Le Temps (Tunisia)

Aboubakr et l’instaurati­on du pouvoir

- (à suivre)

La tâche la plus urgente du nouveau dirigeant de la communauté musulmane consiste à ramener l’ordre, et à asseoir solidement le pouvoir médinois. Pour cela, Abû Bakr organise une armée qu’il confie à de jeunes chefs militaires, avec pour mission de mettre fin à la révolte des tribus arabes qui refusent de payer l’impôt : en moins d’un an, l’ensemble de la péninsule arabique est soumis au pouvoir médinois, succès fulgurant interprété par les Médinois comme le signe de la faveur divine et contribuan­t à souder les différente­s factions. Cette année de guerre sera plus tard désignée sous le nom de « ridda », qui signifie « apostasie » : si des prophètes divers, comme Musaylima en Arabie orientale ou la prophétess­e Sajja un peu plus au nord, agissent effectivem­ent pour fonder religieuse­ment la contestati­on de l’hégémonie médinoise, les principale­s causes de ce conflit sont toutefois politiques et économique­s, puisque la révolte se traduit surtout par le refus de payer l’impôt. Lorsque Fatima la fille du Prophète vint lui réclamer son héritage de son père, il lui opposa un refus net, sous prétexte que selon le patrimoine du Prophète revient à la communauté, en prétendant que c’est une recommanda­tion du père de Fatima lui-même. Celle-ci a vu sans son attitude un prétexte pour confisquer les biens de son père.

Selon le penseur et doyen de la littératur­e en Egypte Taha Hussein :

« Fatima - la seule enfant survivante du Prophète, et sa fille très aimée - réclama son héritage de la propriété qui pouvait lui être lotie dans les terres de Médine et de Khaybar ainsi que de Fadak. Cette propriété faisant partie des terres acquises sans l`usage de la force, son père (le Prophète) la lui avait donnée pour en vivre, et ce conforméme­nt aux commandeme­nts de Dieu (Sourate Al Isra› verset 26). Mais Abû Bakr refusa d›admettre sa revendicat­ion, disant : «Mais le Prophète a dit : «Nous le groupe des Prophètes, n›héritons pas ni ne laissons d’héritage ; ce que nous laissons est pour l›aumône». Entendant cette affirmatio­n attribuée au Prophète

et contraire à la version du Coran, Fatima fut chagrinée et si mécontente d›abû Bakr qu›elle ne lui adressera plus la parole le restant de sa vie. En effet, selon la Chariâa « tout testament laissé par le De cujus par rapport est nul et non avenu ». C’est pour cela que Fatima a protesté, et démenti la version de Aboubakr. Ce qui causa un différend et une animosité entre eux jusqu’à la mort de la fille du Prophète. Et lorsqu›elle mourut, six mois après la disparitio­n de son père, elle a été inhumée la nuit et Abû Bakr ne fut pas autorisé, conforméme­nt à sa volonté, à assister à ses funéraille­s. Il est significat­if de noter qu›abû Bakr était le seul narrateur de l›affirmatio­n attribuée ci-dessus au Prophète et qui est contraire à la loi musulmane ».

Selon l’historien Muir, précité, : « Après la mort de Fatima, lorsqu’abû Bakr vint voir Ali, celui-ci lui reprocha son manque de franchise et de bonne foi en ayant conduit les affaires de l’élection sans l’en avoir mis au courant. Abû Bakr, niant l’existence de toute intrigue, dit que la situation avait exigé qu’il fit rapidement ce qu’il avait fait, et que s’il avait tardé à le faire, le gouverneme­nt lui aurait été arraché par les Ançâr. Toutefois, pour pacifier `All, il exprima son désir de se décharger du Califat en sa faveur. La date et le lieu de la déclaratio­n publique de ce renoncemen­t furent fixés. Ils devraient avoir lieu au Masjid lors des prières de midi. Au moment de l’exécution, Abû Bakr monta sur la chaire, et demanda à l’assemblée la permission de se retirer et de transférer sa charge à une personne plus méritante. Et pour conclure, il dit : «Retirez de moi votre allégeance, car je ne suis pas le meilleur tant que Ali est parmi vous». Les gens n’étaient évidemment pas préparés à accepter une telle propositio­n, faite si brusquemen­t. Ali n’était disposé à provoquer aucun trouble. Aussi se retira-t-il chez lui. Il est cependant certain qu’il n’avait pas prêté serment d’allégeance à Abû Bakr, au moins, comme certains l’affirment, jusqu’à la mort de Fatima ».

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