En Tunisie, la ségrégation n’en finit pas de creuser les écarts
Un dessin avait circulé sur les réseaux sociaux où l’on voyait un père demandait à son enfant : « Dans ton école, il y a des étrangers », et l’enfant de répondre : « Non, dans mon école, il n’y a que des enfants ». Ce n’est peut-être qu’un dessin mais le message y est clair et très fort. Car ce sont les parents qui inculquent le racisme et la discrimination à leurs enfants. Un gamin est un gamin pour un autre enfant, et ce, sans discrimination. Malheureusement, les enfants sont formatés par les réactions de leurs parents vis-à-vis de l’autre, des autres. A l’occasion de la Journée mondiale de l’enfance, L’UNICEF a publié un rapport intitulé Des droits bafoués : Les effets de la discrimination sur les enfants, dans lequel l’agence de L’ONU déplore le racisme et la discrimination à l’égard des enfants du fait de leur origine ethnique, de leur langue et de leur religion, présents dans tous les pays du monde.
Selon ce rapport, faisant suite à une analyse menée dans 22 pays à revenu faible et intermédiaire, les enfants issus de groupes ethniques, linguistiques et religieux marginalisés accusent un important retard sur leurs pairs sur le plan des compétences en lecture. En moyenne, les élèves âgés de 7 à 14 ans appartenant au groupe le plus favorisé sont deux fois plus susceptibles d’avoir acquis les compétences fondamentales dans ce domaine par rapport au groupe le plus défavorisé. Le document montre, d’une manière générale, l’ampleur des répercussions engendrées par le racisme et la discrimination sur l’éducation et la santé des enfants, ainsi qu’en matière d’enregistrement des naissances et d’accès à un système de justice équitable. Il souligne par ailleurs les importantes disparités subies par les groupes minoritaires et ethniques.
Ce rapport insiste également sur le fardeau que la discrimination fait peser au quotidien sur la vie des enfants et des jeunes. D’après un sondage U-report, dont les résultats ont été publiés en septembre dernier et qui a recueilli plus de 407 mille réponses (émanant de 62 % d’hommes et 38 % de femmes), près des deux tiers des répondants, soit 63 %, ont déclaré être couramment exposés à la discrimination dans leur environnement, tandis qu’ils ont été près de la moitié, soit 44 %, à juger que la discrimination avait eu un impact majeur sur leur vie ou sur celle d’une personne de leur entourage.
Signalons que 16 % des répondants avaient entre 15 et 19 ans, 40 % entre 20 et 24, 28 % entre 25 et 30, 6 % entre 31 et 34, et 9 % 35 ans et plus. Il n’y a eu pour notre pays que 62 répondants sur les 71 personnes interrogées.
Inégalités entre les filles et les garçons chez nous
Une proportion supérieure de répondants parmi les tranches d’âge plus jeunes (17 %) a jugé que l’âge constituait le principal motif de discrimination, tandis que les répondants plus âgés ont classé l’origine nationale (20 %) et le niveau d’instruction/de revenu en tête des motifs de discrimination.
L’identité de genre est, également, un motif de discrimination, et ce, avec 15 % des répondants.
En ce qui concerne les répondants de notre pays, 89 % ont déclaré que la discrimination était courante dans leur environnement, 2 % que non, et 10 % qu’ils n’étaient pas sûrs. D’autre part, 36 % ont répondu que la principale raison de la discrimination chez nous était l’éducation et les revenus, 16 % le genre, 10 % l’origine nationale, 10 % le handicap, 10 % autres raisons (non mentionnées), 8 % l’âge, 6 % la religion, 2 % la couleur de la peau, et 2 % l’orientation sexuelle.
Face à la discrimination, 28 % ont travaillé dur pour donner tort à la personne ou aux personnes qui les a ou les ont discriminés, 26 % n’ont pas pris de mesures directes, 23 % ont confronté la ou les personne(s), 19 % ont trouvé une autre solution (sans précision), et 4 % ont recherche de l’aide.
Pour 42 % des répondants tunisiens la discrimination a eu un très grand impact sur leur vie ou celle de quelqu’un qu’ils connaissaient, 29 % quelque peu, 15 % pas du tout, et 13 % un peu. En ce qui concerne l’égalité des opportunités de développement de compétences entre les filles et les garçons, 45 % ont répondu qu’il n’y avait pas d’égalité, 41 % qu’il y en avait, et 14 % n’étaient pas sûrs. Quant aux mêmes possibilités de développement de compétences aux filles et aux garçons handicapés, 53 % pensent que la communauté n’offre aucune possibilité, 24 % pensent le contraire et 23 % ne sont pas sûrs.
Des millions d’enfants mis à l’écart de principes fondamentaux
Notons que U-report est un outil numérique de mobilisation sociale, développé par L’UNICEF, encourageant les jeunes de toutes les catégories socio-économiques à la participation citoyenne. U-report permet d’impliquer les jeunes au dialogue social et politique, à partir de sondages sur leur quotidien, leurs problématiques et leurs attentes. Il est à la fois un outil d’information, de mobilisation et d’engagement des jeunes. Il se compose de trois supports : une plateforme technique qui permet d’envoyer régulièrement des questions aux membres U-reporters à travers leur téléphone mobile et/ou autres canaux de communication, un site Web où les résultats des sondages sont partagés en direct avec le grand public et les institutions ou autres (médias, pouvoirs publics, décideurs politiques...), et les réseaux sociaux qui offrent un espace de discussion et de partage d’informations entre la communauté de U-reporters et le grand public.
Le rapport Des droits bafoués : Les effets de la discrimination sur les enfants souligne, également, la persistance de discriminations et d’exclusions qui continuent d’empêcher des millions d’enfants issus de groupes minoritaires et ethniques d’accéder à la vaccination, aux services d’approvisionnement en eau et d’assainissement, ou encore à un système de justice équitable.
Les auteurs ont insisté sur le fait que la discrimination et l’exclusion renforçaient le cycle intergénérationnel de la précarité.