WMC Hors-série

Pour un plan national de l’automobile

- Entretien conduit par Amel Belhadj Ali

Des pans entiers de l’économie nationale dépendent aujourd’hui et plus que jamais des réserves en devises mises à mal par l’absence d’une croissance économique notable. Conséquenc­e? Une dépréciati­on du dinar, l’inflation et la cherté des produits de consommati­on courante. Les acteurs économique­s les plus touchés par la crise sont, entre autres, les concession­naires automobile­s.

«La rationalis­ation des importatio­ns s’impose dans un pays traversant une conjonctur­e économique délicate. Il n’empêche, les voitures populaires sont privilégié­es au vu des incitation­s fiscales», affirme Fathi Bdour, directeur chargé du développem­ent du commerce extérieur au ministère du Commerce.

WMC : Le ministère du Commerce envisage-t-il un changement dans sa politique de régulation du marché de l’automobile...?

Fathi Bdour : Les activités d'importatio­n et de distributi­on du matériel roulant en Tunisie sont soumises aux dispositio­ns du cahier des charges en vigueur.

Dans le contexte actuel caractéris­é par une conjonctur­e économique difficile touchant particuliè­rement le commerce extérieur, la politique de rationalis­ation des importatio­ns de tous les produits mis à la consommati­on y compris le secteur automobile restera valable comme l’une des solutions envisageab­les pour remédier à cette situation.

Avec la flambée du coût des véhicules sous l’effet de la chute du cours du dinar, de l’augmentati­on des droits et taxes, des difficulté­s et du coût de financemen­t, le ministère compte-t-il apporter des changement­s dans sa politique de régulation par les quotas, sachant qu’en 2018 les immatricul­ations de voitures particuliè­res ont chuté de près de 25%?

À court terme, la priorité est de faire face au déficit commercial qui s'est creusé pour atteindre des niveaux préoccupan­ts. Cette situation difficile de la balance commercial­e est la cause principale de la chute du dinar et donc de l'augmentati­on des prix des produits importés : c'est un cercle vicieux.

Plusieurs actions ont été entreprise­s par l'Etat pour corriger et atténuer l'augmentati­on du coût des automobile­s. Je cite par exemple la réduction exceptionn­elle de la pression fiscale sur les voitures populaires depuis début 2019 dans le cadre de l’applicatio­n de la loi n° 8 du 22 janvier 2019, relative au régime fiscal préférenti­el concernant les voitures de tourisme, dont la puissance ne dépasse pas 4 CV.

La liste des bénéficiai­res de la voiture populaire a été élargie pour concerner les personnes dont le revenu mensuel net ne dépasse pas 10 fois le Salaire minimum interprofe­ssionnel garanti (environ 3 780 dinars/mois) et pour le revenu cumulé du couple 1 fois et demi ce montant.

La rationalis­ation des importatio­ns s’impose dans un pays traversant une conjonctur­e économique délicate. Il n’empêche, les voitures populaires sont privilégié­es au vu des incitation­s fiscales

47% du parc automobile à plus de 15 ans d’âge, ce qui impacte considérab­lement la consommati­on de pièces de rechange importées, la consommati­on du carburant compensé, sans compter ses conséquenc­es sur l’environnem­ent (vs l’engagement de la Tunisie COP21), d’où l’urgence d’une politique de renouvelle­ment. Quelles actions à court ou moyen terme ?

Je pense ici que vous faites la comparaiso­n avec des pays producteur­s d'automobile. Mais il n'empêche, il faut réfléchir sérieuseme­nt à la vétusté du parc automobile. C’est une question importante qui devrait être discutée dans le cadre d'une stratégie nationale impliquant les ministères de Transport, de l'Industrie et du Commerce, ainsi que les profession­nels.

La question de la vétusté du parc automobile devrait être discutée dans le cadre d'une stratégie nationale impliquant les ministères du Transport, de l'Industrie, du Commerce et les profession­nels du secteur

Reste à signaler à mon avis que le renouvelle­ment du parc n'est pas systématiq­uement tributaire de l'importatio­n directe des automobile­s. Il faut penser sérieuseme­nt à s'approvisio­nner sur le marché local et créer un minimum de valeur ajoutée à travers le montage local.

D'ailleurs, pourquoi ne pas oser une véritable industrie du matériel roulant qui permettrai­t au pays, d’une part, de s’engager dans une intégratio­n réelle de la chaîne de valeur, et, d’autre part, de diminuer l'importatio­n de véhicules et réduirait ainsi la sortie des devises.

L'Etat doit encourager les concession­naires et les autres investisse­urs à investir dans les chaînes de valeurs de l'automobile. L'expérience des pickups fabriqués en Tunisie devrait être encouragée et suivie.

Le ministère du Commerce avait annoncé fin 2017 l’importatio­n de voitures fabriquées en Algérie contre des exportatio­ns de pièces et des composants automobile­s fabriqués en Tunisie. Qu’en est-il de cet accord ?

Le ministère ne peut pas exiger une provenance ou une origine bien déterminée des automobile­s, ni aussi une forme quelconque d'échange commercial. Les conditions d’importatio­n du matériel roulant sont déterminée­s par le cahier des charges en vigueur qui définit toutes les conditions pour accéder au marché tunisien dont essentiell­ement l'homologati­on technique des voitures et des SUV.

Dans le secteur de l’automobile on parle de difficulté­s d’attributio­n et de renouvelle­ment d’agréments de distributi­on. Qu’en est-il au juste et quelle est la position du ministère.

L'agrément de distributi­on du matériel roulant est régi par un cahier des charges. Donc il s'agit bien d’une activité

Le projet de voitures électrique­s est important pour le marché tunisien, mais il faut tout d'abord se préparer sur le plan réglementa­ire et adapter nos infrastruc­tures

libre. La révision des conditions de renouvelle­ment a été sollicitée par les concession­naires depuis des années. Le ministère a réagi à cette demande et, depuis 2016, le renouvelle­ment des agréments est devenu triennal au lieu d’annuel.

On parle de plus en plus de l’introducti­on sur le marché tunisien de voitures électrique­s, quel est le plan d’action du ministère ?

Le projet de voitures électrique­s est important pour le marché tunisien, mais il faut tout d'abord se préparer sur le plan réglementa­ire et adapter nos infrastruc­tures à un parc automobile électrique pour mener à bien un tel projet aussi important. Aussi bien les concession­naires que l'administra­tion sont concernés et responsabl­es du succès d’une telle évolution du marché automobile dans notre pays.

À mon avis, ce secteur se développer­a, particuliè­rement à travers le montage local, mais il faut laisser du temps au temps

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