Une épopée pour célébrer l’humanité
La 4ème édition des Journées Chorégraphiques de Carthage a bien levé l’ancre le 11 juin 2022 avec les deux spectacles «baladi ya baladi» de Radouane Meddeb et Malek Sebai, et « Salam », du chorégraphe tunisien Imed Jomâa, en plus d’une performance et une exposition de photos des vétérans de la danse en Tunisie.
« Salam » est un spectacle qui a pris la forme d’une épopée. Le chorégraphe Imed Jemaa a mis en scène la nature avec l’homme, deux forces qui, dans la nuit des temps, étaient fusionnels et que la civilisation et les progrès ont tragiquement séparés. C’est une chorégraphie qui lamente le déclin probable de l’homme suite aux menaces de la planète, et appelle à remettre en question sa conduite, son comportement face à la nature.
Le spectacle commence avec le drôle passage parmi le public d’un agent de nettoyage qui désinfecte et assène les lieux avec son évaporateur. Ce moment fonctionne comme une prolepse qui annonce la thématique du spectacle. La surprise était intense avec le lever des rideaux sur une scène fortement poétique. L’imagination nous transporte très loin, derrière les mers glacées, derrière les océans. On ne sait pas si le paysage est celui de la mer lointaine, si les planches blanches sont des morceaux de glaces flottants et si la belle dame est la terre mère en deuil… Cette scène forme un prologue et complète l’épilogue qui est la scène époustouflante de l’étreinte de la planète terre par les chorégraphes à la fin du spectacle.
La danse des chorégraphes nous conduit progressivement à déchiffrer les codes et à percevoir les discours qu’ils transmettent, à travers les mouvements des corps dansants et leurs pliures si délicates, à travers leur fusion en un seul corps, leur union formant une masse solide et leur désunion et fragmentation, à travers les rythmes tantôt lents, tantôt accélérés, à travers l’impression du poids et de l’épanchement de la légèreté. Tout cela est maitrisé, fortement maitrisé, mesuré au détail le plus infime, réagissant à la lettre aux phrases musicales, matérialisant les sonorités et incarnant les tempos.
Le spectacle « Salam » a offert des moments intenses au public, qui a été imprégné de la poésie des corps, et de la beauté de la scénographie, en plus de l’’impressionnante souplesse des chorégraphes.