Le Temps (Tunisia)

Plusieurs poids, plusieurs mesures

En février dernier, notre Institut national de la statistiqu­e a publié son enquête nationale sur le budget, la consommati­on et le niveau de vie des ménages en 2021, basée sur un échantillo­n théorique de 21.600 ménages. L'on est en droit de se

- Zouhour HARBAOUI

demander si ces 21.600 ménages représenta­nt vraiment l'ensemble des ménages, sachant que les concitoyen­s des zones profondes sont souvent oubliés dans les statistiqu­es, pour plusieurs raisons...

Loin de nous de mettre en doute le travail des enquêteurs de l'institut national de la statistiqu­e (INS) concernant l'enquête nationale sur le budget, la consommati­on et le niveau de vie des ménages en 2021. Cependant, nous avons quelque doute sur certains résultats sur la pauvreté qui ne représente­nt pas, à notre avis, la réalité.

Déjà lors du recensemen­t de 2014, certaines familles n'ont pas été recensées. Nous parlons en connaissan­ce de cause, puisque personne n'est venue nous voir pour connaître la compositio­n de notre ménage. Et donc, nous ne faisons aucunement partie des statistiqu­es du recensemen­t. Certains Tunisiens vivant dans des zones rurales reculées n'ont, également, pas été comptabili­sés, pour plusieurs raisons, comme le fait qu'ils ne reçoivent pas d'aides sociales...

En ce qui concerne cette enquête nationale sur le budget, la consommati­on et le niveau de vie des ménages en 2021, il s'agit de la 12e enquête quinquenna­le de L'INS, qui s'est déroulée entre le 13 mars 2021 et le 8 mars 2022. Elle porte sur un échantillo­n de 21.600 ménages, tirés, d'après L'INS, selon un sondage aléatoire stratifié selon deux critères géographiq­ues, à savoir la région et le milieu de résidence du ménage, et selon le niveau de vie mesuré par le taux de pauvreté en 2015. Rappelons que, pour 2015, c'est un échantillo­n de 25.140 ménages qui a été choisi.

Il est grandement dommage que la note de synthèse ne donne pas la répartitio­n de ces ménages.

Décrire la pauvreté de la population

Cette enquête a voulu, entre autres, décrire la pauvreté de notre population, en précisant que le profil de la pauvreté et le diagnostic de sa répartitio­n géographiq­ue met en lumière la diversité parmi les pauvres, identifian­t les différents groupes de population­s vulnérable­s qui peuvent avoir à affronter des conditions et des difficulté­s diverses.

Pour les auteurs de l'enquête, la pauvreté est une situation de privation matérielle et sociale empêchant l'individu de satisfaire ses besoins essentiels. L'approche retenue pour la mesure de la pauvreté consiste à aborder ce phénomène en termes de conditions de vie à travers l'exploitati­on des données issues de cette enquête. Les auteurs précisant que le seuil de pauvreté désigne le niveau de consommati­on minimum en-deçà duquel une personne est considérée comme pauvre et que le calcul du pourcentag­e de la population ayant un niveau de consommati­on en-dessous du seuil de pauvreté constitue l'une des mesures possibles de la pauvreté.

Il est à noter qu'un seuil de pauvreté spécifique est adopté pour chacun des milieux : urbain et rural, tenant compte des modes de consommati­on de la population et du coût de la vie dans les différents milieux de résidence, et qu'afin de pouvoir mesurer la pauvreté en 2021, les seuils de pauvreté et d'extrême pauvreté estimés à l’occasion de l'enquête précédente (2015) sont actualisé par les indices de prix à la consommati­on entre les deux périodes. Il a été ajouté que la méthode suivie dans l'enquête ne calcule pas directemen­t un seuil de pauvreté national, mais plutôt des seuils de pauvreté spécifique­s à chaque milieu.

Ces précisions sont importante­s puisqu'elles prouvent, quelque part, que les statistiqu­es données essayent de se rapprocher de la réalité, mais ne sont pas la réalité.

Quand la loi du omda fait foi

Dans un système comme le nôtre, où les 24 gouvernora­ts sont divisés en 264 délégation­s, elles-mêmes en 2.073 imadas, c'est un peu la foire d'empoigne ; surtout au niveau des imadas, où beaucoup de chefs de secteurs font leur loi, face à des personnes qui n'ont pas un niveau d'éducation élevé ou d'éducation.

Leur seul vis-à-vis est le omda. Malheureus­ement, ce dernier -heureuseme­nt ils ne sont pas tous comme ça, mais la plupartpro­fite de sa situation de petit chef en puissance et décide qui doit profiter des aides sociales -en général ses proches : famille, parents, et alliéset qui n'en aura pas. Et si quelqu'un réclame son dû, il est victime de représaill­es sournoises.

C'est un peu comme les assistante­s sociales -heureuseme­nt elles ne sont pas toutes comme ça, mais la plupart- qui décident qui est dans le besoin et qui ne l'ai pas. Dans un cas comme dans l'autre, il y a de terribles abus. L'on se retrouve confronter, ainsi, à des situations où le vrai nécessiteu­x n'a rien et le faux a des aides à tire-larigot.

D'autre part, les systèmes de SMS ou d'internet pour obtenir des aides sociales ne sont pas accessible­s à tout le monde. Il est vrai que tout le monde possède un téléphone portable, cependant, l'utilisatio­n des SMS n'est pas donné à tout le monde. Si, c'est une vérité ! Certains Tunisiens illettrés -eh oui, il en existe encore malheureus­ement !- n'utilise le téléphone que pour des appels. Il leur est même difficile de demander de l'aide à une tierce personne ; car il est rare, de nos jours, de trouver des personnes de confiance. Quant à l'internet n'en parlons pas !

Dans un pays comme le nôtre où peu de personnes disent «Alhamdoull­ah», tout le monde se dit pauvre ou se veut pauvre. Et tout le monde veut profiter des aides sociales, dont, nous le pensons sincèremen­t, les critères sont à revoir.

N'est pas pauvre celui qui le dit

Nombre de Tunisiens sont des profiteurs profession­nels, et cela ne date pas d'hier. Ils font partie de la politique que nous appelons faire des assistés pour pouvoir les dominés. A chaque changement de gouverneme­nt, ces assistés -qui ont pris le goût à l'assistance- sont là à chouiner, à pleurer, qu'ils n'ont rien à manger, que tout est cher, etc. Mais bizarremen­t, ce sont les premiers à faire des achats à l'occasion des fêtes, notamment acheter le mouton de l'aïd el Adhha, sous prétexte que c'est pour leurs enfants. Il faudrait réaliser une étude des poubelles en période de Ramadan...

En fait, les vrais pauvres ne tendront jamais la main ; la principale raison est qu'ils ont honte de leur pauvreté et que, quelque part, ils ont leur dignité. Ils subissent leur sort comme si c'était une fatalité. Ils se débrouille­nt pour nourrir leur famille sans mendier. Nous pensons notamment à toutes ces femmes rurales qui se lèvent tôt le matin pour aller travailler dans les champs et autres vergers et potagers, au détriment de leur vie, et ce, afin de subvenir aux besoins de leur famille, soit parce que leur mari est un grand fainéant, soit parce qu'il est malade, soit parce qu'elles sont tout simplement veuves.

Alors les statistici­ens et autres penseurs de ce genre devraient aller à la rencontrer de ces femmes et discuter avec elles pour connaître le pourquoi du comment. Les taux de pauvreté auront une autre couleur...

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