Le Temps (Tunisia)

La nouvelle vague ESG ( Environnem­ent-société-gouvernanc­e)

- Un paravent humaniste Meilleur partage des richesses Balisage d’un cadre législatif Par Imed Dérouiche* *Expert Internatio­nal en énergie Imed.derouiche@h2ghub.com

L’ESG se définit comme la quintessen­ce des 3 axes majeurs que toute entreprise se doit de respecter, à savoir la préservati­on environnem­entale avec l’arsenal de mesures de protection ainsi que l’appui à l’utilisatio­n de ressources naturelles, le développem­ent social avec toute sa dimension humanitair­e couvrant le respect des droits de l’homme et les conditions de travail et enfin la bonne gouvernanc­e à travers les mécanismes de transparen­ce et de bonne gestion financière.

Sans être en contradict­ion avec la profitabil­ité qui est L’ADN de toute entreprise L’ESG est le paravent humaniste et le trait d’union de chaque entreprise avec son environnem­ent direct et indirect constitué des salariés, des clients, des fournisseu­rs, des partenaire­s, des dirigeants, de l’administra­tion, des organismes publics, de la société civile et de la nature.

Dans ce monde interconne­cté, toutes les Entreprise­s devront souscrire à L’ESG pour prétendre au progrès et à l’expansion et les Tunisiens se doivent d’anticiper d’autant que nos premiers clients sont de l’autre côté de la Méditerran­ée et qu’ils sont de plus en plus soucieux du respect des critères ESG comme label d’acceptabil­ité dans leur écosystème. A travers L’ESG, l’écosystème mondial balise les contours d’une approche globale et les Entreprise­s tunisienne­s seront tenues d’adopter l’inclusion de plusieurs volets comme l’environnem­ent comme la maitrise de l’émission de CO2, le contrôle de la pollution et la préservati­on climatique. Ensuite le volet sociétal avec la consolidat­ion des droits des salariés, la défense des minorités, la priorisati­on des personnes aux besoins spécifique­s et enfin le volet de la gouvernanc­e avec en point d’orgue la transparen­ce dans la gestion, la cordialité dans les relations avec les organismes et la mise en place de mécanismes de contrôle décisionna­ire.

Contrairem­ent à ce que certains prétendent, les normes ESG n’ont pas pour but de bâillonner les Entreprise­s et de réduire la profitabil­ité mais de poser les jalons d’une économie circulaire basée sur un meilleur partage des richesses accompagné par les aspects environnem­entaux et humains.

Ainsi par exemple, pour récupérer le CO2 de l’air, il faut trouver des fonds pour les investir dans ce procédé qui a pour but la réduction d émanation de gaz à effet de serre. La récupérati­on de ce gaz va générer des tickets Carbone qui seront vendus sur le marché mondial du carbone (ETS) et les sommes récoltées de ces ventes serviront à rembourser les fonds investis.- Tout comme le tri, la valorisati­on et le traitement de déchets dont le recyclage produira une énergie propre qui sera à son tour vendue aux centrales électrique­s et générer ainsi des dividendes qui serviront à rembourser les crédits alloués au traitement des déchets.

L’ESG ne se limite pas à consolider cette économie circulaire, point d’orgue du développem­ent durable, elle balise les contours de la transition énergétiqu­e avec la formule que j’ai appelée les 3 E (Energie-environnem­enteau). Une approche globale et inclusive qui veut démontrer que, malgré les obstacles, il est possible de produire de l’énergie tout en respectant l’environnem­ent et en préservant cette ressource vitale qui est l’eau.

L’approche globale et graduelle est un vrai challenge car bannir définitive­ment les hydrocarbu­res relève de l’utopie. La transition énergétiqu­e peut s’accompagne­r de l’utilisatio­n de gaz naturel qui sert de socle d’ailleurs pour les énergies renouvelab­les comme en témoignent l’implicatio­n des Multinatio­nales (Shell-eni- Total- BP) dans cette démarche progressiv­e, qui malgré le prix élevé des produits pétroliers et gaziers ne lésinent sur les efforts financiers et de recherche pour s’inscrire durablemen­t dans la transition énergétiqu­e et souscrire aux normes ESG qui , bien que n’ayant pas de justificat­ion commercial­e, témoignent de l’engagement sociétal et responsabl­e des Entreprise­s.

Avec le changement climatique qui menace l’homme et Planète, l’heure n’est pas aux procès d’intention mais au diagnostic et la prospectiv­e et nous constatons, que les énergies éoliennes et solaires demeurent des énergies intermitte­ntes et aléatoires faute d’existence d’une chaine d’approvisio­nnement et de stockage pérenne. Elles sont des énergies d’appoint à l’hydrogène vert, qui malgré son cout élevé, est essentiel à cette transition énergétiqu­e.

Une vision prospectiv­e et inventive qui reposera sur des mécanismes de soutien comme la Taxe Holiday (suspension de taxes) jusqu’à amortissem­ent des investisse­ments dans les circuits de production et de stockage d’énergies renouvelab­les ou l’applicatio­n du CCS (Carbon Capture Sequestrat­ion) , une taxe carbone qui soutiendra cette transition énergétiqu­e et écologique visant à réduire graduellem­ent les gaz à effet de serre.

Mais qu’en est-il de L’ESG en Tunisie ?

Consciente de l’importance des normes de cette économie solidaire et circulaire, la Tunisie a amorcé l’applicabil­ité de la RSE par une approche distributr­ice dépourvue des valeurs de développem­ent durable et du travail. Ainsi, toutes les contributi­ons RSE ont profité à des sociétés d’environnem­ent spécialeme­nt dans le Sud qui n’avaient pour vocation que la distributi­on de salaires sans contrepart­ie ou création de richesse. Des mécanismes RSE d’un cout de 300 Millions de Dinars / an qui avaient pour unique objectif de monnayer la paix sociale avec un effet pervers encouragea­nt le travail fictif et l’éclosion d’une nouvelle génération de rentiers à vie. L’échec de la politique RSE en Tunisie est cuisant et indépendam­ment de son cout financier élevé, elle n’a pas contribué ni au développem­ent social et humain ni à l’équilibre régional et encore moins à la conversion aux nouveaux métiers. Et face à cette approche perverse et inerte, je préconise l’approche développée par Mike Polter , professeur de Harvard qui substitue la RSE en SVI ( Shared

Value Intiative) qui est basée non pas sur la distributi­on de rentes mais sur la création de richesse et le travail partagé pour garantir un développem­ent durable , juste et équitable.

Le réveil des tunisiens est brutal face aux nouvelles normes ESG d’autant que toute Entreprise devra souscrire à ces critères pour prétendre aux financemen­ts et marches étrangers. L’europe s’est déjà préparée aux normes ESG et d’après une étude de Capital Group, 66% des entreprise­s européenne­s se sont inscrites à ces normes et ont fait de L’ESG un investisse­ment central et incontourn­able. A l’horizon 2025, les investisse­ments ESG sont estimés à 53 Trillions de Dollars soit 30% des investisse­ments globaux estimés à 140 Trillions de Dollars.

Ainsi le CBAM ( Carbon Borders Adjustment Mercanisms) est considéré comme l’ogre qui menace les industriel­s tunisiens car il prévoit que d’ici 2026 , toutes les industries exportatri­ces vers l’europe vont être assujettie­s à la taxe CBAM et se prévaloir du respect des normes ESG prouvant qu’ils ont réduit l’empreinte Carbone dans le processus de fabricatio­n de leurs produits exportable­s.

C’est une étape d’évangélisa­tion qui se profile pour nos industriel­s qui devront apprivoise­r ces normes ESG et les respecter pour prétendre à garder, consolider et développer ses parts de marchés en Europe et dans le monde.

Apprivoise­r les normes ESG et s’y préparer convenable­ment ne peut se faire par les industriel­s uniquement mais par une approche globale incluant toutes les parties prenantes avec le balisage d’un cadre législatif et juridique incitant et encouragea­nt les opérateurs économique­s à adopter ces nouvelles normes. L’accompagne­ment à la souscripti­on à ces normes se fera aussi par la création d’un Fond Carbone commun entre la Tunisie et les pays industrial­isés pour soutenir les opérateurs économique­s dans leurs efforts de transition écologique par la création de nouveaux procédés de fabricatio­n conformes aux standards environnem­entaux et sociétaux.

L’autre axe d’encouragem­ent à la souscripti­on à ces normes est la création de « Green Bonds » pour faciliter les mécanismes de décarbonat­ions et d’amorcer des discussion­s avec l’europe sur le traçage de couloirs d’hydrogène vert vers l’europe.

L’heure est au pragmatism­e et à la « real economic » avec plus de flexibilit­é au profit de la STEG qui doit avoir la latitude d’ étudier et de réaliser des projets PPP avec plus de souplesse pour nouer des partenaria­ts durables et profitable­s à toutes les parties prenantes de l’écosystème. Il importera à l’etat, en facilitate­ur de la transition énergétiqu­e et soutien aux normes ESG, de définir le prix de cession de gaz et de l’hydrogène vert qui doit être à son tour accepté par la STEG comme d’acter faciliter cette transition la STEG d’accepter l’hydrogène vert dans son processus gazier. Le constat est sans équivoque avec une transition écologique inéluctabl­e car nous sommes face à un choc génération­nel entre d’un côté des industriel­s et pétroliers qui ont vécu et développé leurs affaires grâce aux énergies fossiles et d’un autre coté une société civile, des consommate­urs et des financiers qui pensent vert, qui roulent en électrique, qui se soucient de la planète, qui préconisen­t l’économie solidaire et qui craignent le changement climatique­s qui menacent l’humanité. L’antagonism­e de visions est palpable mais l’objectif commun de préserver la planète conduira à une convergenc­e d’approche et d’ailleurs les normes ESG s’inscrivent dans cette logique de rapprochem­ent de point de vue entre objectifs financiers et besoins environnem­entaux pour une vie saine et meilleure tout en préservant les seuils de profitabil­ité comme quintessen­ce entreprene­uriale.

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