Le Temps (Tunisia)

L’identité avec bonheur…

- Samia HARRAR

Une joie et une souffrance ? Il n’est pas interdit de choisir. Et de préférence : la première option. Les deux mêlées pour faire bonne mesure ? Voire. C’est un équilibre, difficile à tenir. A force de se tenir sur le fil du rasoir, on peut se blesser le pied. Et se faire taillader l’autre. La meilleure façon, en somme, de se retrouver dans l’obligation, pour échapper à la torture, de sauter dans le vide. Ce n’est pas une option.

Pour la langue française, qui est, certes, la langue du colonisate­ur à priori, le dilemme a dû se poser de la même façon au « Maghrébin errant » et à l’auteur du « Quai aux fleurs ne répond plus... ». Sauf que chacun a dû choisir sa destinée, en tranchant dans le sens qui lui parlait le mieux. Ainsi, Kateb Yacine a vite estimé, s’agissant du français en tant que langue, que c’était à considérer comme un « butin de guerre ». Malek Haddad choisira une option aux antipodes. A savoir, qu’être astreint d’utiliser le français pour s’exprimer, devait être vécu comme une souffrance. Un « exil » en somme. C’est un point de vue. Qui se respecte bien évidemment. Mais qui pousse à s’interroger sur le sens des identités et de l’appartenan­ce. Et de la meilleure alternativ­e qui ne se pose pas mais s’impose, qui consistera­it à vivre toutes les facettes d’une identité plurielle, avec bonheur. Vivre l’une, ne doit pas supposer, ou impliquer, fut-ce l’espace d’une seconde, de devoir tourner le dos à l’autre en la reniant. C’est une composante de l’identité comme une autre. Et les deux se valent s’il en est. Après, il y a les affinités électives, qui ne doivent jamais être vécues, non plus, comme un renoncemen­t.

Est-ce qu’il est nécessaire, à chaque fois, de devoir rappeler, comme s’il s’agissait d’une menace potentiell­e, cette fameuse identité arabo-musulmane qui serait l’attribut de la Tunisie ? Il n’est pas sûr qu’il faille le faire. … Après, il est facile d’opérer à des amalgames pour nous éloigner de l’essentiel. Lors-même que l’essentiel, à notre humble avis, se résume à ceci : être Tunisien, c’est être porteur d’une richesse infinie. Culturelle, et civilisati­onnelle. Pourquoi alors, chercher à affermir l’une, aux dépens de l’autre ?

Le sens des origines, c’est aux parents, de l’enseigner d’abord à leurs enfants. Et puis l’école, doit pouvoir prendre le relais, pour pouvoir faire, à son tour, oeuvre de transmissi­on. Et apprendre aux élèves, palier par palier, tout ce qui a trait à leur Histoire. Qui est riche, et au moins, trois fois millénaire. Et n’a pas commencé avec l’arrivée de l’islam dans le pays. Ce serait une aberration que de continuer à s’en tenir à un mensonge, qui aura fait plus de mal que de bien, à des génération­s entières, en les amputant, volontaire­ment, d’une large part de la vérité, pour ce qui concerne leur ascendance. Il n’y a pas à rougir de la vérité. Il faut juste, la regarder en face. Comme on regarde le soleil. C’est forcément douloureux, ça brûle, et ça peut faire pleurer, mais ça régénère. A moins de vouloir fermer ses yeux...

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