Le Temps (Tunisia)

Nouvelle lune de miel ou rapprochem­ent intéressé ?

- Walid KHEFIFI

Après près de cinq mois de rupture, un tête-à-tête s’est finalement tenu samedi dernier au palais de Carthage entre le président de la République Kaïs Saïed et le secrétaire général de l’union générale tunisienne du travail (UGTT). C’est le premier entretien entre les deux hommes depuis le 26 juillet dernier, au lendemain de l’annonce des dispositio­ns exceptionn­elles en vertu desquels le locataire de Carthage s’est arrogé tous les pouvoirs.

Après près de cinq mois de rupture, un tête-à-tête s’est finalement tenu samedi dernier au palais de Carthage entre le président de la République Kaïs Saïed et le secrétaire général de l’union générale tunisienne du travail (UGTT). C’est le premier entretien entre les deux hommes depuis le 26 juillet dernier, au lendemain de l’annonce des dispositio­ns exceptionn­elles en vertu desquels le locataire de Carthage s’est arrogé tous les pouvoirs. Habituée à faire un singulier mélange des genres entre son rôle syndical stricto-sensu et un engagement politique substantie­l qui lui permettait de peser sur l’échiquier à chaque tournant politique majeur, la Centrale syndicale a été déroutée par l’exercice solitaire du pouvoir auquel s’est adonné le président.

Malgré les demandes incessante­s exprimées par les dirigeants de L’UGTT, Kaïs Saïed semblait marginalis­er délibéréme­nt l’organisati­on ouvrière, tout comme l’ensemble des autres corps intermédia­ires. La centrale syndicale, qui avait soutenu au départ les mesures exceptionn­elles du 25 juillet, a commencé à prendre ses distances avec la présidence, tout en continuant à réclamer l’élaboratio­n d’une feuille de route claire et un dialogue national sur les réformes à engager.

Face au silence assourdiss­ant du palais présidenti­el et en désespoir de cause, L’UGTT a plaidé pour la Constituti­on d’une « troisième voie » renvoyant dos à dos le chef de l’etat et ses adversaire­s menés par le parti islamiste Ennahda.

Lors de son entrevue avec Taboubi qui s’est étalée sur trois heures samedi dernier, le président de la République a pourtant nié l’existence d’un coup de froid sur ses relations avec la centrale syndicale.

Le contact n’a pas été rompu entre nous et beaucoup ne le savent pas », a-t-il déclaré, évoquant de nombreux entretiens téléphoniq­ues avec le responsabl­e syndical. Il n’a pas également manqué d’encenser le « rôle national » de L’UGTT.

« Nous avons choisi d’oeuvrer selon les mêmes principes et conviction­s. Nous connaisson­s l’importance du rôle de L’UGTT qui ne s’arrête pas seulement à l’action syndicale, mais qui assure également un rôle national dans plusieurs occasions et à plusieurs niveaux. Les Tunisiens n’oublieront jamais les positions de principe de l’organisati­on, notamment la question palestinie­nne », a-t-il dit.

Kaïs Saïed a également énuméré des grandes réformes proposées par L’UGTT, citant notamment la réforme de l’éducation en 1954 et le programme économique et social en 1956.

« C’était une étape historique et aujourd’hui, nous vivons aussi une période historique », a-t-il souligné. Le secrétaire général de L’UGTT, qui semble avoir apprécié les éloges de son interlocut­eur, a rétorqué qu’il s’agit d’une « ère de la nouvelle édificatio­n », une expression, très chère au chef de l’etat.

Intérêts mutuels

A l’issue de la rencontre, Noureddine Taboubi a souligné la nécessité d’une approche participat­ive dans tous les domaines. « Nous avons souligné l’importance d’une solidarité nationale sincère sans laquelle on ne pourra rien bâtir. Au cours de cette période délicate que traverse le pays, il faut faire montre de beaucoup de calme et de sagesse. La Tunisie ne peut s’en sortir que dans un cadre participat­if. Notre bataille aujourd’hui est économique et sociale en premier lieu, mais également politique », a-t-il précisé. Et d’ajouter sur un ton optimiste : « Le monde nous observe et nous scrute, mais la volonté nationale de toutes les composante­s politiques et celles de la société civile, qui croient en l’etat civil et social, peuvent créer le printemps tunisien ». Reste désormais à savoir si le locataire de Carthage a changé d’attitude à l’égard de L’UGTT qu’il avait invité récemment à « choisir une troisième, une quatrième ou même une cinquième voie » ? Rien n’est moins sûr.

Selon les observateu­rs avertis, ce réchauffem­ent soudain des relations entre la présidence et l’organisati­on ouvrière représente un rapprochem­ent par intérêt et ne n’augure pas d’une nouvelle lune de miel entre les deux parties. Les tenants de cette thèse estiment en effet que le chef de l’etat, qui se trouve plus que jamais isolé sur tant sur le plan intérieur qu’extérieur, cherche à faire d’une pierre plusieurs coups. En rétablissa­nt les ponds de dialogue avec L’UGTT, il espère en effet soustraire la puissante centrale syndicale à l’influence de ses opposants et obtenir son appui au programme de réformes économique­s que le gouverneme­nt a présenté au Fonds monétaire internatio­nal (FMI) pour obtenir un programme d’aide hautement vital pour l’économie tunisienne.

L’UGTT, elle, sait très bien qu’une confrontat­ion avec le président qui jouit toujours d’une grande popularité pourrait lui coûter très chère. D’autre part, le réchauffem­ent des relations avec le président devrait permettre à L’UGTT de retrouver sa posture d’acteur politique incontourn­able à quelques semaines de son congrès électif prévu du 16 au 18 février à Sfax. C’est dire que le rapprochem­ent entre la présidence et la centrale syndicale est gagnant-gagnant.

Face au silence assourdiss­ant du palais présidenti­el et en désespoir de cause, L’UGTT a plaidé pour la Constituti­on d’une « troisième voie » renvoyant dos à dos le chef de l’etat et ses adversaire­s menés par le parti islamiste Ennahdha. Lors de son entrevue avec Taboubi qui s’est étalée sur trois heures samedi dernier, le président de la République a pourtant nié l’existence d’un coup de froid sur ses relations avec la centrale syndicale

A l’issue de la rencontre Noureddine Taboubi a souligné la nécessité d’une approche participat­ive dans tous les domaines. « Nous avons souligné l’importance d’une solidarité nationale sincère sans laquelle on ne pourra rien bâtir. Au cours de cette période délicate que traverse le pays, il faut faire montre de beaucoup de calme et de sagesse. La Tunisie ne peut s’en sortir que dans un cadre participat­if. Notre bataille aujourd’hui est économique et sociale en premier lieu, mais également politique », a-t-il précisé

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