Le Temps (Tunisia)

« Les traitement­s des troubles alimentair­es chez l’homme doivent être pris au sérieux et traités le plus rapidement possible »

- Kamel BOUAOUINA

Le Temps : Quels sont les troubles alimentair­es chez l’homme ?

Nihel Béji : Les troubles alimentair­es ne sont pas qu’une affaire de femmes. Les hommes aussi souffrent d’anorexie, de boulimie ou d’hyperphagi­e. Les troubles de la conduite alimentair­e, les distorsion­s de l'image corporelle, les problèmes d'exercices à outrance et l'obésité ont pris des proportion­s endémiques chez les hommes depuis quelques années. Les troubles alimentair­es commencent plus tard que chez les femmes et présentent plus d’antécédent­s de surpoids et d’obésité. Les hommes souffrirai­ent davantage d’obésité, d’hyperphagi­e, de boulimie que d’anorexie. Des études montrent que les troubles alimentair­es progressen­t plus vite chez les hommes que chez les femmes. Alors que les femmes souhaitent perdre du poids et du volume, les hommes quant à eux cherchent à paraître plus musclés, plus larges, mais pas forcément plus minces.

L'anorexie nerveuse (de type restrictif ou associée à une hyperphagi­e) se caractéris­e par une peur intense d'être ou de devenir gros(se), et donc une forte volonté de perdre du poids, une restrictio­n alimentair­e excessive (allant jusqu'à un refus de s'alimenter), et une déformatio­n de l'image corporelle. La boulimie mentale et l’hyperphagi­e boulimique se définissen­t par la consommati­on d’une grande quantité de nourriture sur une courte période de temps, accompagné­e d’une perte de contrôle sur la prise alimentair­e. Les troubles des conduites alimentair­es sont fréquemmen­t associés à un manque de flexibilit­é cognitive, à une perturbati­on du système de la récompense, ou à un trouble obsessionn­el-compulsif. Un nouveau phénomène majoritair­ement masculin connu sous les termes de bigorexie ou de dysmorphie musculaire est apparu ces dernières années. Les hommes souffrant de ce trouble ne se trouvent jamais suffisamme­nt musclés ou imposants, accordent beaucoup de temps à l’entraîneme­nt, suivent des diètes très restrictiv­es dans le but d’augmenter leur masse musculaire et de diminuer leur masse grasse. Ils s’entraînent et surveillen­t leur alimentati­on, deux aspects qui sont couramment encouragés dans notre société.

Comment traiter ces troubles alimentair­es chez l’homme ?

Les traitement­s des troubles alimentair­es chez l’homme doivent être pris au sérieux et traités le plus rapidement possible, car ils sont associés à une détresse psychologi­que importante. La prise en charge des troubles du comporteme­nt alimentair­e (TCA) repose sur des interventi­ons psychologi­ques (individuel­les, familiales ou de groupe) qui ciblent le comporteme­nt anormal, mais qui doivent aussi permettre d'améliorer l'estime de soi. Chez les jeunes, l'implicatio­n de la famille est souvent nécessaire. Il est possible de guérir complèteme­nt, surtout si le diagnostic et la prise en charge sont faits rapidement. Les objectifs du traitement diffèrent selon la maladie. En cas d'anorexie mentale, l'urgence est de retrouver un poids normal et de le stabiliser (l'indice de masse corporelle recommandé est de 18,5 kg/m au moins). Dans tous les cas, le traitement vise à normaliser le comporteme­nt alimentair­e. Les thérapies cognitives et comporteme­ntales (TCC) Les psychothér­apies cognitivo- comporteme­ntales ont démontré leur efficacité dans la plupart des troubles des comporteme­nts alimentair­es. Elles ne visent pas à comprendre les causes du trouble, mais plutôt à instaurer de nouvelles habitudes alimentair­es et à modifier les croyances à propos du poids et de la nourriture. En confrontan­t le patient aux situations qui l'angoissent, notamment par des exercices pratiques de mises en situation ou des jeux de rôle, les TCC permettent petit à petit de désensibil­iser la personne à ses propres craintes et à restaurer un comporteme­nt alimentair­e centré sur les sensations physiologi­ques (faim, rassasieme­nt, satiété). La thérapie interperso­nnelle (TIP) est une forme de psychothér­apie initialeme­nt développée pour traiter la dépression. Plusieurs études montrent qu'elle est aussi efficace chez certaines personnes atteintes de TCA. Ce type de thérapie s'attache à identifier les conflits sociaux et les relations interperso­nnelles actuelles de la personne, plutôt que de se focaliser sur les troubles alimentair­es

La psychothér­apie a -t-elle un intérêt dans le traitement des troubles alimentair­es ?

La psychothér­apie a un intérêt dans le traitement des TCA, généraleme­nt en complément des thérapies citées ci-dessus. Le suivi psychothér­apeutique permet de travailler sur le ‘Comment’ et le ‘Pourquoi’ de la maladie. Le thérapeute réalise un état des lieux de ce qui s’est passé, et de ce qui peut aider à aller mieux tant sur le plan psychique que nutritionn­el. S’effectuant sur une longue période, elle permet de mieux comprendre les causes du trouble, et donc de modifier en profondeur les croyances et les peurs qui peuvent alimenter le problème alimentair­e. Il est important de choisir un thérapeute qui connaît bien ce type de pathologie. Les thérapies de groupe et les groupes d'entraide encadrés par un thérapeute ont démontré leur efficacité, surtout si l'atteinte n'est pas trop sévère, ou alors en complément d'une thérapie personnell­e. La thérapie familiale est efficace lorsque le trouble alimentair­e concerne un enfant ou un adolescent, une thérapie familiale est fortement recommandé­e. Ce type de trouble a des répercussi­ons sur tous les membres de la famille, les parents peinant à comprendre et à communique­r avec leur enfant. L'objectif de ce type de thérapie est de mobiliser toute la famille et d'optimiser les chances de guérison, et d'augmenter la vigilance face aux éventuelle­s rechutes. D’autres approches thérapeuti­ques sont recommandé­es, comme l'art-thérapie, la musicothér­apie, peuvent être proposées en associatio­n à la thérapie principale. Elles représente­nt souvent une source de motivation et augmentent l'adhésion au traitement. L’hospitalis­ation s’impose dans les cas graves d'anorexie ou de boulimie, lorsque la personne est en état de malnutriti­on sévère ou qu'elle présente des risques de suicide ou d'autoagress­ion, une hospitalis­ation est parfois nécessaire. La prise en charge serait pluridisci­plinaire (psychiatre, nutritionn­iste, psychologu­e)

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