Le Temps (Tunisia)

La Banque mondiale tente de prévenir les famines

- Graves risques d'insécurité alimentair­e Douze milliards de dollars

Avec la guerre en Ukraine, le monde se rapproche chaque jour d'une pénurie mondiale de blé. L'inde représente en effet 12 à 13% du total de l'exportatio­n mondiale de cette céréale. Or, les perspectiv­es ne sont pas bonnes. Selon le dernier rapport mensuel du ministère américain de l'agricultur­e, la production ukrainienn­e sera amputée d'un tiers pour 2022. Cette baisse ne pourra pas être compensée, car une forte sécheresse sévit dans plusieurs grands pays producteur­s. La France, grand exportateu­r de blé tendre, a ainsi revu à la baisse ses prévisions de rendement pour la prochaine récolte. Cette chute de la production mondiale provoque une baisse des stocks mondiaux et ravive le spectre d'une famine dans les pays pauvres.

C'est la raison pour laquelle l'inde vient de suspendre ses exportatio­ns. « L'été est arrivé beaucoup plus tôt que prévu, ce qui a provoqué une baisse des récoltes de blé hivernales, environ 10 millions de tonnes en moins en comparaiso­n à l'an dernier », explique Pronab Sen, ancien statistici­en en chef de l'inde et directeur national du programme Inde du Centre internatio­nal de croissance.

Patrice Burger, président de L'ONG Centre d'actions et de réalisatio­ns internatio­nales (Cari), s'inquiète des conséquenc­es de l'embargo indien : « La réaction de l’inde est certaineme­nt la première d’une série de pays qui détiennent des stocks ou qui ont des capacités de production et qui décident de faire des priorités nationales. Cette réaction était tout à fait prévisible. C’est la raison pour laquelle nous luttons, nous, pour la révision des systèmes alimentair­es vers une transition agricole qui va vers des production­s plus locales, des consommati­ons plus locales, et qu’on ne soit pas systématiq­uement dépendant des transports internatio­naux massifs, d’une spéculatio­n internatio­nale incontrôlé­e, de la décision de pays qui refusent ou qui ne refusent pas d’exporter. Donc, tout cela est à revoir de fond en comble. Dès qu’il y a des crises, il faut s’attendre que des pays entiers soient mis en défaut, ce qui va arriver maintenant dans des pays comme l’egypte, comme l’irak ou certains pays sahéliens. Effectivem­ent, nous risquons d’avoir des crises alimentair­es massives. Mais la situation qui arrive aujourd’hui, il faut simplement le dire : elle était prévisible ; à un moment ou à un autre, elle risquait bien d’arriver. »

L'an passé, près de 200 millions de personnes dans 53 pays du monde se trouvaient en situation d'insécurité alimentair­e. Un chiffre qui devrait augmenter significat­ivement cette année avec la hausse des prix des céréales et des engrais.

C’est avec ce risque en tête que la Banque mondiale, à la suite du FMI et des agences de développem­ent internatio­nales, réoriente ses priorités vers la sécurité alimentair­e. La Banque mondiale veut mettre douze milliards de dollars sur la table dans les quinze prochains mois. Les ressources iront en priorité et en majorité aux pays d'afrique, du Moyenorien­t, d'europe de l'est, d'asie centrale et du Sud, les plus menacés.

Pour l’agence de L'ONU, il s'agit d'aider les agriculteu­rs des pays concernés à travailler, c'est-à-dire à acheter des engrais et des semences, ainsi qu'à accroitre les surfaces cultivées pour pallier l'absence des céréales russes, ukrainienn­es et indiennes. La Banque incite aussi les pays à supprimer les stockages inutiles et à accroître le commerce mondial des denrées alimentair­es.

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