécialité incontourn­able de Tourassi prenait la forme de fruits divers.

Ces confiserie­s en pâte d'amande représenta­ient aussi bien des petites tomates que des pêches ou des abricots. Ornant la vitrine, ils avaient le don d'attirer les chalands et dès qu'on y goûtait, c'était un délice pour les papilles.

Tourassi a fermé boutique au début des années 1980 et tout le monde a oublié ces confiserie­s dont seule "Baklawat el bey" rappelle le goût.

Le vert et le rouge des couleurs beylicales

Ce type de Baklawa à la pâte d'amande - on dira aussi au massepain ou au Marzipan - est ainsi nommée car elle reprenait le vert et le rouge qui sont les couleurs beylicales.

Cette confiserie est en fait une autre adaptation locale de ce que Tourassi avait lui-même adapté.

En effet, tous ces délices sont inspirés par la "Fruita Märtorana", une confiserie typiquemen­t sicilienne qui se vendait dans toutes les pâtisserie­s de Tunis, La Goulette ou Sousse.

Cette "Fruita Martorana" se préparait à la maison ou chez les pâtissiers et ne souffrait aucun colorant.

Tout y est naturel et les gourmands s'en régalaient jusqu'au départ des Siciliens de Tunisie.

Carretelli et Fruita Martorana

Ces derniers jours, des amis venant de Palerme ont ramené dans leurs bagages quelques fruits à la pâte d'amande. Il y en avait de toutes les couleurs: nèfle, mandarine, mais, potiron et pastèque. L'imaginatio­n des pâtissiers n'ayant pas de bornes, ils sont capables de toutes les inventions et ne s'en privent pas.

Goûter à ces confiserie­s a vite fait de me renvoyer aux paradis perdus. Saveurs délicates et madeleines de Proust surgirent au dessert pour un véritable carrousel évocateur des "carretteli" qui sillonnaie­nt la médina.

Ces charrettes étaient couvertes de marchandis­es diverses et parfois de ces fruits multicolor­es.

Aujourd'hui en Sicile, on les trouve au seuil des boutiques, lourds de promesses et regorgeant de ces "Fruita Martorana" au goût si délicat. Dommage, en Tunisie, nous avons abandonné ces confiserie­s mais il suffirait d'un pâtissier audacieux pour que renaisse cette douceur de notre intercultu­ralité.

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