Le coran au risque de la psychanalyse (Albin Michel)
Dans cet ouvrage l’auteure à une lecture postmoderne du texte coranique qu’il est indispensable de comprendre à notre époque. Il est question de nos jours de relire le Coran afin de le » réinterpréter, et « refuser certaines lectures extrémistes ». Olfa Youssef, traite le sujet en tant qu’universitaire spécialisée en linguistique, psychanalyste, et qui, en tant que femme maghrébine, qui a vécu au quotidien les conséquences des interprétations coraniques. Elle fait appel aux outils de la théorie du langage, de la sémiologie et de la psychanalyse « pour mettre au jour les structures linguistiques, sémiotiques et inconscientes du Coran et de ce que ses lecteurs y mettent d’eux-mêmes ».
Dans une interview à un média de la place Olfa Youssef déclaré que c’est à travers la psychanalyse qu’elle a pu interpréter et résorber sa crise existentielle et comprendre les questions qu’elle aurait aimé poser à sa grandmère sur la foi et la religion :
« Les six ans de divan ont changé ma vie et m’ont confortée dans la croyance que rien n’est fortuit dans la vie et que tout a un sens, aussi inaccessible et aléatoire soit-il. Je déambulais dans les rues de Sousse, et la pancarte d’un psychanalyste m’interpella. Ayant été amenée à lire quelques ouvrages de psychanalyse, je franchis, plutôt par curiosité, le seuil de la porte, et me voilà embarquée pour le périple de ma vie, et le périple psychanalytique de se muer en périple spirituel. Les contes de ma grand-mère, ma crise religieuse, mes questionnements existentiels, la pluralité des sens coraniques de ma thèse s›agencent comme les pièces d’un puzzle. Plus que de comprendre, je sentis que même si le sens originel du Coran est dans les tablettes d’écriture, inaccessible à l’homme, que même si le sens essentiel de la vie ne peut être objet de représenté, que même si nous sommes amenés comme humains à toujours rater le signe objet, à toujours vivre le clivage entre le mot et la chose, on se doit, malgré cela, mais peut-être à cause de cela, d’accepter cette perte originelle, et de continuer à faire, à avoir la foi, à désirer l’absolu, ne l’atteignant jamais, mais donnant sens à notre vie à travers ce désir ».
« J’ai été professeur et cadre supérieur de l’administration, mais je me perçois surtout en tant que communicatrice. J’ai fait de la télé depuis 1994, d’une manière intermittente en tant que productrice et présentatrice, mais je continue à être invitée sur les plateaux télé en Tunisie et ailleurs, je donne des conférences, j’ai écrit huit livres dont six questionnent l’exégèse du Coran et tendent à réhabiliter tant la notion de l’« ijtihad » que le chemin spirituel des musulmans. Affranchir le spirituel du rituel, tel est mon champ de bataille. Cela m’a valu d’avoir une multitude de lecteurs, des critiques, des encouragements, mais aussi une multitude de détracteurs, des accusations infondées, surtout par les temps qui courent où nos jeunes ne lisent presque plus, tout en étant enclins à être prompts dans les jugements de valeur. Communiquer, plus qu’être une seconde nature chez moi, me rappelle sans cesse que nous ne sommes que des êtres de parole ; cette parole qui nous structure, puis nous exprime, sans jamais correspondre à l’objet de nos émois ou de nos perceptions.
Notre pays, aujourd’hui plus que jamais, a besoin de dialogue. Après les longs monologues auxquels nous avions droit, nous devons réapprendre, non seulement à parler, mais surtout à écouter. Ecouter l’autre pour déceler, au-delà de ce qu’il profère, ses maux et ses besoins profonds, surtout sans y projeter les siens…et si notre Tunisie avait besoin, aujourd’hui plus que jamais, d’être écoutée…alors, aspirons pour les jours à venir à voir moins d’exhibitionnisme des « ego », aspirons à plus d’action dans l’humilité ».